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« La vie gagne toujours »

Michel Germain partage ses sentiments sur le drame de Laval
Jennely Germain prendra toute la place en photo principale aujourd’hui. (Photo: courtoisie)

Comme bien peu de gens, le descripteur des matches de L’Océanic de Rimouski et chroniqueur sportif Michel Germain est encore plus touché que vous et moi par le drame qui s’est déroulé hier, à Laval.

Michel est à la fois un père, un mari et un fils en deuil, car sa mère, sa conjointe et sa fille sont décédées en même temps, dans un accident de la route, il y a 25 ans, le 15 décembre 1998. Pour avoir vécu lui-même avec une personne ayant subi un deuil immensément cruel, l’auteur de ces lignes est à même de savoir que chaque fois qu’il se produit un drame comme celui d’hier, une personne ayant traversé une épreuve semblable « le prend très personnel », comme on dit communément.

Du drame à l’humanité

Par contre, le vécu de Michel Germain est inspirant et porteur d’espoir. Sa force, il la puise dans sa fille, Jennely, toujours « bien vivante » à ses côtés. « Quand j’ai une décision à prendre pour quelque chose qui m’a été demandé se veut porteur d’humanité, comme ma nouvelle association à la Fondation de la sclérose en plaques, je prends cette décision avec Jennely. C’est-à-dire que je me demande si elle en penserait du bien. Si c’est le cas, bien la réponse est oui! »

Michel Germain, ici lors de la soirée hommage à Sidney Crosby, en septembre 2019. (Photo: courtoisie Océanic-archives)

Le temps

« Je ne crois pas, et j’admets pouvoir me tromper, mais je ne crois pas qu’il y ait une pire expérience humaine que de survivre à la chair de sa chair et au sang de son sang. Soyez forts et ne regardez pas trop loin. Laissez au temps le temps de faire son temps. Ces mots n’ont aucun sens aujourd’hui, mais ils en prendront… avec le temps », a publié Michel Germain sur sa page Facebook, hier.

Dans une généreuse entrevue réalisée avec le Journal Le Soir, aujourd’hui, Michel Germain fait de nouveau part de ses bonnes pensées pour les parents éprouvés. Il partage une nouvelle fois ce qu’il a retiré de sa propre histoire et conseille avec sagesse.

Des alcooliques anonymes de la vie

« C’est surtout la seconde portion de ma publication qu’il faut retenir. Il faut laisser le temps au temps. Les parents des deux petits enfants qui sont morts, il ne faut pas qu’ils regardent trop loin. Il ne faut pas qu’ils se disent dans six mois, dans un an, ça va aller mieux. Ça c’est trop une grosse bouchée. Il faut devenir un alcoolique anonyme de la vie : c’est un jour à la fois. Il faudra s’attendre de tomber, aussi, parfois. Puis, ça va aller mieux pendant quelques jours, puis ils vont retomber. Il faut accepter qu’on n’en sera jamais complètement remis. On tombe, on se relève et on retombe », confie Michel.

Serein

Ces jours-ci, Michel se sent serein. Plus serein qu’à certaines périodes de l’année. Mais quand se produit un événement comme celui de Laval, le moral encaisse toujours.

« On s’entend pour dire que dans mon cas, le mois de décembre, c’est récurrent, si je pouvais prendre une pilule pour me transporter dans le temps, la prendre le 1er novembre et me réveiller le 1er janvier, ce serait bienvenu. C’est comme les dates d’anniversaire : en février, c’est l’anniversaire de ma mère. Je sais que la semaine prochaine, ça va être un peu plus difficile. Par contre, les deuils de ma mère, de ma femme et de ma fille, ce sont des deuils différents. »

Arrière-grands-mères aux funérailles

« D’ailleurs, dans le cas de mon deuil pour Jennely, c’est que la pire chose, c’est de survivre à ses enfants. Il y a quelque chose d’inconscient dans l’esprit de tout le monde. L’ordre naturel des choses veut que nos parents meurent avant nous et que nous mourions avant nos enfants. Mais pourtant, aux funérailles de Jennely, il y avait deux de ses arrière-grands-mères. Ça, ça ne marche pas. Il n’y a aucune mesure. Ma mère est partie à 60 ans. Elle est partie jeune, mais elle est décédée avant moi. Il y a là un certain sens. Pour Martine et Jennely, c’est différent », exprime monsieur Germain.

Aucun sens

« Oui, c’est bien gentil ce que j’ai écrit, mais pour les parents touchés, ça n’a aucun sens. Que ce soit moi ou n’importe qui, qui aurait été leur dire « il faut se donner du temps », hier, ils auraient très bien pu nous envoyer au diable. Et ils auraient eu raison. Mais si tu laisses le temps aller, ces mots finiront par avoir du sens », poursuit-il.

