Le rêve d’être mère
La chronique de Laetitia Toanen dans le cadre de la Fête des MèresDu plus loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu devenir mère. Avoir des enfants. Les bercer, les câliner, laisser mon cœur battre au rythme de leurs fantaisies et gazouillis. Tenir dans ma main leur petite main moite et potelée, le cœur gonflé.
Répondre à une multitude de questions, sécher des larmes, essuyer un chagrin à grand renfort de câlins. Les sentir collés contre moi, abandonnés au sommeil, au réconfort, au bonheur à toute heure.
Faire des gâteaux avec eux, leur apprendre le nom des fleurs. Fonder une famille et partager ensemble la richesse du monde qui nous entoure… toute sa diversité et sa beauté.
Faire de mes parents des grands-parents gaga, de mes frères et sœurs des oncles et tantes à leur meilleur, de mes amis des gens encore plus précieux, glorieux, malicieux et mystérieux qui apporteraient des bonbons, joueraient au ballon les genoux verts de gazon, feraient des attaques, sauteraient dans les flaques, tiendraient le vélo quand on y aurait enlevé les roulettes et alors ce serait la fête !
La fête avec des sourires, des fous rires, des chatouilles et du chahut, des chansons, de l’excitation et la permission de veiller jusqu’à être trop fatigué!
J’ai toujours voulu être mère. J’ai toujours rêvé d’être mère.
J’ai toujours espéré devenir une mère. C’était la seule chose dont j’étais certaine. La seule chose que je m’imaginais sans peine. Cependant, pendant un temps, la vie en a décidé autrement. Ce fut un gouffre, une dégringolade, une peine immense, une tragédie, une confrontation avec la vie.
Garder espoir
Et pourtant la vie, se perpétue quoi qu’il arrive. Il faut y croire… garder espoir. Par une belle nuit de printemps un petit homme a fait de nous des parents, doucement. Encore à Haïti, il est entré dans nos vies. Il n’était pas au creux de nos bras, mais il était là à germer dans nos cœurs gonflés désormais près à tout pour ce petit bout.
Ça y est j’étais une mère, une maman autrement. Dès lors je pouvais commencer à me préparer.
Enfin, cet univers m’était ouvert et je pouvais m’autoriser à y entrer: écrire un livre pour mon bébé à venir, rêver, m’imaginer, espérer et déjà m’inquiéter, pénétrer dans un magasin de vêtements pour enfants et me laisser étourdir par ce déluge de douceur et de couleur, et oh bonheur préparer un petit nid pour ce petit homme qui allait grandir auprès de nous, chez lui. Quelques printemps plus tard, une petite princesse est venue à son tour agrandir et enrichir la famille. Ce fut un second tourbillon.
La reprise des rituels liés aux bébés: nourrir, bercer, porter, changer, fredonner. Un rythme au ralentit où la moindre mimique devient un évènement unique. Un temps de vie où tout n’est que douceur et contemplation… ou fureur et abnégation !
Un ballet somptueux ou chacun des membres de la famille est en apesanteur devant cette nouvelle petite sœur. Un rien nous émerveille, nous émeut. Exit le jugement, la pression, les impératifs, les exigences et allégeances. Les bébés ont la vertu de nous faire pénétrer dans une sorte de flottement, une bulle emplie d’un profond respect, d’une grande tendresse et d’un dévouement infini… dommage que l’on oubli.
J’étais mère… devenue leur Terre. Une maman pour tout le temps !
La fatigue et l’épuisement
Malgré toute cette douceur, nous n’avons pas échappé aux tempêtes … tempêtes intérieures, tempêtes extérieures. Des inquiétudes disproportionnées et d’autres tout à fait justifiées. Des doutes, des affrontements. La fatigue et l’épuisement. La peur qui nous tenaille, nous assaille. L’envers de médaille.
La partie que l’on découvre seulement au fil du temps. Celle qu’on lit uniquement dans les livres spécialisés. Celle qui monopolise notre table de chevet. La face sombre qui nous mène dans nos plus profonds retranchements et nécessité de changement.
La séquence qui nous relie à notre mère, à notre grand-mère et à ce que nous souhaitons, essayons, transmettons, refusons.
J’étais mère … mère de misère, maman en plein dedans !
Aux tempête c’est aussi ajouté le fracas… celui d’un enfant que l’on ne tiendrait jamais dans nos bras. La peine, la colère, l’incompréhension, le sentiment d’injustice, celui qui s’immisce dans tous les interstices de notre chaire de mère.
Ce présente alors un autre ballet, celui bien maladroit dont l’intention est pourtant censé réconforter; « T’inquiètes pas c’est peut-être mieux comme ça », « Tu sais ça va passer. », « Tu es encore jeune tu as le temps d’en avoir d’autres. » Et le téléphone qui sonne et sonne pour déverser des mots doux et que pourtant on voudrait lancer au bout de ses bras, autant que tous les petits plats apportés par ceux qui veulent juste être là, supporter, aimer, encourager.
Alors qu’en fait on ne souhaite qu’une chose; que tout s’arrête. Partir sur ile déserte. Disparaître. Oublier la peine qui nous ronge, le gouffre qui nous avale, cette sensation de s’éteindre à petit feu, à deux.
J’étais mère… mère endeuillée au cœur brisé.
Les printemps se sont succédés faisant pousser et mûrir notre petite tribu, ajoutant même un petit dernier, une grossesse tellement rêvée !
