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Une perquisition à Rimouski en 1724 !

Grand émoi à Rimouski; des officiers de milice se présentent chez le seigneur Pierre Lepage
C’est le gouverneur Philippe de Rigaud marquis de Vaudreuil qui ordonne la perquisition à Rimouski en 1724.

C’est la première perquisition de l’histoire de Rimouski et fort probablement la première au Bas-Saint-Laurent. Le 28 décembre 1724, à la demande du gouverneur général de la Nouvelle-France, Philippe de Rigaud marquis de Vaudreuil, un groupe de nobles et d’officiers de milice mené par Nicolas Blaise Des Bergères de Rigauville, se présente chez le seigneur Pierre Lepage à Rimouski pour saisir supposément des marchandises de contrebande appartenant à un présumé hors-la-loi, Pierre Grouard.

Toute cette affaire commence le 22 octobre 1724, lorsque Pierre Grouard, capitaine de la marine marchande, entreprend de décharger son navire dans une île de l’archipel du Bic. Pris à parti par des Amérindiens qui menacent de le tuer ainsi que son équipage, Grouard réussit à s’enfuir et vient réclamer l’aide du seigneur de Rimouski, Pierre Lepage de Saint-Barnabé. Ce dernier se rend au Bic accompagné de quelques hommes et du père Ambroise Rouillard. Ils parviennent à calmer les belligérants, puis, Lepage décide de transporter la marchandise composée de tissus, de vêtements et de tabac, à Rimouski pour la mettre en sécurité. Grouard lève l’ancre, mais il est arrêté et emprisonné dans les geoles du château Saint-Louis à Québec le 26 décembre.

Toute cette affaire de contrebande alléguée commence dans les îles du Bic. Photo Richard Saindon

Un traitre ?

À une époque où les tensions sont vives entre la Nouvelle-France et la Nouvelle-Angleterre, Vaudreuil soupçonne Pierre Grouard de pactiser avec les Anglais. Il écrit : « Sur les avis qui nous auraient été donnés que le dit Grouard avait amené un bâtiment anglais dans la rivière du Saint-Laurent jusqu’à l’endroit appelé Rimouski, dont on prétend que tout l’équipage était composé d’Anglais, lesquels pouvaient bien être venus pour sonder la rivière autant que pour la traite des marchandises de contrebande dont ce bâtiment était chargé ». Vaudreuil craint donc que les Anglais ayant pris place à bord du bateau de Grouard soient en fait des espions en mission de reconnaissance dans le Saint-Laurent et qui ont pour objectif de dresser des cartes en vue d’une éventuelle expédition militaire. Le gouverneur charge donc Rigauville, un homme de confiance, de faire le voyage jusqu’à Rimouski pour tenter d’en apprendre davantage et de saisir la marchandise.

C’est fort probablement au palais de l’intendant de Québec que le dossier a été traité. Banque d’images de la revue Cap-aux-Diamants, cote 2000-0484

On sait, grace au procès-verbal rédigé par Nicolas Blaise Des Bergères de Rigauville, que ce dernier est accompagné de quelques personnes lorsqu’il se présente à Rimouski le 28 décembre 1724. Il nomme Joseph Duburon, un officier des troupes de la Marine, Joseph Lemieux, capitaine de milice de la seigneurie de Bellechasse, Jean Dionne, officier de milice de Kamouraska ainsi que Pierre Riou et Charles-François Lemarquier. On imagine la commotion causée par l’arrivée de ce contingent d’une demi-douzaine d’hommes armés et de haut rang dans la petite colonie de Rimouski dont la population, à cette époque, est d’environ 65 personnes. Conformément à ses ordres, Rigauville saisit la marchandise entrepôsée chez Lepage et fait transporter le tout à Québec.

Le jugement

Le procès-verbal rédigé par Jean-Baptiste Des Bergères de Rigauville à la suite de la saisie effectuée chez Pierre Lepage en 1724. Bibliothèque et Archives Canada

En février 1725, Grouard est transféré des cellules du château Saint-Louis à la prison du centre-ville de Québec. Avant de partir à Montréal pour régler certaines affaires, Vaudreuil confie à l’intendant Michel Bégon le soin de s’occuper de l’affaire Grouard. Il écrit le 2 mars 1725 : « Le crime dont il est accusé nous paraît assez grave pour engager monsieur l’intendant à donner dans cette occasion des marques de son zèle ordinaire pour le service de Sa Majesté et pour le bien particulier de cette colonie, et à faire de son côté toutes les diligences qui dépendront de lui et prendre les mesures qu’il jugera les plus convenables pour trouver les preuves nécessaires pour l’instruction du procès du dit Grouard ».

Quelques semaines plus tard, Grouard est acquitté par l’Intendant Bégon des accusations d’espionnage pour le compte des Anglais, mais sa cargaison demeure saisie et elle est remise à la Compagnie des Indes occidentales. Pour sa part, Nicolas Blaise Des Bergères de Rigauville est promu lieutenant en 1726 et il commande au Fort Niagara de 1730 à 1736. Il meurt dans sa seigneurie de Bellechasse, probablement le 10 juillet 1739 à l’âge de 59 ans et est inhumé dans l’église de Berthier.  

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