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À chacun sa liberté

Dans le monde du conte, il apparaît souvent des situations semblables à notre monde actuel et qui nous donnent des indices de solutions.

Présentement, le monstre invisible, le virus, « le covid 19 » est toujours dans les parages.

À ce moment-ci, la plupart des Québécois poursuivent le déconfinement en suivant des règles sanitaires bien établies.

En même temps, il y a un autre courant qui dénonce la façon de faire de l’OMS et des gouvernements du Canada et du Québec en déclarant qu’il y a « abus de pouvoir », en conséquence qu’il y aurait perte de leur liberté, un droit fondamental et perte de la démocratie… D’autres parlent de complots, de faux docteurs, de fausses recherches et traitent les autres qui prennent au sérieux les recommandations des services de santé, de « suiveux », de moutons et quoi encore ?

Comme le mentionne la revue La Grande Oreille no.80-81:

« …La parole circule. Elle se délie, se fabrique, contredit, hurle, dissimule, invente parfois pour donner un sens aux peurs et aux espoirs de chacun….. »

Quelles en seront les conséquences ?

Mais de quoi avons-nous peur ?

Pendant la crise, selon les statistiques ce sont les personnes âgées qui étaient visées et on en connaît les résultats.

Maintenant, ce sont des jeunes 20 à 30 ans. 50 % des cas diagnostiqués sont des jeunes.

Malheureusement, la presse nous démontre au quotidien l’insouciance des jeunes adultes devant les recommandations sanitaires.

La menace d’une deuxième vague est toujours-là à l’automne. Cette situation est inquiétante …

Nous avons choisi le conte « Crotte mon âne crotte » inspiré des frères Grimm.

Ce conte nous donne des indices des conséquences pour ceux qui ne suivent pas les recommandations.

Si vous n’envoyez pas, il aura eu au moins le pouvoir de vous faire sourire.

Crotte mon âne crotte

Il y a de ça à peu près 60 ou 65 ans . Dans le conté de Trois-Rivières plus précisément au Forge du Saint-Maurice y vivait un vieux avec sa vieille. Le vieux avait 70 ans. Ils n’avaient jamais eu d’enfants. Ils vivaient ben pauvrement. Imaginez-vous qu’ils bûchaient du bois de corde, dans ce temps là pour 40 cents la corde… Pis quand le vieux avait, à l’âge qu’il avait là, avait bûché trois cordons, çà lui donnait à peu près 28 à 40 cents par jour…..Ils vivaient ben petitement.

Un moment donné, voilà le vieux malade. Un bon matin il dit à sa vieille :

  • Chus pas capable de me lever à matin, chus trop malade.

Elle lui dit :

  • C’est correct pour ce matin, mais tu sais ben qu’on arrive juste pour vivre quand tu travailles tous les jours. Demain matin, va falloir que tu ailles travailler, malade ou non.

Le lendemain matin, le bonhomme était encore ben malade. La femme prend le manche à balai, pis elle le lève. lui dit :

  • À l’ouvrage! Si tu crois de me faire mourir de faim… À l’âge qu’on est rendus! Va travailler. Ta maladie a va se passer.

Voilà le pauvre vieux qui part, tout courbé, chancelant. Il s’en va à son ouvrage dans le bois, ben trop malade pour bûcher. Il s’assit sur le pied d’un gros arbre qu’y avait là. Le voilà qui se met les deux mains dans le visage.

À un moment donné, il se lève. Y voit une vieille bonne femme qu’avait le poil sur le visage pas moins ½ pouce de long, pis qui s’en venait en menant un âne par la bride. C’est elle qui parle la première.

  • Mon pauvre vieux, ça ne va pas ce matin…
  • Ah! Ouais ça va ben mal, pauvre vieille.
  • Ah! Je sais ben ce que t’as. Tiens, j’en vais de faire un don. Prends cet âne-là, pis va-t’en chez vous avec. Prends-en ben soin. T’auras seulement la peine de dire « crotte mon âne, crotte », pis il va te crotter de l’argent tant que t’en auras besoin. Mais par exemple, prends ben garde de ne pas coucher nulle part. Va-t’en chez vous directement.

Le vieux le promet… Il part avec son âne, tout joyeux. Ça lui avait guéri la moitié de sa maladie. Quand il fut à peu près à moitié chemin, il te prend un ouragan, mais pas ordinaire! Ça tombait des grêlons pareils comme des gros pois. Il aperçoit une maison. Il frappe à la porte, pis il demande un couvert pour la nuit. L’homme sort vitement avec un gros coat, pis il s’en va mettre l’âne à l’abri dans l’étable.