Puis les tétées régulières ont été remplacées par des gâteaux de fête en forme princesse ou de bétonnière, les promenades en écharpe de portage par de folles cavalcades dans les rochers. Les playmobils, livres et jeux de société ont pris le relai avant de se faire troquer contre une guitare ou des chaussons de ballets ! Les dessins, les chiffres, les lettres, les règles de toutes sortes et inlassables consignes ont également fait leur entrée dans la maisonnée, puis il y a eu le cegep et l’université ! Sont alors arrivées la première voiture, les joies de l’amour, les spectacles de danse, le rap, le slam, les voyages, les fêtes et toujours leurs bras autour de moi.
Je suis devenue mère !
Mère de 4 enfants, 3 bien vivants et une petite étoile.
Je suis devenue mère, Terre Mère, Guerrière.
Je n’ai pas toujours tout pour plaire, souvent je n’arrive pas à tout faire et à présent j’ai même des cheveux blancs !
Mais je remercie les Dieux ! Je remercie les Dieux d’avoir des enfants en santé au regard illuminé. Je remercie les Dieux que nos enfants aient confiance en la vie et en nous, malgré tout. Je remercie les Dieux d’avoir ce privilège, d’avoir été exaucée et de pouvoir vivre ce rêve. Je remercie les Dieux parce qu’un jour je serai Grand-Mère, comme ma Mère, ma Mamy adorée et ma Mémé.
Alors à quelques jours de la Fête des Mères, j’ai pensé vous proposer quelques rituels pour prendre le temps de célébrer cette maternité aux multiples facettes, cette partie de nous qui continue d’exister quoi qu’il arrive.
Un peu à la façon dont je viens de le faire vous pourriez prendre un temps seule, en couple ou en famille pour remonter le fil de votre histoire et la raconter. Chaque fois c’est l’occasion de revisiter nos émotions, de s’émouvoir, de pacifier certains espaces, d’en honorer d’autres !
Créer de la Beauté
Le Mandala est une formidable façon de figurer la beauté et de créer une œuvre à plusieurs. Il est souhaitable de commencer par le centre; une forme, un objet posant l’intention de la suite.
Puis à tour de rôle on peut déposer, dessiner, tracer, différents éléments permettant de rendre hommage à notre mère, d’honorer des souvenirs, de mettre en perspective certaines qualités. En nature, le landart se prête à merveille à de telles réalisations au moyen de petits cailloux, fleurs, branchages, coquillages, bois, flottés, etc.
Dans nos maisons tout peut être utilisé; chaussures, vêtements, photos, coutellerie, vaisselle, objets symboliques, etc.
Ériger un lieu de mémoire
Il arrive que les mamans qui quittent trop tôt, d’autres fois se sont les enfants. Le fait d’avoir rompu avec certains rituels fait en sorte qu’il n’y a pas toujours une sépulture. Il peut également arriver qu’elle soit inaccessible, loin, dans une autre région ou tout simplement qu’il nous soit trop difficile de nous y rendre.
On peut alors créer un lieu de mémoire chez soi, plus près de nos valeurs, de nos besoins. Un petit arbre pour honorer une fausse couche, un bosquet en hommage à une grand-mère tant aimée, une plate-bande ou une allée fleurie pour une maman vieillissante ou encore un totem symbolisant le lien au défunt ou pourquoi pas des plumes et perles au vent, accrochées aux branches des arbres telles des souhaits.
Le Kasalà; l’art du louange
Pour celles et ceux qui préfèrent écrire pourquoi ne pas tisser un Kasalà, cet art oratoire qui consiste à faire les louanges de quelqu’un en l’intégrant dans sa généalogie entière. Magnifier la lignée, élever chacun au rang de héros, faire apparaître l’invisible voilà autant de beauté et de prestance rendues tangibles grâce à l’art du Kasalà.
Tisser un collier d’intention
Les colliers de pâtes ont toujours la côte ! On peut aussi leur préférer les perles, les breloques, menus objets précieux ou petits morceaux de tissus issus d’une tenue à forte teneur émotive ! Chaque élément peut représenter une intention, une qualité, une appréciation de façon à honorer celle qui va le porter.
S’asseoir dans la tranquilité
Il n’est pas toujours nécessaire de dépenser une énergie et un budget que l’on a pas pour apprécier quelqu’un que l’on aime. Prendre un temps simplement pour s’asseoir ensemble dans la tranquillité en regardant un coucher de Soleil, s’émerveillant d’un levé de lune, observant les oiseaux, écoutant la rivière ou une musique affectionnée peut se révéler d’une grande douceur.
Se presser l’un contre l’autre, se tenir la main, se regarder dans les yeux, se caresser les cheveux, fredonner un air commun sont autant de façon de se dire je t’aime et de profiter du moment présent, du plaisir d’être ensemble.
Cercle de femmes
Et si le cœur vous en dit, un cercle mère-fille-grand-mère se tiendra à la yourte Eskoumina, le samedi 13 mai. Un moment mère fille pour se dire, se raconter, se rapprocher, tisser du lien et se trouver chanceuses d’avoir une mère, une fille, une grand-mère peu importe les aléas du quotidien et l’âge que l’on a. Cercle de parole, tirage de cartes, confection d’un présent seront au menu !
Pour plus d’infos. Peu importe ce que vous choisirez de faire, de vivre ou d’offrir je vous souhaite des moments plein de douceur pour honorer et célébrer toute la beauté des liens qui vous unissent et des rêves qui vous habitent.
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