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Lettre ouverte

Paroisse Saint-Germain de Rimouski : le patrimoine en péril

Lettre d'opinion d'Yvan Chouinard
La Cathédrale de Rimouski (Photo journallesoir.ca)

Récemment, je lisais une communication relative à la Cathédrale et je suis resté perplexe. J’aimerais vous offrir un début de réflexion axée sur le bon sens, sur l’honnêteté et la dignité qu’exige le maintien de notre patrimoine au centre-ville de Rimouski.

Oui, le Conseil de la Fabrique a fait un bout de travail, c’est un constat.  J’y étais pendant un nombre d’années, je l’ai vu et vécu.

Cependant, sur les six officiers que compte le conseil de Fabrique, excepté le Président qui est nommé par l’Archevêque, il faut se rappeler que la moitié, soit trois marguilliers, marguillière sur quatre ont démissionné. Tous conviendront que cela dénote d’un malaise.

Quel est-il donc? Voici quelques pistes permettant d’évaluer la situation.

Manque de vision commune

L’élément central et vital handicapant le cheminement du projet de conservation du patrimoine de la Paroisse Saint-Germain est assurément l’absence d’harmonie entre les trois entités impliquées, soit l’Archevêché, la Fabrique et le Comité de sauvegarde (Les Amis de la Cathédrale).

Voilà un élément absolument critique freinant l’avancement du dossier. Cela veut dire quoi ? À tout le moins, cela indique un manque de vision commune.

Celle que je privilégie, que j’aimerais voir se concrétiser, à l’instar d’un grand nombre de personnes, consiste en la conservation de notre patrimoine et sa mise au service du culte, mais aussi à celle des laïques (hommes et femmes). Notre patrimoine ? Quel est-il dans ce cas-ci ?

D’abord, la Paroisse Saint-Germain de Rimouski elle-même (débutée dans les années 1700), ensuite la Cathédrale (la deuxième construite au Québec) et son Presbytère (Îlot de beautés et de richesses).

Nous avons en main ici un TOUT patrimonial indissociable qu’il ne faut pas :

  • charcuter (en changeant radicalement l’aspect intérieur ou extérieur des bâtiments et des lieux),
  • se « débarrasser » (en vendant le presbytère pour quelques raisons inventées que ce soit),
  • éliminer (en faisant disparaître, ou en la noyant dans un autre ensemble, la paroisse Saint-Germain, et cela d’une manière pernicieuse ou autrement).

En corolaire, cela veut dire dynamiser l’ensemble (le faire vivre) dans un centre-ville renouvelé et respectueux de ce trésor qu’il nous est donné de posséder et qui exige l’harmonie.

Vision cachée ou absence de vision ?

D’abord, cherchons quelle est la vision de l’archevêché ! Personnellement, pour être près de ce dossier depuis des années, je ne l’ai pas encore entendue énoncer publiquement. Cependant, je la devine et je trouve qu’elle est une insulte à l’histoire et à la conservation du don de nos aïeux.

Ce que je crains, c’est la disparition de la Paroisse Saint-Germain, par conséquent, de la Fabrique. Ce que je sais, c’est la volonté ferme de l’Archevêché de vendre le presbytère, ce qui a un effet d’endoctrinement au niveau des actions des officiers de la Fabrique. En tout cas, de plusieurs.

Et ce que je constate, c’est également la volonté de l’Archevêché de ne pas jouer le rôle qu’une Cathédrale exige. Il ne faut pas se le cacher, cela veut dire, à tout le moins, des messes régulières dans l’église du Diocèse. Pourquoi cet état de fait ?

Le clocher de la cathédrale vu depuis la Place du 6 mai 1950. (Photo courtoisie Christian Boudreau)

C’est parlant, vous ne trouvez pas ? Bien sûr, une messe de Noël, quelques vêpres nous sont offertes, quelques ouvertures de la Cathédrale au public le samedi, quelques autoensencements par-ci, par-là dans les médias dévoilant toujours le manque de vision globale ou du moins laissant présager d’un agenda caché.

Vous comprenez maintenant la raison de nos démissions du Conseil de Fabrique, les départs de la moitié des marguilliers, marguillière de la Fabrique Saint-Germain-de Rimouski !

La Fabrique… sans presbytère !

La vision de la Fabrique, maintenant. Moi qui y étais à titre de marguillier, je n’ai vu que la vente du presbytère pour payer les réparations de la Cathédrale et assurer les frais d’entretien. Cela résume la vision de la Fabrique. Qu’arrivera-t-il lorsque le magot sera complètement dépensé? Pas de réponse.

Mais oui, le chauffage de la Cathédrale est en place. Ce qui n’est pas rien, c’est évident. Mon constat récurant, par contre, est que tout est toujours compliqué, long, assommant.

La salle Saint-Germain? Oui, dans un enthousiasme certain, le projet de « bingo » s’était enclenché, mais, rapidement, la complication s’est encore une fois invitée, crispant les développements potentiels, apportant la démotivation.

