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Les grandes marées de 2010 : un événement historique

Le déchaînement naturel se reproduira, plus souvent et à d’autres moments de l’année
Une scène captée à Sainte-Luce le 6 décembre 2010 qui illustre notamment à quel point les changements climatiques ont commencé à nous affecter davantage ces 20 dernières années. (Photo: Pierre Michaud-archives)

Il y aura 10 ans le 6 décembre, dimanche prochain, les habitants de Rimouski, Sainte-Luce et Sainte-Flavie, notamment, faisaient connaissance avec le déchaînement de la nature.

Peu habitués aux catastrophes naturelles, les Bas-Laurentiens se trouvaient confrontés à un phénomène jamais vu en 100 ans : les grandes marées d’automne associées à une tempête. À Rimouski, la marée atteignait un niveau record de 5,54 mètres.

Avec l’aide de vents très violents, la marée aura causé des dommages tout aussi inédits le long de la côte, à des résidences et à des infrastructures, notamment. Environ 500 personnes ont dû être évacuées. Le phénomène a causé des dégâts pour des dizaines de millions de dollars.

La marée avait envahi le boulevard du Rivage, à Rimouski-Est. Photo: Pierre Michaud-archives)

Que faut-il en retenir? Reverra-t-on de telles marées et de tels dommages? Peut-on s’y préparer?

Pour souligner les 10 ans de cet événement historique, le journal le soir a réalisé une entrevue avec le professeur d’océanographie physique de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER), institution rattachée à l’UQAR, Dany Dumont.

Dany Dumont -Photo: UQAR

Prévenir

Sujet d’autant plus approprié que les changements climatiques sont à l’ordre du jour avec le redoux des températures de cette semaine.

Monsieur Dumont participe entre autres à un projet visant à améliorer la prédictibilité des grandes marées, notamment pour mieux protéger les berges et ce qui s’y trouve et contrecarrer l’érosion côtière.

Depuis neuf ans, en plus d’enseigner, il étudie les environnements polaire et subpolaire et leur rôle dans le système climatique; les interactions vagues-banquise dans la zone marginale glaciaire; l’océanographie des milieux côtiers couverts de glace; la réponse des écosystèmes marins aux processus physiques de la colonne d’eau.

Le professeur de l’UQAR-ISMER au travail sur le terrain. (Photo : Peter Sutherland)

Pourquoi ça se produit

La morphologie du fleuve Saint-Laurent, en oblique, du Sud-Ouest vers le Nord-Est, est une partie de l’explication.

« Les vents sont plus forts en cette saison; les tempêtes sont plus fortes et qui dit tempête de vent dit génération de vagues. Les vents les plus forts viennent généralement du Nordet. La direction Nord-Est est celle qui génère les plus grosses vagues, car la distance sur laquelle le vent souffle pour grossir les vagues est alors plus longue. En guise de comparaison, si on est, par exemple, à Rimouski, avec des vents du Nord, le vent ne soufflerait que sur une cinquantaine de kilomètres, comparativement à des centaines de km avec la direction Nord-Est », précise le professeur Dumont.

Pour le « quand », c’est un peu plus complexe.

« Les événements de submersion comme ceux de Sainte-Luce en 2010 sont le fruit d’une combinaison de facteurs. Il y a d’abord la marée astronomique, qui est prédictible à long terme. Il s’agit de l’oscillation périodique du niveau d’eau due aux formes gravitationnelles de la lune et du soleil. On peut le savoir jusqu’en 2045 avec une bonne précision. On a des marées de vives eaux, comme on dit, quand la lune et le soleil sont alignés. »

Des chalets et des roulottes avaient été emportées. -Photo: Pierre Michaud-archives

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les marées les plus fortes ne sont pas nécessairement à l’automne, mais plutôt au printemps. Par contre, les conditions climatiques font en sorte que les vents viennent accentuer le phénomène en cette période de l’année. Les grandes marées accompagnées de grands vents se font plus violentes.

Un paysage de dévastation. -Photo: Pierre Michaud-archives

« Le vent souffle de l’eau, l’eau s’accumule sur une côte et ça fait augmenter le niveau d’eau. Il y a aussi, associées à une tempête, les fluctuations à grande échelle des pressions atmosphériques. C’est comme si on appuyait sur le niveau d’eau: à des endroits, l’eau descend, à d’autres, elle remonte. Ou autre exemple, comme un ballon sur lequel on appuie. »

Réchauffement

Les derniers facteurs qui influencent les événements de submersion (marées envahissantes) sont la présence, l’absence et/ou la densité de la glace. Le réchauffement climatique entre en ligne de compte.

« Dans le climat du futur, en janvier, la glace persistante va se former de plus en plus tard en hiver. Elle va aussi fondre de plus en plus tôt au printemps. Puis, comme la glace va se former de plus en plus tard à l’automne, il va aussi y avoir des impacts et des risques de submersion en décembre », confie le chercheur.

Une roulotte complètement démolie. -Photo: Pierre Michaud-archives

À venir

L’ampleur des grandes marées du 6 décembre 2010 représentait un phénomène que l’on ne voyait qu’aux 100 ans. Cela risque de devenir, dans un futur assez rapproché, aux 25 ans ou aux 50 ans.

Cette année, les « plus » grandes marées ne surviendront pas vers le 6 décembre, mais bien entre le 14 et 16 décembre. Reste à savoir maintenant si les conditions météo feront en sorte qu’elles seront plus ou moins dommageables, aux cas où de forts vents causeraient de fortes vagues.

On tente de nettoyer les dégâts. – Photo: Pierre Michaud- archives

La marée la plus haute des derniers jours a été observée à 4,27 mètres, hier, le 2 décembre à 15 h 15. Elle était prévue à 4,14 m. Le niveau a dépassé de 13 cm la prévision établie. On voit ici l’effet de la composante météo. Pour le 6 décembre, la prévision est de 3,72 mètres. « Vers les 14, 15 et 16 décembre, Environnement Canada prévoit des marées significativement plus élevées, allant de 4,62 à 4,67 mètres. Celles-ci pourraient causer des dommages si les facteurs climatiques entrent en jeu. Ce sont les prochaines dates où il faudra être vigilant », conclut Dany Dumont.

Vagues déferlant sur le mur de protection de la promenade de la mer, à Rimouski. -Photo: Pierre Michaud-archives)
Le parc municipal situé du côté Ouest de la promenade de la mer à Rimouski. – Photo: Pierre Michaud-archives
Une autre scène captée sur le boulevard du Rivage. -Photo: Pierre Michaud-archives
Entre Rimouski et Sainte-Luce. -Photo: Pierre Michaud-archives
Un vaillant policier pris dans la tempête tente de fermer une rue. -Photo: Pierre Michaud- archives
Opération enrochement à Pointe-au-Père, le 7 décembre 2010. -Photo: Pierre Michaud- archives
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