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Le premier seigneur de Rimouski

Contrairement à la croyance populaire, René Lepage n'a pas été le premier seigneur de Rimouski. Il a eu un prédécesseur; Augustin Rouer de Villeray et de la Cardonnière.
Le monument à la mémoire d’Augustin Rouer situé près de l’ancienne église de Nazareth. Photo Richard Saindon

L’histoire entourant le tout début de la seigneurie de Rimouski est assez rocambolesque et met en scène une famille de la noblesse française.

Augustin Rouer est un personnage coloré. Il est né à Québec le 13 juin 1664. Son père se nomme Louis Rouer de Villeray et sa mère Catherine Sevestre. Originaire d’Amboise, dans l’actuel arrondissement de Tours dans la vallée de la Loire, Louis Rouer passe en Nouvelle-France peu après le milieu du 17e siècle et agit comme secrétaire du gouverneur Lauzon, avant de devenir notaire. Les ancêtres des Rouer de Villeray sont originaires d’Italie. Ils appartenaient à l’illustre maison de la Rovère qui a donné deux papes et plusieurs cardinaux à l’Église, des princes à l’Italie et des doges à la République de Gènes.

En 1663, Louis Rouer est nommé premier conseiller du Conseil souverain, ce qui lui procure une certaine influence auprès du gouverneur et de l’intendant. C’est d’ailleurs de cette manière qu’il obtient en 1684 du gouverneur de La Barre, la concession de la seigneurie de l’Ile-Verte pour ses deux fils, Augustin, Sieur de la Cardonnière et Louis, Sieur d’Archigny. Cette seigneurie avait déjà été concédée, mais comme personne ne l’occupait, elle faisait toujours partie du domaine du roi.

Louis se met à la tâche et s’organise pour faire défricher des terres, construire quelques maisons, une grange et une étable. « Mais le père, après examen des lieux, en vint à la conclusion qu’il s’y trouvait trop d’espaces inhabitables et que, en conséquence, le domaine ne saurait être éventuellement divisé entre ses deux fils. »

Rouer de Villeray entreprend des démarches auprès du nouveau gouverneur de la Nouvelle-France, Jacques-René Brisay de Denonville, qui vient tout juste d’arriver au Canada en août 1685, afin d’obtenir une autre seigneurie pour son fils Augustin. C’est ainsi que le 24 avril 1688, Augustin Rouer se voit concéder par le marquis de Denonville et l’intendant Champigny, « une étendue de deux lieues de terre, prés et bois, de front, sur le fleuve Saint-Laurent; à prendre joignant et attenant la concession du Bic, appartenant au sieur de Vitré, en descendant le dit fleuve, et de deux lieues de profondeur dans les terres, ensemble la rivière dite de Rimousky et autres rivières et ruisseaux si aucuns se trouvent dans la dite étendue, avec l’isle de St-Barnabé et les battures, isles et islets qui se pourront rencontrer entre les dites terres et la dite isle. »

Carte de la marine anglaise de 1781 montrant le territoire du Bic à Sainte-Luce.

L’acte de concession stipule que le Sieur de la Cardonnière jouira de son territoire en toute propriété, qu’il est responsable de l’administration de la justice sur ses terres et qu’il détient les droits de chasse et de pêche. Or, sans doute en raison de l’éloignement de sa Seigneurie, Augustin Rouer ne manifeste en aucun temps le désir de faire défricher ni coloniser son nouveau domaine. On sait cependant qu’il vient à quelques reprises pratiquer la pêche au saumon et au marsouin mais sans plus car rien ne nous indique qu’il ait aménagé un quelconque établissement sur ses terres. En fait, il se plait beaucoup plus à la cour du gouverneur de la Nouvelle-France où tous les apparats lui sont permis.

Cette attitude de la part d’un seigneur en Nouvelle-France se rencontre fréquemment. Le gouverneur Denonville a une piètre opinion de la plupart d’entre eux et particulièrement de leurs fils. De son côté, l’intendant Champigny décide de sévir. Il cherche des futurs seigneurs au sein même de la classe agricole du pays. En effet, la plupart de ces colons étaient ambitieux et courageux et la perspective d’être seigneur constituait pour eux une offre très alléchante. C’était en effet un moyen pour eux d’accéder au rang des nobles.

Le 10 juillet 1694 sous la pression des autorités de la Nouvelle-France, Augustin Rouer de la Cardonnière accepte de céder sa seigneurie de Rimouski à René Lepage, en échange d’une petite terre de 4 arpents que ce dernier possède à Saint-François dans l’ile d’Orléans. Après en avoir eu possession un peu plus de 6 ans, le premier seigneur de Rimouski laisse donc un territoire encore totalement vierge à son successeur.

Son acte de sépulture n’a jamais été retrouvé, mais les historiens présument qu’Augustin Rouer de Villeray est mort au printemps de 1711. Marié à deux reprises, il a d’abord épousé le 1er septembre 1689, Marie-Louise Legardeur, qui lui donne six enfants et en secondes noces en 1706, Marie-Louise Pollet de La Combe-Pocatière dont il a trois enfants.

Le 31 octobre 1950, à l’initiative du curé de Nazareth, l’abbé Rosaire Lebrun, un bloc de granit portant une inscription rappelant l’acte de concession de la seigneurie de Rimouski à Augustin Rouer, a été installé devant la maison qui abritait le presbytère de Nazareth. Il y est toujours.

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