Itinérance à Rimouski : réglementer pour le bien de qui ?
Lettre ouverte de Julia Ouellet de RimouskiLes personnes en situation d’itinérance à Rimouski devront désormais poser leur tente à certains endroits et y demeurer seulement entre 20 h et 7 h, sans quoi, les « campeurs » pourraient avoir à payer une amende.
La Ville de Rimouski adopte ce nouveau règlement sur l’itinérance au nom de la salubrité, de la sécurité, de la nuisance et de l’habitation.
Rien d’étonnant, car la Loi sur les compétences municipales prévoit l’exercice de leur pouvoir dans ces domaines qui clairement concerne la question campements et des personnes qui y résident.
La Ville se défend donc de « faire sa job ».
Au nom de qui les questions de salubrité, de sécurité, de nuisance et d’habitation sont-elles abordées dans ce règlement : au nom des citoyen·nes disposant d’un toit de tôle ou de toile ?
Pendant ce temps, on peut lire dans Le Soleil que « Rimouski n’a manifestement pas le goût de revivre la situation inédite de l’été dernier, où plusieurs personnes en situation d’itinérance avaient installé leur campement sous les kiosques du marché public du parc de la Gare, situé en plein centre-ville ».
Et qu’en est-il des personnes forcées de dormir dans le parc de la Gare ? Ont-elles envie d’être contraintes à résider dans un parc ? Un changement de paradigme s’impose.
L’itinérance est loin d’être un projet d’aqueduc ou de ramassage de déchets résiduels ; alors pourquoi traite-t-on l’enjeu de manière similaire ?
S’engager et se responsabiliser
Avec comme intérêt celui de la « bonne gestion », du « bon fonctionnement » de la ville.
Cet « ordre social », à qui profite-t-il et qui finit par le subir ?
D’autres villes abordent l’enjeu de l’itinérance de manière complètement opposée et s’engagent à se responsabiliser à l’égard de leurs citoyen·nes les plus vulnérables qui ne trouvent pas refuge.
La Ville de Longueuil, par exemple, lançait en janvier dernier son Cadre de référence municipal de lutte à l’itinérance, dans lequel la Ville s’engage à contribuer à offrir un toit pour toutes et tous, à mettre en œuvre des actions adaptées aux réalités de toutes et de tous, à agir collectivement et à favoriser l’acquisition de connaissances et la formation.
En ce moment même, la question du droit au démantèlement des campements dans les villes se joue à la Cour suprême des États-Unis.
Du côté de notre frontière, au Canada et dans notre province, une question est sur toutes les lèvres : que faire avec les maisons temporaires qui se hissent dans nos parcs, dans nos lieux publics ?
Toutefois, un constat est clair et étudié : la judiciarisation des personnes vivant dans des campements est un échec total.
Les solutions sont ailleurs
Chose certaine, les réponses à l’itinérance ne se trouvent pas dans l’ajout de réglementations municipales reposant sur les individus dont les droits ont déjà été bafoués.
La tendance des villes est à la réglementation, mais une vérité demeure : les solutions se trouvent ailleurs.
Peut-être que le jour où la ville s’imposera la même discipline que celle demandée aux « campeurs » et développera sa vision autour des enjeux d’itinérance à Rimouski, un tel règlement sera légitime.
Donc, chère Ville de Rimouski, à quelle date et à quelle heure pouvons-nous exiger de votre part de mettre en place les mesures nécessaires pour que ces personnes n’aient pas à se loger à l’extérieur ?
Ne vous inquiétez pas, nous ne vous imposerons pas une plage horaire de 7 h à 20 h pour trouver la solution.
Julia Ouellet, Chargée des communications au Réseau SOLIDARITÉ Itinérance du Québec et citoyenne de Rimouski