La mine de Saint-Fabien
À partir de 1956, le village de Saint-Fabien connaît une brève épopée minièreL’affaire remonte à 1951 lorsqu’un ancien mineur de la compagnie Noranda, Philippe Roy, découvre des traces de plomb sur une propriété lui appartenant à Saint-Fabien. Il s’associe à quatre hommes d’affaires de Rimouski, Bertrand Ross, Joseph Bérubé, Benoît Sylvain et Jean-Eudes Lepage. La compagnie minière ayant pour nom Les Mines Roy Ross Incorporée est officiellement constituée par lettres patentes le 19 novembre 1956. En 1962, le Conseil d’administration de la société se compose de 12 membres. Le marchand de meubles rimouskois Bertrand Ross occupe les postes de président, de directeur et de promoteur de l’entreprise. Le premier vice-président est un garagiste de Trois-Pistoles, J.-Théo. D’Amours et le second vice-président, un agriculteur de Rimouski, Léo Lachance. Parmi les autres administrateurs on retrouve le notaire Joseph Bérubé, l’ingénieur Jean-R. Ménard, le comptable Télesphore Tremblay et le gérant d’une compagnie de finance, Roger Alary.
Des études
Les propriétés minières de la compagnie totalisent une superficie de 850 acres couvrant six lots du Rang 1 de Saint-Fabien. En 1956, un géologue et professeur à l’Université de Montréal, Marcel Tiphane, effectue les premiers relevés géologiques à partir de plusieurs tranchées effectuées sur le site par Philippe Roy.
À l’automne 1956, suivant les recommandations de l’ingénieur minier, Laurier Juteau, une première galerie longue de 100 mètres est creusée dans le flanc de la montagne située tout juste à l’ouest du village de Saint-Fabien. Pendant ce temps, à l’aide d’une foreuse, six trous totalisant une longueur de 2000 pieds sont creusés dans la montagne pour étudier en profondeur les veines de barytines identifiées dans le tunnel. Sept autres forages sont effectués à l’intérieur même de la galerie pour déterminer la profondeur et la largeur de la veine de plomb. Une autre galerie, transversale à la première, sera creusée en 1960 en suivant approximativement la principale veine de barytine-plomb. Tous ces forages permettent la découverte d’un vaste gisement de barytine qui s’avère être l’un des plus purs de la planète. La teneur en sulfate de baryum du minerai atteint parfois 99,8 %. La barytine est principalement utilisée par l’industrie pharmaceutique, (lavements barytés) ainsi que pour les boues de forage des puits de pétrole, mais ses applications sont nombreuses et variées. On la retrouve comme agent de remplissage dans la peinture, les plastiques, les matériaux de friction et les tapis.
Plusieurs des échantillons prélevés à Saint-Fabien ont été traités à l’École polytechnique de Montréal et au Département des Mines et Relevés techniques à Ottawa.
Inauguration
La mine de Saint-Fabien est inaugurée en grande pompe le 20 juillet 1961 en présence d’une centaine d’invités. La veille, une route carrossable pour les automobiles a été complétée. Parmi les invités on retrouve les députés de Rimouski à Ottawa et à Québec, Émilien Morissette et Albert Dionne, des industriels, des gens d’affaires, les maires des localités de la région de Rimouski, les présidents des différentes Chambres de Commerce et des représentants des clubs sociaux. Après la visite des galeries et des bâtiments, les invités sont conviés à l’hôtel Georges VI pour entendre notamment une conférence donnée par le géologue des Mines Roy & Ross, l’ingénieur minier montréalais Pierre G. Lacombe.
Invité à prendre la parole, le député Émilien Morissette déclare au sujet des promoteurs de la mine: « Je pense que ces hommes méritent notre confiance et notre encouragement. Je vous encourage à apporter votre appui financier. Peut-être que ce serait la façon de travailler à la prospérité immédiate de notre région. ». Ces propos tombent à point car le président des Mines Roy & Ross, Bertrand Ross, annonce à ce moment une première émission publique de 300 000 actions. On espère récolter ainsi au moins 100 000 $ pour financer la construction prochaine d’une usine-pilote pouvant traiter 100 tonnes de minerai par jour. On mentionne également deux autres atouts pour mener à bien ce projet. Les terrains des Mines Roy & Ross sont traversés par la voie ferrée du Canadien National ainsi que par une ligne d’électricité à haute tension.
Cependant, en dépit des rapports très positifs des géologues, la compagnie peine à réunir des capitaux. Au 31 octobre 1962, le bilan financier des Mines Roy & Ross démontre que les liquidités se chiffrent à un maigre 446 $. Le projet d’extraction de la barytine et du plomb ne démarre pas. Pour tenter de faire de l’argent, l’entreprise ouvre en 1963 une carrière de pierre concassée sur le site minier. Les études avaient évalué un potentiel pour écouler annuellement 100 000 tonnes de pierre concassée dans la région. Cette petite usine fonctionne quelques années mais finalement les bâtiments de la mine sont vendus à l’encan en mars 1970.
Tentative de relance
L’intérêt pour la mine de Saint-Fabien demeure bien vivant. Dès 1971, la firme Northgate Exploration effectue des travaux d’exploration. L’année suivante c’est au tour de Dasson Copper de forer un trou à partir du sommet de la montagne. Puis, de 1975 à 1987, d’autres travaux sont effectués par Dresser Minerals, le ministère Énergie et Ressources du Québec, QIT et Titane, la Commission géologique du Canada et le Centre Géo-ressource de l’Institut National de la Recherche Scientifique. Dans ce dernier cas, les chercheurs déposent une étude selon laquelle les réserves disponibles de barytine pourraient atteindre 790 000 tonnes.
En 1988, l’un des anciens propriétaires de la mine, Bertrand Ross, et quelques associés, fondent la compagnie Barytine Saint-Fabien. À ce moment, les conditions du marché sont excellentes et le prix payé pour la tonne de barytine est à la hausse. En 1986 on évaluait à 60 000 tonnes la demande annuelle pour ce minerai au Canada et aux États-Unis. À l’époque les mines dans les deux pays n’arrivaient à produire que 26 000 tonnes. Malheureusement, Barytine Saint-Fabien se heurte aux mêmes difficultés que 30 ans auparavant pour obtenir du financement et le projet tombe à l’eau encore une fois.
Vers 2010, un centre d’interprétation rappelant toute cette histoire a été mis sur pied à Saint-Fabien. On y proposait des visites guidées dans la galerie, l’observation des veines de minerai, la présentation de vidéos, ainsi qu’un sentier bordé de panneaux d’information menant jusqu’au sommet de la montagne. Ce centre d’interprétation est inactif depuis quelques années. Mais une chose est certaine, le gisement est toujours là. Un jour qui sait ?