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Lettre ouverte

Violence : des employés du CSS des Phares marqués à vie

Lettre ouverte du personnel de soutien à bout de ressources

Nous écrivons cette lettre parce qu’en ce moment, personne ne semble nous entendre, personne ne semble nous prendre au sérieux et nous avons peur! Si au moins notre métier de technicien en éducation spécialisé était plus reconnu et respecté par le Centre de services scolaire des Phares et par le gouvernement.

Nous sommes victimes du système scolaire. Nous avons peur pour nous, pour nos collègues, mais nous avons surtout peur en l’avenir. En écrivant, cela nous libère un peu de toute l’anxiété qui nous habite.

Quand nous voyons ce qui se passe dans nos écoles, nous avons mal pour notre profession / nos professions parce que nous ne sommes pas les seuls à être touchés, tous les corps d’emploi du soutien scolaire sont écorchés.

Il est grand temps que le gouvernement demande et constate ce qui se passe réellement sur le terrain et change les choses pour le bien des élèves, de leurs parents, mais des employés également qui sont nombreux à quitter le navire.

La normalité bascule vers la dangerosité

Certains membres du personnel vivent de la violence, et ce, parfois plusieurs fois par jour dans les écoles du centre de services scolaires des Phares.

Dans notre travail, plusieurs interviennent quotidiennement lors de conduites agressives d’élèves. Cependant, là où la normalité bascule vers la dangerosité, c’est lorsque la violence devient récurrente et banalisée. Celle-ci envers les adultes est en augmentation.

Certains collègues se fond mordre, grafigner, pousser, menacer, frapper, insulter ou se font lancer des objets. Dans ces moments, nous craignons pour la sécurité de nos collègues, celle des élèves et la nôtre.

En plus, il est presque impossible de supporter nos collègues lors de ces situations.

Certains membres du personnel, dans différentes écoles, sont en arrêt de travail à la suite de blessures physiques et/ou psychologiques, mais ce n’est pas encore suffisant, ce n’est jamais suffisant pour préserver la santé et la sécurité des employés et celles des autres élèves qui tentent d’apprendre, comme ils peuvent, souvent dans ce chaos.

Blessures marquées à vie

Des employés ont des blessures marquées à vie.

Nous sommes dans des établissements scolaires. Un endroit où les élèves sont supposés apprendre, un endroit où tous seraient supposés y travailler en sécurité sans craindre de se faire frapper ou menacer à répétition par d’autres élèves qui briment l’apprentissage des autres et, par le fait même, leur sécurité.

Où sont nos « locaux de retrait » où les élèves pouvaient y venir «en suspension » lors du non respect du code de vie et travailler avec un intervenant sur place ?

On ne peut plus, car c’était trop coercitif (pour le primaire). C’est la réponse que bien des gestionnaires nous donnent.

Alors qu’advient-il d’un élève lorsque le code de vie, le protocole-école n’est pas respecté lors d’une agression ou d’un geste majeur ? Il doit retourner à la maison ? Oui, mais tout le monde sait que ce n’est pas l’idéal pour certains et pour les parents.

Alors on s’organise avec les moyens du bord, on monopolise d’autres personnel de soutien, parfois non qualifié, pour s’occuper des élèves en arrêt d’agir afin qu’ils ne retournent pas à la maison. Les parents se plaignent, on peut les comprendre, mais où sera la limite de l’acceptable ?

Où la limite définie qu’un élève qui mord, qui frappe, qui grafigne, qui menace peut rester à l’école comme si de rien était ?

Craindre les représailles

Les directions semblent craindre les représailles, elles semblent avoir les mains liées, parce que la scolarisation est obligatoire. Le centre de services semble craindre les plaintes de parents.

Il commence à mettre des outils en place à la suite de dénonciations faites à la cnesst, mais ils ne réduiront pas directement la violence vécue.

C’est trop peu d’actions, décidées trop tard. Nos collègues s’essoufflent, pleurent le soir parce qu’ils se sont faits « varger » toute la journée ou encore crier des insultes. Ils pleurent parce qu’ils ne comprennent pas comment c’est possible de vivre tout ça dans les écoles.  

