Chroniques > Ah là là!
Chroniques

Ah là là!

Par Andie Gomez sur Unsplash

J’ai la chance de pratiquer deux des plus beaux métiers du monde : coach et enseignante.

Chaque jour, j’ai le privilège d’accompagner des humains sur le chemin de la découverte d’eux-mêmes. Une route parfois cahoteuse, parfois merveilleuse, mais toujours extraordinaire! Je suis fascinée par un fait, un point commun, un élément tellement courant et récurrent que je m’avancerais à dire qu’il habite chaque humain : la difficulté à assumer qui l’on est vraiment.

Que ce soit mes étudiants au baccalauréat en enseignement ou mes clients, venant de différents horizons, chacun cherche, consciemment ou non, à ressembler aux autres, à ne pas attirer les regards, à ne pas faire de vagues, à ne pas provoquer de jugements, surtout, à ne pas provoquer de jugements.

En quoi le fameux regard de l’autre est-il si important?

Pourquoi cherchons-nous toujours à agir selon les normes, selon les idées préconçues que l’on se fait du regard de l’autre?

Oui, vous avez bien lu : les idées préconçues que l’on se fait du regard de l’autre! Parce que la plupart du temps, l’autre n’aura même pas cette idée de nous.

On jogge dans la rue, le jeudi matin, pas maquillée, en habits dépareillés, les joues rouges et toute couettée. On détourne la tête en croisant une voiture en se disant que le conducteur nous trouvera échevelée et insignifiante. Quand, de son côté, ce même conducteur nous regarde passer et se dit : «Elle est donc bien brave de courir le matin comme ça, j’aimerais être aussi décidé et motivé qu’elle!»

Idées préconçues…

On a envie de chanter le petit air entrainant à la radio. Ben non! Ça ne se fait pas voyons! Que vont dire les gens dans l’allée du supermarché? Bien si ça se trouve, cette dame que vous avez croisée dans l’allée 4, elle en aurait eu bien de besoin, cet après-midi, de ce sourire que vous lui auriez mis aux lèvres!

Idées préconçues…

On se réveille avec un flash, une super idée pour la prochaine réunion d’équipe. Mais les heures passent, le doute s’installe, la peur du jugement de nos employés s’immisce et on remise dans le tiroir cette idée extraordinaire, ce petit jeu qui aurait fait tant de bien à chacun. Bien non! Que vont-ils pensé de moi si je leur fais faire ce jeu idiot? Eh bien, ils n’attendaient que ça ce petit jeu idiot pour les déstresser et resouder l’équipe.

Idées préconçues…

Pourquoi cherchons-nous toujours à agir selon les normes, selon les idées préconçues que l’on se fait du regard de l’autre?

J’ai justement entendu à la radio, cette semaine, une dame —médecin ou psy, je ne sais pas— qui proposait aux gens de se déstresser en dansant, en riant et en chantant chaque jour.

Je me suis dit : eh bien voilà! Avant leur examen final mercredi, je vais faire danser mes étudiants. Ils sont tellement stressés.

Et les jours ont passé et j’ai finalement laissé tomber…

…laissé tomber… mes idées préconçues; ils vont se dire : Elle est folle, cette prof. On est à l’université tout de même! Ils vont tous fermer leur caméra (on enseigne en ligne) ou rester assis à me regarder de travers.

Et les jours ont passé et j’ai finalement laissé tomber…

…laissé tomber… la peur du jugement qui s’insinuait en moi: « Je vais avoir l’air de quoi lorsque je serai la seule à danser devant mon écran sur I will survive à tue-tête? »

Et j’ai décidé de foncer. Il faut dire que j’avais un alibi, un bon alibi. Je tenais à leur transmettre cette idée qu’ils seront de meilleurs enseignants s’ils conservent leur couleur, que s’ils osent sortir des sentiers battus, s’ils restent eux-mêmes et s’assument devant leurs élèves de 5 à 12 ans, ils offriront aussi à ces enfants la liberté d’être eux-mêmes, de s’accepter, de s’assumer. D’être libres!  

Eh bien voilà, j’ai foncé tête baissée. Et la tête levée, debout, la caméra ouverte, la musique dans le piton.

Vous savez ce qui s’est passé?

Ils se sont levés, aussi. Certains dodelinaient de la tête, d’autres se dandinaient, d’autres encore ont sauté en l’air tout en tournant durant cette longue minute magique. Et les autres, les plus timides, ils riaient, ils souriaient ou chantaient à voix basse. Pffft! Envolé le stress de l’examen.

Et envolé le goût de rester dans le rang, de se cacher derrière les faux jugements des autres.

Et voilà ce que certains étudiants m’ont écrit ensuite :

 « J’ai réalisé que vous étiez plus qu’une professeure, parce que vous m’avez inspiré et redonné de la confiance en moi en assumant entièrement votre personnalité au travers des cours. […] La danse, avant l’examen, a été pour moi le moment le plus magique du trimestre et c’est cela qu’on devrait vivre pour rendre la vie et l’éducation magique comme vous nous l’avez fait vivre.»

« Des gens qui sont capables de comprendre et qui veulent aider, il n’y en a pas beaucoup. Des professeur(e)s qui sont capables de danser, de chanter, de laisser aller leur fou et de nous faire comprendre que nous sommes tous humains, il n’y en a pas beaucoup. Vous m’avez donné ce second souffle. […] Merci 1 000 000 de fois d’avoir rendu ma session possible, par vos mots, votre énergie et votre âme «humaine» dans ce bordel de Covid.»

 «Merci pour la danse, ça a fait tellement de bien. Ouf! »

Et voilà ce que l’on peut récolter quand on assume qui l’on est. Voilà ces merveilleux cadeaux que l’on peut récolter lorsqu’on ose être soi-même, que l’on met la peur du jugement au fond de notre poche. Et surtout, surtout, ce cadeau que l’on offre, du même coup, aux autres : cette liberté, cette permission d’être aussi eux-mêmes!

C’est le souhait que je vous offre pour ce Noël :

chaque jour, chaque heure, chaque minute, offrez-vous la liberté d’être vous-même.

Dansez sur la promenade samedi prochain.

Souriez aux étrangers à l’épicerie cet après-midi.  

Mettez Footloose à tue-tête dans votre voiture demain.

Participez à ce concours de cuisine exotique qui vous tente depuis des années.

Parlez-vous à voix haute.

Portez ce chapeau rouge qui vous fait envie.

Dites «je t’aime» à vos amis. Osez les complimenter.

Donnez votre opinion à la prochaine réunion.

Exprimez votre fierté devant vos collègues ou vos proches.  

Eh bien voilà, foncez tête baissée, vers vous-même… vers la liberté!

Je termine de rédiger cette chronique et, comme d’habitude, je la fais lire à mon conjoint. Comme d’habitude, il me donne ses commentaires. Juste avant de cliquer sur «Publier», je me retourne vers lui et lui demande : Tu ne trouves pas que je me vante et mettant ces commentaires d’étudiants dans mon article? Il me regarde… et sourit. Ah là là, cette peur du jugement! Elle n’est jamais bien loin 😊!

Facebook Twitter Reddit