Après qu’ils furent rendus à la maison, prêts à se coucher, le vieux dit :

-Prenez ben garde d’aller à l’étable et dire « crotte mon âme, crotte », parce qu’il va vous arriver malheur!

Ah! La femme pis l’homme disent :

-Y a pas de danger, monsieur, y a pas de danger qu’on aille à l’étable, pis qu’on dise rien à votre âne…

Ils se couchent. Aussitôt couchés. Le mari de la femme s’endort. Pis elle ne dormait pas… Elle faisait ses complots. Tout à coup, elle le pousse avec son coude :

  • Vieux, dors-tu? Dors-tu?
  • Oui , je dormais. Mais tu m’as réveillé.
  • Sais-tu bien que l’âne du vieux va nous porter malheur, mais moi si j’allais à l’étable ça me porterait bien de bonheur…
  • Quiens, quiens, quiens!!! Te voilà encore avec des plans comme d’habitude…laisse son âne tranquille, pis dors!
  • Ah! Y a pas de soin, toi t’es toujours de même. C’est pourquoi qu’on a toujours été pauvres, pis qu’on le sera toujours.

À force de tourmenter, elle vient par le convaincre. Ils se lèvent tous les deux. Ils allument le fanal. Pis ils s’en vont à l’étable. La vieille rouvre la porte. Elle s’élonge le cou pis elle dit :

  • Crotte mon âne, crotte.

L’âne se lève la queue, pis il tombe une pile de cinquante cents, pis des trente sous. Y avait pas moins de 500 piastres…

Elle dit :

  • Ce n’est pas tout. Astheure… Il faut garder son âne.
  • Comment ce que tu vas faire…
  • T’es toujours ben fou, toi t’as toujours ben pas de génies!!!! Regarde le nôtre, pis le sien… Ils se ressemblent comme deux gouttes d’eau. La sienne est au bord et la nôtre est dans le fond. T’as juste à les changer de bord.

Il change l’âne. Le lendemain matin, le vieux bûcheron se lève, pis ils lui donnent un déjeuner raisonnable. Il part chez eux en prenant son âne…

Il arrive à la maison. Il dit à sa femme :

  • Étends-moi une couverture dans la place. J’ai justement l’âne qui va nous donner de la fortune, de l’argent tant qu’on va vouloir. T’as seulement à dire « crotte mon âne, crotte », pis il lève la queue, pis il va crotter de l’argent.
  • Sacré vieux fou! Tu penses ça!!! Ben voyons donc…

Dans tous les cas à force de tourmenter sa femme, elle se décide à laisser entrer l’âne dans la maison. Il l’emmène vis-à-vis la couverture pis il dit :

  • Crotte mon âne, crotte!

Mais y se passe rien. Sauf qu’un moment donné l’âne crotte une vraie crotte. Elle t’agrafe le manche à balai, pis là elle te le sort… Elle l’assomme quasiment.

Voilà que le vieux encore plus amoché que la veille et retourne au travail chantier. Il s’assoit encore sur le même arbre. Qu’est-ce qui ressoud? Encore sa vieille. C’était une vieille fée. Elle avait le poil dans le visage, mais deux fois plus long que la veille… Elle dit :

  • Comment ça va ce matin?
  • À matin, c’est cent fois pire qu’hier…
  • Je sais ce que t’as… tiens je vais te donner cette petite nappe-là. T’as rien que la peine de la mettre sur la table pis désirer qu’est-ce que tu veux, pis tu vas avoir ce que tu veux. Tu vas avoir du jambon, de la saucisse, tu vas avoir des oranges des bananes, des poires, du raisin…
  • AH! C’est bien.
  • Prends ben garde par exemple de n’arrêter nulle part. Va-t’en chez vous directement!
  • Ah!
  • Oui c’est sûr…

Le voilà qui part. Vous savez dans les contes, çà arrive toujours curieusement . Comme par hasard, quand il fut rendu à peu près à la même place, il prend encore un squall qui avait pris la veille. Obliger de rentrer encore dans la même maison.