Il faut dire que le centre de services scolaire des Phares n’a pas de protocole fixe sur la marche à suivre lorsqu’un élève est violent physiquement et/ou psychologiquement, et ce, à répétition.  Il ne semble pas exister de procédure claire et universelle lors d’une désorganisation majeure.

Avec le code de vie de l’école, un protocole pour violence et intimidation, des protocoles sur mesure pour certains élèves, mais ils ne sont bien souvent pas respectés parce que sinon, il y aurait trop de suspension à l’externe. Une roue qui tourne.

La cour intérieure de l’école Paul-Hubert de Rimouski (Photo courtoisie Centre de services scolaire des Phares)

Les directions font leur possible en nous proposant des outils, des « solutions », mais celles-ci ne sont pas toujours réalistes, ils sont de courte durée ou même déjà mis en place. De plus, ces solutions ne diminuent pas le nombre d’agressions vécues.

Nous avons l’impression que la scolarisation prime sur la sécurité des employés et des enfants. Le personnel de soutien, tous corps d’emploi confondus qui font fonctionner les écoles, se donne corps et âme pour le bien-être, pour l’apprentissage des enfants, mais aussi pour leur sécurité.

Rôle des parents

Le rôle des parents est de protéger leurs enfants, de leur montrer de bonnes valeurs, de leur montrer comment positivement ils doivent interagir en société. Du côté scolaire, présentement, le personnel de soutien ne soutient pas, il éteint des feux, constamment…

Les services professionnels sont ‘’garochés’’ d’une école à l’autre dû à de trop grands besoins. Est-ce que les enseignants peuvent vraiment enseigner? Tout le monde fait ce qu’il peut avec des moyens qu’ils n’ont pas.

Nous commençons à être entendus et écoutés, mais ça fait des années que ça dur et où il est trop tard pour que ce soit moins pire qu’avant parce que nous sommes liés de partout.

Quelques questionnements qui demeurent sans réponse

  • Est-ce normal que dans nos écoles, un adulte doit se protéger des coups d’un élève à l’aide d’un ballon, d’un matelas, ou de son propre corps? De tenter le plus possible d’esquiver les coups?
  • Est-ce normal que les employés craignent des représailles s’ils doivent intervenir plus directement avec un élève lorsque la sécurité des autres, la sienne et celle des employés est compromise?
  • Pourquoi l’ensemble du groupe est pénalisé lorsqu’un seul individu n’est pas fonctionnel à l’école. De faire sortir un groupe d’élève au lieu de sortir l’élève?
  • Est-ce tolérable qu’un enfant soit violent à répétition?
  • Pourquoi la seule alternative que nous avons pour assurer notre sécurité, lorsqu’il y a violence récurrente, est de quitter en arrêt maladie ou de menacer d’un droit de refus?
  • Est-ce normal que quelqu’un doit se faire frapper plusieurs fois avant que l’enfant soit en pause de scolarisation ou qu’il y ait juste quelque chose qui se passe?
  • Pourquoi ma direction n’est pas capable de m’assurer un environnement sain et sécuritaire?
  • Pourquoi il n’y a pas une structure fixe pour toutes les écoles lorsqu’on parle de violence récurrente?

Un entre-deux ?

À quand un entre-deux ? Un établissement qui pourrait accueillir les élèves comme transition?

Qui auraient besoin de retravailler une base, la fondation de leurs propres valeurs avant de faire du français et des maths, un établissement où la pédagogie serait différente pour eux.

Un entre deux qui ferait en sorte que les autres élèves seraient en meilleur posture pour apprendre et où ceux qui ont une transition à faire auraient le soutien nécessaire avec de bons outils et des intervenants pour les accompagner et les aider.

(Photo courtoisie Centre de services scolaire des Phares)

Je pense que nous sommes rendus là, mais qui va prendre le « lead » de faire ça ? Est-ce que le Bas St-Laurent serait rendu là? Comme il existe dans certains autres centres ?

Nous aimons nos métiers, mais la violence, la surcharge de travail et le manque de considération nous rongent et nous minent à petit feu.

Des membres du personnel de soutien scolaire des Phares, de plusieurs écoles, qui ont peur pour l’avenir de leurs professions.

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