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Lettre ouverte

Il est temps de devenir des Basques

Lettre ouverte du maire de Saint-Simon-de-Rimouski, Denis Marcoux
Le maire de Saint-Simon, Denis Marcoux (Photo journallesoir.ca- Alexandre D’Astous)

Nous parlons des Basques du Bas-Saint-Laurent… pas de ceux qui ont laissé leurs traces sur notre territoire, et qui étaient peut-être là pour saluer Jacques Cartier à son arrivée, même si ce dernier ne les mentionne jamais.

On a tendance à dire que cette municipalité régionale est un regroupement de 11 — bientôt peut-être seulement dix — municipalités, ce qui dans un sens est vrai.

Mais Claude Dahl, son directeur général, nous rapportait dernièrement que, selon la loi leur donnant naissance, les MRC n’étaient pas des regroupements de municipalités, mais des citoyens qui habitent le territoire. Ça fait une différence.

En commençant par le fait que les actifs de la MRC ne sont pas partagés en propriété avec les municipalités de son territoire, ce qui a comme conséquence que Saint-Guy, en demandant d’être fusionnée dans une autre municipalité, ne partira pas avec une partie des actifs des Basques, une dot en quelque sorte, mais plutôt avec une dette.

Une grosse dette. Les divorces, ça coûte cher.

Au-delà de cette malheureuse séparation, qu’en est-il de l’avenir des Basques? Malgré le coût associé, y aura-t-il d’autres municipalités qui seront tentées par un départ de notre MRC?

J’en doute, mais même si ça ne se produisait plus jamais, je crois qu’il est temps de redéfinir la MRC des Basques.

Par contre, si la facture de ce divorce est acquittée par le provincial, il faut s’attendre à ce d’autres divorces soient envisagés : Saint-Fabien est proche de Saint-Simon et de Saint-Mathieu, Rivière-du-Loup de Saint Éloi… et nous avons de bonnes ententes avec ces voisines d’une autre MRC.

Le ministère n’a plus d’argent dans ses coffres, nous dit-on, pour favoriser les regroupements. En aurait-il pour conclure un divorce?

Ses citoyens avant tout

Je disais que la MRC n’est pas un regroupement de municipalités, mais des citoyens qui l’habitent. Ça fait une différence.

Déjà, notre préfet est élu au suffrage universel. Il n’est pas choisi, comme dans d’autres MRC, parmi les maires qui y siègent. C’est déjà quelque chose de gagné.

Car sinon, si la MRC est un regroupement de municipalités, ça devient bêtement une structure « supralocale ».

Elle sert aux administrations municipales afin de négocier certains contrats en groupe, comme la gestion des ordures, à répondre à certaines exigences du gouvernement, comme la planification du territoire et du réseau hydrique.

Cela contribue aussi à offrir quelques regroupements de services, pour les municipalités qui le désirent, comme l’inspection municipale.

Trois-Pistoles, au moment d’un coucher de soleil (Photo courtoisie Ville de Trois-Pistoles)

La MRC est réduite, quasiment, à un rôle subordonné à celui des municipalités, une structure qui existe pour offrir des services aux municipalités.

Ce n’est pas suffisant. Nous réalisons tous, ou presque tous, que seules, laissées à elles-mêmes, les municipalités dépérissent.

Qu’elles soient petites ou plus grandes, les charges et obligations qui s’ajoutent au fil du temps, qu’elles doivent assumer chacune à sa manière, grèvent de plus en plus leurs ressources, leur capacité financière, et surtout, avec la pénurie de main-d’œuvre que nous connaissons, les compétences à leur disposition pour s’acquitter de leurs obligations.

Le temps des regroupements

Prenons comme exemple les services d’incendie. Les exigences du ministère de la Sécurité publique à cet égard, fondées sur des critères tout à fait rationnels, sont très difficiles à rencontrer pour de petites municipalités.

Il faut beaucoup de pompiers, prêts à répondre dans des délais très courts, à n’importe quel moment de la journée, car les feux, ce ne sont pas des évènements qu’on prévoit au calendrier. Peu de municipalités sont capables de rencontrer ces normes minimales. Il faut recruter ces pompiers, les équiper, assurer leur formation, et savoir retenir leurs services longtemps.

Et on préfère qu’ils ne soient pas tous des vieillards se déplaçant lentement. De même pour les services d’aqueduc qui demandent des compétences difficiles à obtenir, et une équipe qui n’est pas composée d’une seule personne! Je pourrais continuer la liste.

