Le quai de Rimouski a près de 170 ans !
C'est en 1854 que le quai de Rimouski accueille ses premiers navires. L'infrastructure a subi bien des transformations depuis.En 1820, la compagnie Thobbs et Harvey installe une scierie sur la rivière Rimouski et elle construit pour son propre usage un quai du côté ouest de l’embouchure de la rivière. Ce quai, agrandi plus tard par la compagnie Price, peut accueillir des chalands ou des barques de faible tonnage. Des commerçants de la rue Saint-Germain ouest construisent également des quais à l’arrière de leurs magasins pour recevoir des marchandises livrées par des barques qui font la navette entre la rive et des voiliers ou des goélettes ancrées au large. Bientôt, la nécessité d’un véritable quai commercial pour desservir la ville s’impose.
Le député Taché
Le 24 janvier 1848 le médecin rimouskois, Joseph-Charles Taché, est élu sans opposition député de Rimouski à l’Assemblée législative du Canada-Uni. Compte tenu de l’isolement relatif de la région, il s’intéresse immédiatement à la question des moyens de transports. Le 26 décembre 1850, il présente au commissaire des Travaux publics, William Hamilton Merritt, un mémoire connu depuis sous le nom de Rapport Taché. Ce document analyse les problèmes de navigation sur le Saint-Laurent et recommande la construction de phares, notamment à la pointe de Métis, à Cap-des-Rosiers en Gaspésie et à l’île du Pot-à-l’Eau-de-Vie en face de Rivière-du-Loup. Tous ces points ont par la suite été dotés de phares.
Par ailleurs, compte tenu de la mise en service de goélettes de plus fort tonnage depuis quelques années, Taché s’attaque aussi à l’absence d’un véritable havre pour les navires à Rimouski. À la suite de ses démarches, en 1850, un comité du Parlement du Canada-Uni est chargé de recueillir les informations nécessaires permettant d’établir si le projet de construction d’un quai à Rimouski est justifié. Le rapport déposé par le comité donne un avis favorable. Dans le but d’éclairer le ministère de la Marine, les commissaires écrivent qu’un quai à Rimouski pourrait également rendre la navigation plus sécuritaire dans l’estuaire : « C’est le lieu de refuge le plus prochain, pour un steamer, dans le cas où on en aurait besoin pour venir au secours des vaisseaux au-delà de la batture Manicouagan, Métis ou Matane, auxquels endroits il arrive beaucoup de pertes… ».
Les soumissions sont demandées en 1851. Il est stipulé dans l’appel d’offres que le quai doit avoir une longueur de 2150 pieds (655 mètres) et une largeur de 20 pieds (6 mètres) pour les deux premiers tiers et une largeur de 30 pieds (9,1 mètres) pour le dernier tiers. Le gouvernement du Canada-Uni estime le coût des travaux à 7500 louis. Le contrat est finalement octroyé le 17 mai 1852 à deux agriculteurs de Rimouski, Macaire et Eusèbe Lepage. On peut présumer que les deux cultivateurs, sans doute de bons travailleurs, n’avaient pas l’expertise nécessaire pour mener à bien la construction d’un ouvrage semblable. Les deux hommes abandonnent d’ailleurs le chantier en 1853. C’est un entrepreneur de Québec, François Baby, qui se voit accorder un autre contrat par le gouvernement afin de compléter le quai. Ce dernier dispose de moyens considérables dont une flotte de remorqueurs. Le quai de Rimouski est complété en 1854. On considère qu’il s’agit de la principale réalisation du député Taché durant ses deux mandats de 1848 à 1857. À l’extrémité du quai, à marée basse, la profondeur de l’eau est alors de dix pieds. Rapidement, un hameau se développe à proximité des installations portuaires. Pilotes, commerçants et hôteliers s’y installent d’abord. La petite agglomération sera longtemps connue sous le nom de Rimouski-Quai avant d’être officiellement désignée, en 1939, sous le nom de Municipalité de Rimouski-Est.
Développements
Le quai de Rimouski attire au fil des années de plus en plus de navires. En 1880 par exemple, on note qu’il a été fréquenté par 90 goélettes ainsi que par un voilier norvégien venu charger du bois. Il devient également la plaque tournante pour la manutention du courrier entre le Canada et l’Europe. À la fin du 19e siècle, le navire postal Rhonda fait la navette entre le quai de Rimouski et les paquebots pour charger les sacs postaux. Le nombre de sacs postaux est considérable et varie de 300 à 800 par jours. Une fois au quai, ils sont expédiés par train de Rimouski vers Québec, Montréal et Toronto, ce qui accélère énormément la distribution.
De 1854 à 1904, mis à part les travaux d’entretien, aucune amélioration ou modification n’est apportée au quai. Le 10 août 1906, le ministre des Postes, Rodolphe Lemieux, effectue une visite à Rimouski à l’issue de laquelle il déclare : « Votre quai n’est pas convenable. Cette question ne regarde pas mon département, mais je suis prêt à soutenir auprès de mon collègue l’Honorable monsieur Hyman, toute demande faite par vos députés pour l’amélioration, le prolongement de ce quai. Votre port doit être convenablement outillé ». Le ministre Lemieux constate également que le Rhonda ne convient plus pour le service postal et dès l’année suivante, en 1907, il est remplacé par le Lady Evelyn, un navire plus moderne et plus imposant.
