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Nouvelle de 18 h

«La plus ancienne cathédrale au Québec est encore oubliée»

5 M$ pour la cathédrale d’Amos : à Rimouski, on sursaute
À gauche, le premier numéro du journal Le Rimouskois souligne les travaux de la cathédrale en 1966. À droite, une photo récente de l’intérieur de la cathédrale. (Photo: courtoisie, Pascal Gagnon et archives)

Des défenseurs de la cathédrale de Rimouski sursautent en constatant qu’une autre cathédrale du Québec sera restaurée à l’aide d’une subvention de 5 M$ du gouvernement caquiste.

La cathédrale de Rimouski est fermée depuis maintenant plus de six ans.

« Québec investit 5 millions de dollars dans la cathédrale d’Amos » titrait Radio-Canada/ICI Abitibi-Témiscamingue, avant-hier, une nouvelle relayée par les réseaux sociaux au Bas-Saint-Laurent, aujourd’hui.

Fondation+fabrique+politique = succès

On y constate trois ou quatre choses importantes à retenir, en rapport avec le dossier de Rimouski. D’abord, c’est le secteur politique qui a traduit concrètement son intention d’appuyer la restauration de cette cathédrale. La députée d’Abitibi-Ouest, Suzanne Blais, qui a fait l’annonce de cette subvention, est du parti au pouvoir, soit dit en passant. Secundo, une fondation a été mise sur pied pour la sauvegarde de cette cathédrale et était présente lors de l’annonce, tout comme la fabrique impliquée. Troisièmement, la cathédrale de Sainte-Thérèse d’Avila d’Amos est beaucoup plus jeune que la cathédrale de Rimouski, car elle aura 100 ans en 2023, moment où on souhaite inaugurer la rénovation. Enfin, le Conseil du patrimoine religieux est aussi impliqué.

La photographie accompagnant l’article d’ICI Abitibi-Témiscamingue démontre la complicité entre la Fabrique, le secteur politique et une fondation créée pour la restauration de la cathédrale d’Amos. (Photo: capture d’écran-Radio-Canada/ICI Abitibi-Témiscamingue)

« On est loin de créer une fondation »

« Tandis que cette cathédrale et beaucoup d’autres églises du Québec profitent de projets de restauration, la cathédrale de Rimouski, la plus ancienne au Québec, est encore oubliée », déplore le professeur d’histoire Pascal Gagnon, du Cégep de Rimouski.

« C’est clair que quand on apprend ça, on sursaute! Je constate que lors du classement et de l’inventaire des églises il y a 15 ans, la cathédrale d’Amos a été classée « A », la plus haute cote possible. Elle était donc en priorité depuis ce temps et elle a en plus le statut d’immeuble patrimonial classé. Ce sont deux conditions qui lui permettent d’obtenir beaucoup de financement. Ça paye 80% des travaux. De la manière dont j’interprète ça par rapport à ce qui nous arrive à Rimouski, c’est que ça prend de la solidarité locale et régionale. Une fondation, ça aiderait, c’est certain, mais quand on constate que les parties (l’Archevêché et la Fabrique Saint-Germain) sont devant les tribunaux, on est loin d’en être à créer une fondation. On court un peu après notre mal, à Rimouski », tranche monsieur Gagnon.

La cathédrale de Rimouski avait reçu la cote D lors de cette évaluation du Conseil du patrimoine religieux, mais depuis l’été dernier, le député de Rimouski fait des démarches pour obtenir un classement « civil ».

Une cathédrale unique pour une capitale régionale

Monsieur Gagnon fulmine quand il rappelle tout ce qui rend la cathédrale de Rimouski unique :

« L’architecte Victor Bourgeau a participé sans doute avec d’autres à l’élaboration des plans de la cathédrale de Rimouski. C’est lui qui a fait les plans finaux. Il n’y a que deux autres cathédrales comme elle au Québec (Trois-Rivières et Sainte-Marie-Mère-du-Monde à Montréal). La cathédrale de Rimouski est la plus ancienne cathédrale catholique au Québec. C’est aussi la seconde église en importance au Bas-Canada lors de sa construction (1854-1862), tout juste derrière la Basilique Notre-Dame de Montréal. En plus, j’ai cherché aussi ce qui caractérise son clocher et c’est un peu la tour du CN de l’époque avec ses 225 pieds de hauteur. Même au Canada, je n’en ai pas trouvé de plus haut. La cathédrale de Trois-Rivières a été construite à peu près au même moment que celle de Rimouski, mais la nôtre a été terminée avant. »

L’érection de la cathédrale de Rimouski a aussi signifié le point de départ de la Rimouski capitale régionale et éducative, avec une présence accrue des communautés religieuses et de ses enseignants dès ce moment.

Transformée il y a 55 ans

Le 16 mars, hier, marquait le 55e anniversaire de travaux qui demeurent controversés encore aujourd’hui, lorsque la cathédrale rimouskoise a fait l’objet d’une transformation majeure à la suite du Concile œcuménique Vatican II. L’Église catholique, désirant se rapprocher du commun, des mortels avait décidé de se départir de ses artifices.

« Je serai toujours un défenseur de ces travaux-là. On a choisi à ce moment de redonner à cette église ses caractéristiques d’origine, soit le style néo-gothique, dont les caractéristiques essentielles sont notamment d’avoir un intérieur tout en verticalité. La symbolique est importante; elle permet de se rapprocher du Bon Dieu. On a retiré ce qui avait été ajouté, dont la chaire, le baldaquin et les galeries latérales, dont on avait plus besoin. Cela avait alourdi l’intérieur, alors que là, on en est revenu à un intérieur dépouillé qui laisse passer un maximum de lumière, autre symbolique très importante », plaide monsieur Gagnon.

Anguille sous roche?

« Ça me dit qu’il est grand temps qu’ici, il se passe quelque chose. Ça me dit aussi qu’il y a quelqu’un, quelque part, qui a mal fait le travail de classification quand il y a eu l’inventaire religieux. On peut se demander si le « politique-religieux » s’en même pour que ça arrive, pour que ça ne fonctionne pas. On dirait qu’il y a eu des pressions. Ça ne se peut pas que la cathédrale de Rimouski ne soit pas reconnue patrimoniale. On dirait qu’il y a anguille sous roche. Je me demande si on ne devrait pas exiger une enquête sur le fait qui me dérange le plus : je ne comprendrai jamais que la cathédrale de Rimouski ait été classée D par le Conseil du patrimoine religieux et qu’elle n’est pas encore classée sur un plan général », lance Jean Richard, un membre du collectif de citoyens Cathédrale de Rimouski faut que ça bouge.

Messe de Pâques?

« Cependant, il ne faut pas penser qu’il ne se passe rien dans le dossier. On travaille en périphérie, mais depuis que nous avons mis sur pied notre collectif, ça fait bouger les choses. Ceux qui s’y inscrivent et y échangent, ce sont des citoyens et ça peut déranger. Mais là, on met la pédale douce parce qu’on a appris qu’il y avait peut-être des rapprochements. Il se pourrait qu’il y ait une messe de Pâques à la cathédrale avec monseigneur (Denis) Grondin. L’état de la cathédrale est assez satisfaisant, même impeccable, pour devenir aussi à la fois un lieu de culte, culturel, touristique et communautaire », ajoute-t-il.

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