Le sentiment d’urgence s’accentue chez les producteurs acéricoles
Depuis le dévoilement de la Stratégie nationale de production de bois présentée en décembre dernier par le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) multiplient les actions pour limiter les impacts de celle-ci sur les érablières en terres publiques et l’économie du sirop d’érable.
Les premières coupes permises par cette stratégie étant prévues à l’automne 2021, les PPAQ pressent le gouvernement d’apporter les changements réclamés dans les plus brefs délais, sinon il y aura un important frein au développement des érablières en forêt publique dans toutes les régions du Québec, y compris au Bas-Saint-Laurent.
« Dans mon cas, le ministère a martelé pour la coupe une importante superficie jusqu’à la limite de mon érablière. Si ces arbres sont tous coupés, mon érablière deviendra plus vulnérable aux vents. Également, je ne peux pas participer à l’octroi des nouveaux contingents pour le printemps prochain parce que le ministère ne veut pas me réserver des érables. Pourtant les retombées économiques d’une érablière sont plus régulières que celles d’une coupe de bois. Nous vendons du sirop et nous faisons travailler des gens toutes les années », indique le producteur acéricole Mathieu Désy, dans les Hautes-Laurentides.
L’acériculture en péril
Selon Serge Beaulieu, président des PPAQ, « la Stratégie du MFFP met non seulement en péril le développement acéricole du Québec, mais également l’avenir de nos forêts en priorisant la récolte de tous les arbres dont le diamètre excède 44 cm pour apporter du bois aux usines de sciage. Si les pratiques sylvicoles mises de l’avant demeurent inchangées, il faudra attendre entre 40 et 60 ans avant de pouvoir entailler les érables qui auront été coupés. »
C’est pourquoi les PPAQ demandent au MFFP de privilégier une gestion intelligente et durable de nos forêts afin de maintenir le potentiel acéricole et ainsi répondre à la demande croissante d’un marché mondial en pleine expansion. À l’heure actuelle, le gouvernement réserve seulement 30 000 hectares à l’acériculture sur les terres publiques, bien loin des 200 000 hectares nécessaires au déploiement du plan prévu par les PPAQ.
Le MFFP doit revoir son approche sylvicole
L’acériculture et la sylviculture ne sont pas incompatibles, au contraire. Ce que prônent les PPAQ, ce sont de meilleures pratiques qui seraient gagnantes pour tous. Il faut effectuer une récolte durable des arbres dans les érablières afin de conserver le potentiel acéricole de ces forêts qui, dans 30 ou 40 ans, pourraient à nouveau être propices à l’aménagement à des fins acéricoles. La planification, la réalisation des travaux sylvicoles et la mise en marché du bois doivent être confiées aux acériculteurs. Les bois ainsi récoltés, payés à leur juste valeur, seraient ensuite acheminés auprès des industriels forestiers régionaux. De cette façon, l’industrie forestière ne subirait pas les contrecoups de ces nouvelles pratiques sylvicoles. En fait, cette pratique serait bénéfique puisque les forestières n’auraient pas à défrayer de coûts pour ces récoltes et conserveraient les revenus découlant de la vente du bois.
Le cas du chantier Désiré : pas le seul dans cette situation
Une visite sur le chantier Désiré, dans les Hautes-Laurentides, a permis aux PPAQ de constater l’impact majeur qu’aura la Stratégie nationale de production de bois sur le patrimoine forestier et l’industrie acéricole québécoise. Une vidéo tournée sur les lieux et des fiches résumés disponibles sur le site Web des PPAQ illustrent d’ailleurs les différents enjeux et solutions proposés.
Le cas du chantier Désiré n’est pas unique. Il existe d’autres situations similaires qui mettent en péril le développement de l’acériculture dans différentes régions acéricoles du Québec, telles que Lanaudière, Outaouais-Laurentides, Estrie, Bas-Saint-Laurent–Gaspésie, Mauricie, Appalaches-Beauce-Lotbinière, Beauce, Côte-du-Sud et Québec–Rive-Nord.
Au Québec, près de 20 % des entailles (Statistiques acéricoles 2020, p. 14 et 15) sont installées sur des érables en terres publiques, un bien commun administré par le gouvernement.
Les PPAQ réitèrent leur demande au MFFP : le type de coupe envisagé ne doit pas se faire, ni au chantier Désiré, ni ailleurs au Québec. L’avenir de l’acériculture et des entreprises qui en découlent est en péril. Il y a urgence d’agir.