Anniversaire d’un miracle!
Un survivant se raconteLa récente visite du Pape François à Québec rappelle à un Rimouskois la chance qu’il a eue de survivre à un accident d’avion doublé d’une période de détresse en mer.
« Heureux d’être en vie » avait titré l’hebdomadaire Progrès-Écho, pour lequel travaillait l’auteur de ces lignes, qui avait eu le privilège d’assister au retour de cinq des sept miraculés à l’aéroport de Mont-Joli, le jour fatidique, et à capter le moment sur pellicule.
Croyant
Croyant, Alain Fréchet l’a toujours été, mais il l’est sans doute un peu davantage depuis cette épreuve. Le 26 juillet 1995, les deux pilotes et les cinq scientifiques de l’Institut Maurice-Lamontagne passagers d’un Piper Navajo chutaient brutalement dans le fleuve et survivaient tous de peine et de misère.
L’accident s’est produit après une série d’événements qui ont démontré une certaine négligence de la compagnie et des pilotes, mais sur lesquels monsieur Fréchet préfère ne pas insister. Les cinq hommes ont reçu des compensations du transporteur, mais auraient sans doute été millionnaires s’ils avaient vécu aux États-Unis et poursuivi TWA ou Boeing, par exemple.
Liés à Sainte-Anne
« J’additionne les faits et je constate que nous sommes définitivement liés à Sainte-Anne, la patronne des marins en perdition. J’habite la paroisse de Sainte-Anne-de-la-Pointe-au-Père, l’écrasement est survenu le jour de la fête de Sainte-Anne et, tout récemment, le pape François a profité de sa visite au Québec pour se rendre à la Basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, toujours le jour anniversaire du 26 juillet. Cette visite du pape m’a fait revivre en pensée ce que nous avons vécu et la chance que nous avons eu », confie monsieur Fréchet.
Mis à part ce dernier, en 1995, les autres scientifiques survivants étaient Ian Mc Quinn, Mike Hammill, Philippe Schwab et Jean-Paul Lussiàa-Berdou.
Cascades de problèmes
« Nous sommes tous des gens qui travaillaient dans le domaine des pêches. On était dans une période de consultation, comme chaque année. Pour établir des quotas de pêche, nous nous rendions présenter les résultats de nos recherches à des membres de l’industrie. On avait une réunion à Port-aux-Basques (Terre-Neuve-et-Labrador). Les problèmes ont commencé à Mont-Joli. Je leur ai dit que j’avais l’impression que le moteur perdait de l’huile. On m’a répondu de ne pas m’inquiéter, que c’était parce qu’un nouveau joint d’étanchéité venait d’être posé. « Ça va se placer, ça va s’arrêter là », m’ont dit les deux pilotes qui n’avaient pas l’air plus expérimentés qu’il le fallait », se souvient monsieur Fréchet.
« En atterrissant à Stephenville (même territoire), un goéland frappe un pneu et le crève. Les pilotes nous disent d’aller à notre réunion, qu’ils feraient ce qu’il faut en « patchant » le trou. J’apprenais un peu plus tard que c’est tout à fait illégal. La procédure veut que l’on change complètement le pneu et la roue et qu’on vérifie l’alignement avant de repartir. Par la suite, on est allé à Blanc-Sablon (basse Côte-Nord). Ce qui s’est produit là, c’est que Jean-Paul devait prendre un vol commercial qui n’était pas arrivé. Je lui ai suggéré de profiter de notre vol. »
Un moteur lâche
« On a constaté que les pilotes avaient l’air de vouloir s’amuser ou de tester la force des moteurs en en changeant la révolution et la vitesse. Un moment donné, un des moteurs a lâché. Ces deux pilotes étaient des débutants. Ils étaient dans les premiers mois de leur embauche, c’était évident. Ils avaient oublié de mettre les pales en drapeau. Un moteur nous freinait et nous a fait descendre de côté jusqu’à ce qu’on frappe l’eau à 300 km/h », relate Alain Fréchet.
En train de se noyer
« On était entre Sept-îles, Port-Menier et la Gaspésie. On a passé 45 minutes à nager sans veste de flottaison. On ne peut pas vraiment se tenir sur le bord de la piscine, dans ce temps-là. L’avion a calé tout de suite. Il était fendu de partout. Il se remplissait rapidement. L’eau était heureusement à 12 degrés Celsius. Ça prend du temps au golfe du Saint-Laurent de se réchauffer, mais c’était au temps le plus chaud de l’année. Nous, les scientifiques, étions tous des bons nageurs, mais les deux pilotes étaient en train de se noyer quand on a été secourus. »
Radeau de sauvetage
« Un pilote d’hélicoptère a été le premier à nous secourir. Il était seul à bord de son appareil. Il est parti de Sept-îles s’est rendu jusqu’à nous pour larguer un radeau de sauvetage. Il ne pouvait rien faire de plus à ce moment. On a grimpé dans le radeau. Il est retourné à Sept-îles pour trouver de l’aide, pour nous sortir un à la fois. Le gars était embarqué sur les patins de l’hélicoptère et nous tirait par la main, un par un. On a fait deux voyages », poursuit-il.
Sa vie
Et comment est la vie, depuis ce temps?
« Ça change les perspectives! Mais dès le lendemain, nous avons tous repris l’avion. Chose incroyable à la suite de notre mésaventure, le propriétaire de la compagnie aérienne est mort dans un de ses avions dans les années qui ont suivi. On devient plus nerveux quand il y a des bruits en vol et les petits avions, je m’en passerais certainement. Après l’accident, la compagnie a dit qu’elle n’était pas obligée de mettre des vestes de sauvetage dans ses appareils, mais en ajouterait par courtoisie. »
« Ce que j’en retiens dans ma façon de voir la vie? C’est l’importance de la santé. Aujourd’hui, je ne serais jamais capable de refaire ce qui m’a permis de survivre à ce moment. On apprécie plus la famille, l’amour, la vie et on prend soin de sa santé », conclut monsieur Fréchet.