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Nouvelle de 18 h

Une cinquantaine de personnes arrêtées dans la région

Alors que la Loi des mesures de guerre était appliquée
Pierre Jobin en entrevue avec le journaliste Robert Tremblay. (Photo: capture d’écran-maCommunauté)

La Loi des mesures de guerre, décrétée le 16 octobre 1970, a changé pour toujours la vie d’une cinquantaine de personnes qui ont été arrêtées dans le cadre de la Crise d’Octobre 1970, dans la région de Rimouski.

C’est dans la région rimouskoise qu’il y avait eu le plus de personnes interpellées, après Québec et Montréal.

Ce fut le cas notamment du sociologue Pierre Jobin, de Rimouski, décédé le 22 mai dernier, mais qui avait pu témoigner une dernière fois de son expérience dans une entrevue accordée à Robert Tremblay, pour la série « Témoins de l’histoire » de la télévision maCommunauté de TELUS, deux mois auparavant.

« Je ne m’attendais pas à de telles arrestations à grande échelle. Je croyais qu’il n’y avait pas de loi autorisant ça. Tu ne peux pas arriver sans mandat chez les gens et les arrêter! Les règles ont changé dans la nuit du 15 au 16 octobre. À 2 h ou 3 h du matin, ça sonne à la porte chez moi. Ce sont trois policiers de la Sûreté du Québec qui viennent me dire : « monsieur Jobin, nous venons fouiller ». Je ne m’y attendais pas du tout. Ils ont trouvé des livres de Pierre Trudeau, la revue Cité Libre, etc. Ils ont fouillé partout, jusque dans le réservoir de la chasse d’eau », raconte monsieur Jobin.

« Ils étaient sérieux. Le sergent m’a demandé de le suivre jusqu’à l’auto. Il s’est mis à me parler d’un de ses récents voyages en Haïti. Il me dit : « On comprend mal que le monde ici se révolte, alors que là-bas, c’est la misère. » Ils ont sorti une caisse de livres ou deux. Après, on s’est mis en route vers la prison du vieux palais de justice de Rimouski. On ne s’est pas fait « sacrer » en cellule tout de suite. Ils prennent les noms. On doit retirer nos ceintures et nos lacets, etc. Ils nous fouillent. Là, veut, veut pas, tu vois bien que « la gang » est grosse », ajoute monsieur Jobin.

Les motards

Toujours dans cette entrevue, Pierre Jobin raconte que le service de police de Mont-Joli a tenté de profiter de l’occasion pour arrêter des motards qui n’avaient rien à voir avec le FLQ.

« Tu te dis : s’il y a autant de monde à Rimouski, ils ont bien dû louer le Forum à Montréal! On parle d’une cinquantaine de personnes. En prison, le matin, on découvre qu’il y a beaucoup de gens qu’on connaît et d’autres qu’on ne connaît pas : des noms comme « Booster », « le Rat Lévesque » et « Le gros Chasse » ne me disaient rien. C’étaient des motards de Mont-Joli, où on voulait faire le ménage. On s’entend pour dire que « Booster » ce n’est pas un nom de code pour quelqu’un du FLQ! »

« Les jours passent et finalement, on nous donne accès à une douche. Les interrogatoires ont commencé après. Ce qu’ils voulaient, c’étaient des noms. Ils ont bien dû se dire qu’il n’y avait eu ni d’enlèvement ni de bombes à Rimouski. J’ai été libéré deux jours après », poursuit Pierre Jobin dans cette entrevue.

« Un gros échec »

« Moi, ce que j’en retiens, c’est que ça a été un gros échec de la part des autorités. Ça a été un déclencheur de mobilisation considérable, important, pour le Québec et on a vécu là-dessus pendant 30 ans », a dit Richard Amiot, arrêté lui aussi, dans un reportage de Radio-Canada diffusé hier.

Paul Rose à Rimouski

Par ailleurs, ce que bien des gens ignorent, c’est que Paul Rose, de la cellule Chénier qui avait enlevé le ministre Pierre-Laporte, a séjourné à Rimouski.

« Ce que j’en sais, c’est que lorsqu’il a complété sa peine de prison (à la suite du décès de Pierre Laporte), il est venu s’installer à Rimouski dans les années 1980 pour étudier à l’UQAR. Je crois qu’il étudiait en développement régional. Drôle de hasard, j’ai moi-même habité longtemps la maison qui avait été occupée par Paul Rose, dans le hameau de Neigette, par la suite », dit ce militant souverainiste bien connu.

« La première chose que je retiens de la Crise, c’est l’impact de la Loi des mesures de guerre. Ça m’a toujours troublé. On se rend compte que la démocratie est fragile et que les gens « d’en face » qui sont contre le Québec sont prêts à prendre tous les moyens mis à leur disposition pour nous faire taire. Je comprends de plus en plus que le contexte de l’époque a amené des jeunes à utiliser les moyens qu’ils ont utilisés, c’est-à-dire l’action directe. Quand on regarde l’histoire des années 1950 et 1960 au Québec, on comprend combien les Québécois étaient soumis au pouvoir anglophone. Ça a changé le Québec », estime Alain Dion, qui est aussi le président du comité exécutif du PQ dans Rimouski. L’entrevue de Pierre Jobin, menée par le journaliste Robert Tremblay, sur macommunauté de TELUS peut être consultée ci-dessous.

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