En 1906, un système d’éclairage à l’électricité est installé sur le quai. Il consiste en 35 ampoules d’une faible intensité de 32 chandelles. Puis, en 1908, le quai est prolongé et élargi sur toute sa longueur. En 1909 il fait 2240 pieds de longueur (682,7 mètres). Une partie mesure 50 pieds de largeur (15,2 mètres) et une autre 40 pieds. En 1914, un contrat est confié à deux hommes d’affaires de Rimouski, Paul Raymond et Joseph Adam Talbot, pour l’élargissement à 130 pieds la partie la plus avancée du quai sur une longueur de 1100 pieds. Les travaux ne seront toutefois complétés qu’en 1923.
Jules-A. Brillant entre ne scène
En 1930, Jules-A. Brillant, homme d’affaires et président de la Chambre de Commerce de Rimouski, fonde la Compagnie de transport du Bas-Saint-Laurent. Cette entreprise possèdera plusieurs bateaux affectés au transport des personnes et des marchandises entre la rive sud et la Côte-Nord. Brillant devient du coup un utilisateur important du quai de Rimouski. En 1935, les installations portuaires sont en mauvais état et saturées. En conséquence, le 18 janvier 1936, Jules-A. Brillant soumet un volumineux mémoire à son ami et ministre des Travaux publics du Canada, Pierre-Joseph Cardin, dans lequel il réclame des améliorations au quai. Il écrit : « La surface et la périphérie du quai actuel répondent à peine à 50 % des besoins. Très souvent, il arrive que 2 ou 3 navires soient forcés d’attendre au large durant 30 à 40 heures avant de pouvoir accoster ».
Brillant a énormément d’influence à Ottawa et quelques mois après le dépôt de son mémoire, le fédéral entreprend la construction d’un deuxième quai au port de Rimouski soit la jetée ouest. Il faut dire qu’en 1935, le port vient de connaître une excellente année. Au total, le havre a accueilli 516 navires. On y a expédié 39 282 887 pieds de bois d’œuvre, 26 544 cordes de bois de pâte et plus d’un demi-million de bardeaux de cèdre. Les débarquements consistent surtout en charbon (1431 tonnes), la mélasse (326 tonnes) et le poisson (15 tonnes). On dénombre également le transit de 12 555 passagers. Les deux principaux utilisateurs du quai de Rimouski pour l’exportation de leurs produits en 1935 sont la scierie John Fenderson de Sayabec et la D’Auteuil Lumber de Québec.
La desserte des ports de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord, initiée par les navires de Jules-A. Brillant, se poursuit encore de nos jours à partir de Rimouski. Aujourd’hui, le Bella Desgagnés, un navire cargo-passagers de la compagnie Relais Nordik assume le service. Ce bateau de 6655 tonnes peut accueillir 381 passagers et 39 membres d’équipage.
Pétrole
En juillet 1937, la compagnie Imperial Oil (Esso), commence la construction de six réservoirs géants près du quai afin de stocker de grandes quantités de mazout et d’essence pour desservir les régions de Rimouski, du Témiscouata et de la Matapédia. Au fil des années, le port de Rimouski va devenir un important terminal pétrolier. En 1948, c’est au tour de la compagnie McColl Frontenac d’installer des réservoirs, puis, les choses s’accélèrent. En 1956, sept compagnies pétrolières ont des installations semblables avec des oléoducs partant du quai. Au total, les compagnies Inperial Oil, Shell, Irving, British America, Canadian Petrofina, Canadian Import et McColl Frontenac possèdent 40 réservoirs géants pouvant contenir près de 95 millions de litres de produits pétroliers. Dans les décennies 1950 et 1960, on verra donc un grand nombre de pétroliers accoster à Rimouski-Est. Presque tous ces réservoirs seront démantelés avant la fin du 20e siècle.
Un port polyvalent
À partir de la décennie 1980, l’établissement d’une marina, l’aménagement d’un havre de pêche et la construction d’un débarcadère pour traversier vont transformer le quai de Rimouski en véritable port polyvalent. Le projet de marina était dans l’air depuis 1963. À cette époque, le président de la Chambre de Commerce, Philippe Michaud, fait parvenir une lettre au gouvernement fédéral dans laquelle il réclame la réalisation d’un port à vocation multiple à Rimouski-Est. Trois ans plus tard, Louis Arseneault, Ernest Mallandain et Louis LeHir perçoivent le potentiel lié au tourisme nautique et fondent la Corporation de la marina régionale de Rimouski. Le dossier, piloté par la députée Éva Côté, débloque finalement en août 1981 avec le début des travaux. Ottawa investit alors 4 M$ dans la création de la marina tandis que Québec assume en 1983 la construction de la capitainerie. La marina est inaugurée en 1984. Le port de pêche quant à lui commence à se développer à la même époque et il est aujourd’hui l’un des principaux sites de débarquement de crabe au Québec. Enfin, en 1997, le catamaran rapide CNM Évolution, amorçait la navette estivale entre Rimouski et Forestville. Mentionnons finalement que le 29 mars 2020, le gouvernement du Québec procédait à l’acquisition du port de Rimouski à la suite du processus de rétrocession des quais entamé quelques années auparavant par le gouvernement fédéral.