Par exemple, comment rénover la salle ? Deux choix, soit un endroit moderne «pas rapport» comme disent les jeunes ou un local respectueux de la nature des lieux actuels ? Pourquoi faire simple lorsqu’on peut compliquer le plus possible ?

Le projet est suspendu pour mille et une complications. Cela semble devenir la norme actuellement lors des projets avancés par la Fabrique. Pourquoi ?

Autre sujet nébuleux à souhait. La vente du presbytère pour payer la partie non subventionnée des réparations de la cathédrale ? Et après ? Faut-il encore le répéter, «un boulanger ne vend pas son four pour payer les réparations de sa boutique». Exactement.

Toute la rationalité d’une vision d’ensemble exigerait que le presbytère soit le centre des activités mises en place pour rentabiliser, pour gérer le tout, pour abriter le personnel nécessaire, pour attirer les gens, pour les retenir dans le centre-ville de Rimouski.

L’intérêt est grand chez des possibles acheteurs du presbytère Saint-Germain de Rimouski. (Photo journallesoir.ca- Olivier Therriault)

Pour faire rouler la « business ». Appelons les choses par leurs noms. C’est d’une rationalité de premier niveau. Comment ne pas voir cette évidence ?

Il me semble que c’est là une prémisse manifeste on ne peut plus, et pas besoin d’être un gestionnaire de grande expérience pour constater cette situation. En parlant de gestion à la tête de la Fabrique, où en sommes-nous?

C’est quoi le plan, la vision de la Fabrique qui est propriétaire des lieux? Par exemple, celle de s’acharner à ne pas vendre le terrain de la Place des Vétérans à la ville pour le financement des réparations, plutôt que de se départir du presbytère?  Pourquoi diable ?

Cette logique est pourtant d’une froideur et d’une simplicité à en pleurer. Je vous le dis, ça ne sent pas bon l’affaire. Ça cache quoi ? Vous comprenez encore mieux maintenant lorsque j’utilise les mots « se débarrasser du presbytère »?

En attente d’harmonie

Le troisième Acteur au dossier, le Comité de sauvegarde (Les amis de la Cathédrale) (des milliers de ces amies et amis possèdent leur carte de membre), a en main une entente signée avec la Fabrique. Il se devait de jouer le rôle de planificateur et d’exécuteur des activités autres que le cultuel.

Cela a été accompli autant de fois qu’on le lui a permis. Rappelons que cet OBNL existe depuis des années et des années. Il a participé et a permis rien de moins que le sauvetage de la Cathédrale. Autrement, elle serait certainement fermée, que personne ne se fasse de fausses idées à ce propos.

Cet OBNL possède, dans ses goussets, des règlements déjà écrits ayant pour objet la création d’un nouveau Conseil d’administration représentatif comprenant des membres de la Fabrique, de l’Archevêché, du milieu culturel, du milieu communautaire, du milieu financier, du milieu touristique, de la Ville, …

Bref, un organisme embrassant toutes les facettes requises pour un succès dans notre centre-ville en mettant à l’avant-scène la Cathédrale, le Presbytère et le terrain de la paroisse Saint-Germain.

Ainsi, l’expertise entrepreneuriale et rassembleuse qui semble actuellement faire défaut pourrait amener l’ensemble vers un projet novateur, exaltant et captivant.

L’intérieur de la Cathédrale de Rimouski (Photo journallesoir.ca)

Mais pourquoi ne pas créer ce Conseil d’administration dès maintenant ? La réponse est évidente.

Le manque d’harmonie des trois entités pour une vision unifiée de la mise en valeur du patrimoine n’est pas propice à attirer les forces vives essentielles dans le projet. C’est hyper simple à comprendre, peut être trop simple, à la fin !

Et maintenant… 1, 2, 3 GO !

Où s’en va-t-on ? C’est ce que tout le monde veut savoir. Beaucoup s’attendent, je dirais, exigent une certaine dignité face à la survie de notre patrimoine. 

Aujourd’hui, aucune vision commune planifiée, claire et publicisée n’est palpable. C’est le constat que toutes et tous, malheureusement, nous faisons.

Quoi faire ? Comment s’y prendre pour que les trois acteurs de ce film angoissant puissent enfin se donner la main pour regarder l’avenir et se mettre à la tâche ? Y a-t-il encore de l’espoir pour que notre patrimoine ne soit pas détruit ou émietté, comme on le sent aller présentement ?

Ne pourrait-on exiger que le trio engage des discussions et nous soumette une vision commune et réaliste dans une optique d’harmonisation patrimoniale au cœur du centre-ville de Rimouski? De notre centre-ville? Qui pourrait forcer à l’union ?

Ou, au moins, l’initier. Qui aura le courage d’obliger les têtes dirigeantes de ce trio à s’enfermer en conclave et à n’en sortir qu’avec une vision d’avenir pour notre patrimoine tant aimé?

Allez, les « grands chefs » de l’Archevêché, de la Fabrique et de l’OBNL, « 1, 2, 3  GO … », enfermez-vous dans un lieu clos, donnez vous la main ou … (chers lecteurs, chères lectrices, à vous de compléter la phrase).

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