Il est temps qu’on arrête d’essayer de rencontrer toutes ces obligations chacun de notre côté, de la façon dont nous le faisons depuis le 19e siècle. Ça ne fonctionne plus. Ou quand ça fonctionne, ça coûte trop cher.

La solution que nous avons essayée jusqu’à maintenant, c’est de faire des ententes intermunicipales. Nous y réussissons plus ou moins bien.

Les ententes sont souvent d’une durée d’un an, ou doivent être renouvelées au mieux aux cinq ans, ou lorsqu’une des parties, mécontente, se retire de l’entente. Ces ententes sont fragiles, parfois mal négociées, facilement dénoncées.

Les maires travaillent depuis quelques années (pourparlers repris depuis un an) à un regroupement des services incendies. C’est un long travail. Un travail qui progresse de façon encourageante, mais dont le résultat n’est pas assuré.

Personnellement, je considère que nous n’avons plus le temps de prendre quelques années pour chaque regroupement de services que nous devrons considérer.

Car sans ces regroupements, nous vivrons des crises lorsqu’une municipalité sur notre territoire ne sera plus en mesure d’assurer à ses citoyens les services qu’ils s’attendent à recevoir. Pompiers, déneigement, aqueduc, même les services administratifs!

Car il est parfois bien difficile de trouver le personnel pour remplir les postes d’administration à la municipalité. C’est une des choses qui semblent avoir allumé le feu de la séparation à Saint-Guy, et on voit ailleurs le phénomène se produire.

À Saint-Simon, nous avons été longtemps à chercher une direction générale, avec les résultats que nous connaissons.

Vraiment besoin d’autant d’élus?

Nous voulons conserver nos identités municipales, me dit-on. Mes racines sont à Saint-Clément, ou à Trois-Pistoles, ou à Saint-Simon. Faisons en sorte de ne rien perdre, alors. Il ne s’agit pas de faire disparaître toutes les municipalités, mais de les préserver!

Même s’il y avait des fusions, on peut faire en sorte que les distinctions soient préservées. Centraliser une partie des administrations municipales, ça ne veut pas dire que les bureaux soient fermés dans chacune des localités.

Au contraire, ça prend des répondants dans chacune des municipalités pour offrir un contact direct avec la population.

Mais certains services seraient mieux rendus s’ils étaient offerts, pas à une seule municipalité, mais à toute la population des Basques : services d’incendie, gestion des eaux potables et usées, production des sites web et des bulletins municipaux, certains services comptables, et bien d’autres.

La municipalité de Saint-Jean-de-Dieu (Photo courtoisie)

Aurons-nous vraiment besoin de sept élus dans chacune des municipalités? Si une partie des décisions étaient prises pour l’ensemble de la population des Basques — et nous ne sommes qu’environ 8900, on n’est pas nombreux encore! —, peut-être qu’au niveau local, nous aurions une plus petite équipe. C’est à étudier.

Entre autres, il faut repenser comment les décisions sont prises dans une nouvelle MRC repensée.

Pour l’instant, le règlement stipule qu’en cas de différend, ce qui ne s’est pas produit depuis longtemps, chaque maire a un vote au nom de sa municipalité et un vote au nom de chacun de ses citoyens, pour constituer ce qu’on appelle une double majorité, requise pour l’adoption d’une proposition.

Ce règlement donne l’impression que la MRC est une structure au service des administrations municipales plutôt que de ses citoyens. Changeons ça.

Municipalité engagée

Je ne prétends pas ici proposer la nouvelle structure administrative de la MRC des Basques et celles de nos municipalités.

J’avance ici que nous ne pouvons continuer à fonctionner comme nous le faisons, et espérer que les choses aillent mieux pour nous dans un avenir proche. Nous devons devenir des Basques, Basque de Saint-Simon, Basque de Saint-Éloi, Basque de Saint-Jean-de-Dieu.

Et avoir une municipalité qui est engagée à répondre à nos besoins, les 8900 que nous sommes, avec des sous-municipalités, faute d’un meilleur terme, ou des arrondissements, pour assurer des services de proximité, un contact personnel dans les localités.

C’est, à mes yeux, la voie de la croissance et de la prospérité.

Citoyens! Si c’est ce que vous souhaitez vous aussi, faites-le savoir à vos représentants. Ils ont besoin d’être rassurés que vous appuyiez des démarches en ce sens.

Denis Marcoux, maire de Saint-Simon-de-Rimouski

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