Les gens l’accueillent avec une grande joie…Pis là tout un festin l’attendait…Avec tout l’argent que l’âne leur avait donné, ils avaient acheté plein de choses… Après le souper, il va se coucher, mais il dit :

  • Quiens, serrez-moi, cette nappe-là, mais prenez ben garde d’y toucher parce qu’il va vous arriver malheur…
  • Ah! Monsieur, y a pas de danger qu’on touche à votre nappe…

Après qu’il fut couché, il arrive la même chose qu’était arrivée l’avant-veille. Le vieux s’endort tout de suite. Elle, elle ne s’endormit pas. Elle avait la nappe dans tête….Elle pousse avec son coude son vieux. Elle lui dit :

  • Vieux dors-tu?
  • Oui je dormais, mais tu m’as réveillé.
  • Tu sais la nappe, çà doit-être comme l’âne….
  • Ouien la vieille! Tu sais que l’ambition a toujours fait périr son maître… On a assez de l’âne. Laisses-y sa nappe…
  • Si ce n’était pas de moi, nous n’aurions pas eu l`âne et on n’aurait pas eu tout ce qu’on a… Je veux la nappe…

Ça fait qu’à force de le tourmenter, ils se lèvent, pis ils allument une petite chandelle, pis elle prend sa nappe et la met sur la table… Voilà la table garnie de toute sorte de choses…

  • Ouiens!!! Je te disais ben aussi…
  • Comment ce que tu vas faire…
  • Pas de problème j’en ai des pareils en haut tu n’as qu’en prendre une et placé celle-là à place…. Demain je m’en vas lui en donner une des nôtres, pis je vais garder la sienne.

Le lendemain le vieux se lève. Ils lui donnent un bon déjeuner. Pis il s’en va chez eux. Il dit à sa femme :

  • Trime-moi la p’tite table. Là j’ai une nappe qui va nous donner à manger…
  • Oui! M’as t’en donner à manger moi…..

Il a pas la chance de prendre la nappe, qu’elle prend le manche à balai, pis elle te le resort dehors… Va travailler qu’elle lui dit.

Il prend encore le chemin du bois, Il s’assit encore sur le pied du même arbre. Voilà encore sa fée. Elle lui dit :

  • Comment ça va ce matin?
  • Ah! Ce matin c’est encore pire que les autres matins.
  • Oui je sais bien…

Elle lui donne une tabatière…

  • Quiens, Je m’en vas te faire don de cette tabatière-là. Pis par exemple, aujourd’hui, je ne te fais pas la même recommandation que de coutume. Couche à la même place que t’as l`habitude de te coucher.

Ça fait que le soir quand il fut prêt à se coucher, il met la main dans sa poche, pis il donne la tabatière à la vieille.

  • …Ça fait que couche où ce que tu couches d’habitude.
  • Ah oui je vais me coucher à même place.

Ça fait que là quand il fut prêt a se coucher, il donne la tabatière à la vieille et lui dit de ne pas l’ouvrir car il va lui arriver malheur.

  • Ben voyons donc …je n’ouvrirai pas votre tabatière, mon cher monsieur… On ne fume pas!

Encore le mème scénario elle va se coucher, réveille son vieux et lui dit qu’elle va ouvrir la tabatière.

  • Ne fais pas ça…tu es trop gourmande… Il va t’arriver malheur…
  • Ouin ouin… Comme avant!

Ils se lèvent , pis elle ouvre la tabatière… Mais oh malheur! Un toan sort du sac… Et commence à la piquer partout…

  • Elle dit a son mari ôte moi ça, ôte-moi ça…
  • Je te l’avais dit…

Mais les cris de la femme réveillent le vieux bûcheron. Il descend…

  • Vous avez ouvert la tabatière… Maintenant, redonnez-moi mon âne et ma nappe et le toan retournera dans la tabatière…

Ce qui fut dit fut fait… Alors le vieux dit a sa vieille :

  • Je te le disais ben ,qu’à trop ambitionner, ça ne te ferait pas… Astheure, t’as pu rien!!!

Le bûcheron retourne chez lui.

Il arrive à la maison avec son âne, sa nappe pis sa tabatière. Il veut faire entrer l’âne dans la maison pour montrer à sa femme comme c’était bien réel qu’il avait eu un âne qui crottait de l’ argent. Sa femme vient pour prendre le balai, lui, il ouvre la tabatière et le toan va sur sa femme…

  • Ben ma femme, si tu ne veux pas me mettre la nappe sur la table et une couverture sous l’âne, tu vas rester avec le toan…
  • Oui, oui!!! Dépêche-toi, dépêche-toi, de m’ôter ça vitement…

Il rouvre sa tabatière, le toan s’est remis dans sa tabatière, ben tranquille. Pis là, ils ont eu de l’argent tant qu’ils ont voulu. Pis ils mangeaient avec leur petite nappe. Pis ils vivent tranquillement et heureux depuis ce temps-la… si y sont pas morts.

À chacun sa liberté!

Conte revisité par Daniel Projean de  « La table,l’âne et le bâton merveilleux » de Jacob et Wilhelm Grimm. 1864.

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