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Enseignements à tirer de la crise

-Réjean Pigeon
Réjean Pigeon
Réjean Pigeon. (Photo crédit: Éditions Tullinois)

Confinement, un terme à la mode ces temps-ci et qui restreint passablement la liberté de plusieurs. Ceux qui, entre autres, fréquentent avec assiduité cinémas, commerces, lieux d’entraînement, restaurants, salles de spectacle… Les plus âgés se souviendront pourtant que cette forme d’isolement incarnait un idéal de vie chez certains de leurs contemporains.

Distanciation sociale…un irritant

Ma propre grand-mère appartenait à cette race de gens qui détonnerait de par son originalité, aujourd’hui. Sans l’irritante contrainte de la distanciation sociale, l’assistance aux offices religieux ainsi que d’occasionnels mariages et funérailles représentaient ses uniques sorties. Bien sûr, elle aimait réunir sa famille lors du traditionnel repas du Jour de l’an, mais sans plus.

La question m’intriguait déjà à l’enfance, dans les années 1950. Comment mon aïeule pouvait-elle trouver un quelconque intérêt à cette existence quasi monacale, barricadée, en quelque sorte, dans les limites de sa cour ? La réponse me vint plus tard.

S’atteler à la tâche

Elle passait le plus clair des journées de l’été à l’entretien de son immense potager. À cultiver carottes, choux, navets, oignons et autres légumes. À soigner les fleurs de son jardin, les plus épanouies et les plus odorantes du village. Son rapport à la terre me fascinait, elle qui s’ingéniait à la flatter et à la retourner avec une infinie tendresse.

L’énergique femme s’attelait à nouveau à la tâche avec une ardeur décuplée à l’automne. Récoltant le fruit de ses labeurs, elle produisait alors d’innombrables quantités de pots de conserves, de confitures aux multiples fruits, d’herbes salées, de ketchup… Sans oublier d’emmagasiner un grand nombre de poches de carottes, de navets et de pommes de terre. Beaucoup trop, en tout cas, pour les seuls besoins de mes grands-parents.

Quand réclusion égale ouverture sur le monde

J’allais apprendre en vieillissant que le surplus de provisions accumulées servait en grande partie à la communauté. Généreuse, grand-mère se chargeait de ravitailler les familles pauvres du quartier. Paradoxalement, elle faisait de sa réclusion une œuvre d’ouverture au monde et de partage avec ses semblables. Et ça la rendait heureuse de vivre ainsi dans la simplicité oui, mais une simplicité combien exemplaire et profitable.

J’ai beaucoup pensé à elle au cours des dernières semaines alors que les fermetures de commerces se multiplient dues aux attaques sournoises du Coronavirus. Que le taux de chômage s’envole à des niveaux stratosphériques. Que la misère renifle jusque dans des chaumières qui lui étaient inaccessibles, auparavant.

Encourager les nôtres

Des chanceux (comme moi, je ne m’en cache point) peuvent toujours compter sur la stabilité d’un revenu et cette involontaire pause dans l’activité économique oblige à une épargne quasi forcée. Pourquoi, lorsque la vie reprendra un cours normal, ne pas agir comme ma grand-mère et redistribuer les surplus aux principales victimes de cette crise sanitaire ? Pourquoi ne pas encourager, du même souffle les acteurs de notre économie locale, les artistes, les écrivains et tous ceux qui peinent à garder la tête hors de l’eau ? Ce faisant, on pourrait tous retenir une leçon positive du fléau qui nous afflige.

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