Pouvoirs spéciaux

Ce qui nous amène à constater que pour Michel, comme pour l’auteur François Bérubé, parce qu’ils sont passés par là, une espèce d’admiration démesurée leur confère pratiquement des pouvoirs spéciaux.

« Ce n’est pas étonnant parce qu’on a vécu des expériences uniques, mais c’est parfois stressant. Ça peut être un poids. On n’a pas le droit de se tromper. C’est une très lourde responsabilité. Il y a une dame à Baie-Comeau que je ne connaissais pas qui m’a écrit un jour pour me dire que son mari avait une tumeur cancéreuse inopérable au cerveau. « Quand L’Océanic viendra jouer à Baie-Comeau, vous viendrez nous voir », me dit-elle. Je lui ai demandé : « allez-vous me donner quelques jours pour y réfléchir? » J’hésitais, parce que je me disais que ça n’avait aucun rapport avec ce que j’ai vécu. »

« Moi, c’est un accident de voiture qui a causé mon drame. Lui est malade. Et là, je devrais aller réconforter quelqu’un dont on sait tous qu’il va mourir dans moins d’un an, je me sentais pas ferré pour ça! Moi, ce que j’ai à proposer, ce sont des conférences. Je ne l’ai jamais offert. Je le fais quand il y a des demandes. »

Le soleil brille toujours

Ils ne le croiront peut-être pas tout de suite, mais Michel Germain est capable de dire qu’après la douleur, il a pu faire des choses constructives en pensant aux trois femmes de sa vie disparues.

« J’ai souvent dit que mon père, monsieur Maurice Tanguay et madame Castonguay, ma « psy », sont les trois personnes qui m’ont sauvé la vie. Madame Castonguay, je l’ai consultée pendant un an et elle m’en a dit des choses, des choses souvent extraordinaires, mais la plus belle chose qu’elle m’ait dite c’est : « Michel, la vie sera toujours plus forte que la mort. » La première fois qu’elle m’a dit ça, je ne sais plus si j’ai pensé à lui dire : va donc… Elle a vu dans mon visage que je n’étais pas d’accord, parce qu’à ce moment-là, dans mon esprit, la mort était la plus forte. Elle avait « gagné », elle avait emporté ma famille. »

Finir par comprendre

« J’ai fini par comprendre. Quand elle me disait que la vie est toujours plus forte que la mort, je me suis rendu compte que pendant une demi-heure, en conférence, je parlais du 15 décembre, de ce qui était arrivé lors de l’accident, de l’identification des corps à la morgue, du service funéraire. Pendant une autre heure et demie, je parlais de ma mère qui était comme ci et comme ça. De Jennely qui m’a fait regarder à peu près 80 fois le film « Rock ‘n nonne » avec Whoopi Goldberg. Et que Martine, elle, faisait ci ou ça. »

« J’ai fini par avoir un flash et je me suis dit : « voilà ce qu’elle voulait dire. » Le temps passe et quand je parle des filles, je vais parler bien plus des filles. Leur vie prend le dessus sur leur mort, parce que quand je parle d’elles, elles sont en vie »,  monsieur Germain.

La Fondation Jennely-Germain

La Fondation Jennely-Germain garde aussi celle-ci « en vie ». Sa mission est d’aider à alimenter les enfants issus de milieux défavorisés.

« Ça va super bien à la Fondation. J’ai appris hier que depuis le début de l’année scolaire, on a permis la distribution de 2 000 $ en repas, dans quatre écoles de la Vallée La Matapédia. On achète aussi des coupons d’épicerie qu’on distribue directement aux familles qui en ont besoin. Notre vice-présidente travaille au CLSC et elle est responsable avec une collègue de s’assurer que les dons vont bien dans les familles qui en ont besoin. On distribue de l’argent tout en étant capable d’avoir toujours près de 40 000 $ dans notre compte en banque. »

(Photomontage: Facebook)

« Par ailleurs, nous sommes aussi présents ailleurs dans la région. Partout où se tient une activité pour la Fondation, l’usage est de conserver 50% de l’argent pour la distribution alimentaire dans la Vallée (NDLR : la région où résidait Michel quand il a créé la Fondation) et de consacrer l’autres 50% à un organisme du territoire qui a organisé l’activité. Par exemple, quand une activité de financement a lieu à Rimouski, 50% des profits vont à Moisson Rimouski-Neigette », précise-t-il.

Madame Castonguay

Épilogue. La fameuse madame Castonguay a pris sa retraite et appelé Michel pour lui annoncer. « J’ai eu des frissons quand elle m’a dit que j’étais parmi les quatre personnes qui pourraient toujours l’appeler en cas de besoin, malgré la retraite », témoigne Michel Germain.

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