Parlons éducation : un Québec fou de ses enfants
Lettre d'opinion d'Alain Dion et Philippe Etchecopar, professeurs retraités« Un Québec fou de ses enfants », c’était déjà le titre d’un rapport sur la jeunesse, il y a plus de trente ans! Avec tous les bouleversements qui s’annoncent dans notre société, ce titre est plus actuel que jamais. Et au cours des derniers mois, c’est particulièrement l’école qui est interpellée à ce sujet.
Préparer nos jeunes à vivre heureux dans la société québécoise qui s’annonce, c’est le cœur même de la mission de l’école, c’est le souci des parents. Mais quelle école pour les bouleversements à venir? Comment et où intervenir pour tenter de participer à la définition de l’école de demain?
Permettre à toutes les personnes concernées par l’école de s’exprimer, c’est l’objectif des forums « Parlons éducation » qui se sont tenus à travers tout le Québec au cours du printemps. Les gens de la région auront aussi l’opportunité de participer à ce qui aura lieu les 26 et 27 mai prochain à Rimouski.
Les orientations de l’école qui préparera nos enfants au monde qui vient concernent tous les québécoises et québécois, les parents en premier lieu. Les enjeux sont trop importants pour les abandonner aux politiques et aux technocrates.
Il y a plus d’une génération, après une grande consultation, la Commission Parent mettait sur pied une école démocratique, ouverte à tous les enfants, pas seulement aux enfants privilégiés. C’était la Révolution Tranquille, le début du Québec moderne.
Cette école a préparé des générations de jeunes à faire face au monde d’aujourd’hui, mais peut-elle encore préparer nos enfants à celui de demain? Est-elle accessible à tous nos enfants quelles que soient leurs origines?
Coup de barre nécessaire
Pour bien des personnes concernées par l’école, un coup de barre, comme celui donné à l’aube des années 60, apparait absolument nécessaire.
Guy Rocher qui fut au cœur de la Commission Parent affirme : « l’égalité d’accès à l’éducation demeure pour moi le projet fondamental que poursuit le Québec depuis plusieurs décennies et qu’il faut continuer de vouloir réaliser ».
Malheureusement, ce projet fondamental de l’égalité d’accès ne s’est pas réalisé. Le système des écoles privées, financées par tous les québécois et québécoises, s’est renforcé. Les parents privilégiés continuent à y envoyer leurs enfants, leur donnant un avantage majeur par rapport aux autres enfants.
Les gouvernements, quels qu’ils soient, tiennent mordicus à un système dont les membres en sont souvent eux même issus et dont ils tiennent à en faire bénéficier leurs enfants.
Face à cette première inégalité que le rapport Parent n’a pu abolir, une seconde inégalité, majeure s’est développée au sein même des écoles publiques, les écoles à projets particuliers.
Compétition inégale
Le souci des parents voulant donner toutes les chances possibles à leurs enfants se transforme en une compétition inégale pour les filières enrichies par les projets particuliers, multipliant ainsi les perdants.
Les enfants qui n’ont pas accès aux filières enrichies du secteur public, souvent, ne peuvent rêver poursuivre leurs études. À peine 10% d’entre eux atteindront l’université.
Dans le monde d’avant, on disait que dans les milieux défavorisés « on était né pour du petit pain ». Soixante ans après la Commission Parent, c’est malheureusement toujours vrai!
Pour permettre à tous nos enfants d’affronter le monde qui vient, pour que, comme le rappelle Guy Rocher, « l’égalité d’accès à l’éducation demeure le projet fondamental du Québec », une nouvelle commission Parent est nécessaire pour redéfinir notre école.
Plus que jamais « un Québec fou de ses enfants » doit être un sentiment partagé par tout le Québec. Et ce partage commence chez nous, en prenant la parole lors du forum «Parlons éducation».