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Les jeunes et les identités de genre

Une nouvelle chroniqueuse jeunesse, Rosalie Bélanger de l'école Paul-Hubert, se joint au Journal Le Soir
(Photo journallesoir.ca- Rosalie Bélanger)

Depuis la rentrée scolaire, un débat fait rage au Québec. Doit-on accepter les gens ayant une identité de genre différente de la majorité et les accommoder par exemple avec des salles de bain mixtes ? Le sujet fait polémique, les personnes qui s’expriment dans les médias ont des opinions variées, mais les jeunes sont plutôt silencieux dans les articles.

J’ai donc pris la décision de donner la voix à une vingtaine de jeunes entre treize et dix-sept ans, tous d’horizons différents pour tenter de comprendre le point de vue de ma génération sur des questions qui vont sans aucun doute beaucoup nous occuper dans les prochaines années.

Notez qu’il y a beaucoup de citations dans le texte, il s’agit d’un article qui prend des allures de « vox-pop » comme on peut en voir à la télévision.

Les toilettes mixtes

La première question que je voulais aborder avec les gens avec qui j’ai discuté, c’était au sujet des toilettes mixtes.

Dans la plus grande école secondaire de Rimouski, le Paul-Hubert, plusieurs salles de bain sont considérées comme « non-genrées ».

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a toutefois déclaré qu’il ne souhaitait pas voir arriver des toilettes mixtes dans les écoles pour des raisons d’intimité. Mais qu’en pensent les jeunes ? Eux se sentent-ils à l’aise d’utiliser des salles de bain du genre ?

Les réponses à cette question divergent mais dans l’ensemble, le constat que je fais est que les adolescents sont soit très mal à l’aise d’aller dans ces espaces communs soit ils « s’en foutent » et utilisent tout simplement la toilette la plus proche.

Voici ce que les jeunes en pensent :

« Moi je trouve que c’est une bonne idée, comme les personnes trans et non-binaires peuvent se rendre dans une toilette mixte sans craindre de se faire dire qu’ils ne sont pas dans la bonne salle de bain. En plus, c’est une optimisation de l’espace donc le temps d’attente est réduit ! »

« Les filles qui ont leurs premières règles ne veulent pas que des gars soient de l’autre bord de la porte quand ça arrive ! Aussi, nous les gars, on veut des urinoirs ! »

(Photo Istock)

« Je trouve ça un peu étrange parfois, je me sens moins à l’aise mais tant qu’il y aura également des toilettes séparées pour les hommes et les femmes, je serai d’accord avec les toilettes mixtes. La seule chose, c’est que je pense que c’est beaucoup plus problématique dans des endroits publics comme des bars où les femmes ont parfois besoin de l’espace sécuritaire que sont leurs toilettes. À l’école, c’est bien correct ! »

« Je suis un peu mal à l’aise mais je vais finir par m’y habituer sans difficulté. »

« En tant que personne non-binaire, je ne savais jamais vraiment quelle salle de bain utiliser. En secondaire un et deux, je devais utiliser les salles de bains des enseignants comme il n’y avait pas de toilettes adaptées. Au moins, maintenant il y a des toilettes mixtes dans mon école et je n’ai plus besoin de me casser la tête avec ça ! Toutefois, je suis un peu mitigé. Je peux très bien comprendre le fait que certaines femmes sont vraiment mal à l’aise avec ça vu qu’elles sont malheureusement plus sujettes à vivre une agression sexuelle. »

La non-binarité

Être non-binaire, c’est quoi ? En gros, ça veut dire que les personnes non-binaires ne s’identifient à aucun genre ou bien à plusieurs à la fois. Ce sont donc toutes les identités de genre qui sont en dehors des genres strictement masculins et féminins qui sont regroupées sous ce terme.

Différents pronoms peuvent alors être utilisés par la personne, comme par exemple, le pronom « iel » qui est de plus en plus connu.

Plus je discutais de ce sujet avec différentes personnes, plus je remarquais que plusieurs ne comprenaient pas nécessairement ce que c’était, concrètement d’être non-binaire, sans pour autant être contre.

Voici ce que les jeunes en pensent :

« Je ne pense même pas que le débat devrait être ouvert là-dessus ! Ça existe depuis les débuts de l’humanité et c’est tout à fait normal. »

« Je pense que nous sommes trop jeunes pour avoir une opinion concrète là-dessus et qu’on accepte beaucoup les différences mais que les gens n’ont pas à devenir non-binaires pour ça. »

La cour intérieure de l’école Paul-Hubert de Rimouski. (Photo courtoisie Centre de services scolaire des Phares)

« Je respecte ça sans comprendre parfaitement. Je pense qu’on passe par toutes sortes de questionnements à l’adolescence. C’est bien correct aussi de changer d’idée en cours de route. Si tu te sentais non-binaire une journée, t’as le droit de te sentir comme un gars ou comme une fille le lendemain ! »

« Je trouve ça très flou, plus de sensibilisation ne ferait pas de tort pour pouvoir comprendre davantage ! »

« C’est difficile d’être non-binaire. Tout d’abord, il y a le regard des autres qui est très dur. J’ai beaucoup de difficultés avec le jugement des gens et, à cause de ça, je me dis que si je m’habille plus fémininement, les autres vont m’apprécier davantage. Certains jours, je me sens très mal dans mon corps et d’autres c’est mieux. Je me demande à quoi bon faire des efforts si les gens ne m’acceptent pas. »

La transidentité

Le dernier sujet que j’ai exploré avec mes interlocuteurs est la transidentité.

Être transgenre ça veut tout simplement dire que les gens de cette communauté ne s’identifient pas au genre qui leur avait été assigné à la naissance. Toutefois, ce n’est pas toutes les personnes transgenres qui s’identifient comme homme ou femme. Ils peuvent aussi passer de leur sexe biologique à la non-binarité.

Voici ce que les jeunes en pensent :

« Je pense que la prise d’hormones et la modification des parties génitales ne devraient pouvoir être faites seulement à partir de 25 ans, âge où le cerveau est complètement formé. »

« Je comprends davantage le fait d’être transgenre plutôt que le fait d’être non-binaire comme il y a eu beaucoup plus de sensibilisation à ce sujet dans les médias depuis déjà plusieurs années. »

« Être trans, c’est bien correct, tant que ces gens-là respectent les personnes cisgenres dans leur sexualité également ! »

Vivre et laissez-vivre

On m’a répété cela à de nombreuses reprises pendant ma recherche de témoignages. Les jeunes veulent être respectés et être respectueux. Toutefois, j’ai récolté seulement un échantillon.

Une vingtaine d’adolescents sur des millions et des millions à travers la planète, ce n’est pas beaucoup. De plus les violences faites envers les gens avec des identités de genre différentes de la majorité existent et ça me pousse à dire qu’il n’y a pas seulement des gens bienveillants comme ceux à qui j’ai eu le bonheur de parler.

(Photo Freepik)

Pour faire avancer notre société, il faudrait plus de discussions, plus de sensibilisation, plus de partages et plus d’aide pour les personnes dont le cheminement pour trouver leur identité est difficile.

Les témoignages ont été légèrement modifiés pour un souci de concision.

Merci infiniment à tous ceux qui ont pris le temps de me répondre, c’est extrêmement apprécié. Même si vos réponses sont anonymes, il est vraiment important de vous dire merci, vous vous reconnaîtrez !

Si ça ne va pas, des ressources existent.

Par exemple :

  • Tel Jeune (1800-263-2266)
  • Info-Social 811
  • Aide et prévention du suicide (1866 APPELLE)
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