« Les angoisses de ma prof de chinois. Où s’en va la Chine ? »

« J’aime les Chinois. C’est plus fort que moi. » Ainsi commence ce livre fascinant. Dans sa carrière de journaliste, Jean-François Lépine a toujours présenté un contenu consistant d’informations, dans un langage accessible.

C’est véritablement le cas avec ce récit, dans lequel il raconte ses quarante ans de fréquentations avec les Chinois. Un témoignage essentiel pour mieux comprendre cet univers démesuré.

Imaginez : des villes aussi populeuses que Montréal ou Toronto, il y en a au moins une centaine en Chine…

Lépine a été en contact intime avec de nombreuses réalités sociales et politiques de la Chine.

Dès le début des années 1980, il avait été affecté par Radio-Canada comme correspondant à Pékin, où il avait pu décrire au petit écran l’évolution phénoménale de ce grand pays face au reste du monde.

Les Jeux olympiques de Pékin, en 2008, ont été l’aboutissement de cette ouverture qui laissait présager d’harmonieuses relations avec le reste du monde.

Fermeture programmée

En 2015, Lépine a accepté un mandat en Chine de près de six ans comme ambassadeur pour le gouvernement du Québec.

Dans le domaine diplomatique, il a alors pu observer avec attention la fermeture croissante programmée par les dirigeants du pays, sous la poigne dictatoriale de Xi Jinping, élu à la présidence en 2012.

On le surnomme le « président de tout », tellement il veut tout contrôler. Avec le temps, la Chine est devenue arrogante, cynique… Menaçante!

Plusieurs éléments ont contribué à un tel repli sociopolitique : la rivalité avec les États-Unis, la Covid-19, les frictions avec les Tibétains, les Ouïgours et les Taïwanais, l’arrestation de Meng Wanzhou à Vancouver, la situation en Ukraine, etc.

Mais surtout, les dirigeants craignent tellement de perdre les pédales dans le contrôle du pays que cela a engendré un terrible muselage de la population. Ce qui n’est pas la première fois dans l’histoire de l’Empire du milieu…

De bons vivants

Jean-François Lépine, qui a appris le chinois, a pu recueillir les témoignages de nombreuses sources, dans toutes les sphères de la société.

« Les Chinois sont de bons vivants », dit-il. Leur niveau de vie a connu des hausses substantielles dans les dernières décennies. Les exigences sont fortes sur les jeunes adultes actuels, qui étaient pour la plupart des enfants uniques dans leur famille.

Le prix de l’immobilier est tellement élevé qu’ils doivent travailler très fort pour joindre les deux bouts… Et compter souvent sur leurs parents. Ils ont la réputation d’être capricieux et ils ne manquent pas de critiquer publiquement les produits de consommation.

Cependant, toute critique politique n’est pas tolérée et peut être durement réprimée.

Pour faire rouler une telle dictature, la propagande et la surveillance chinoises ont pris des proportions énormes, notamment dans le cyberespace. « C’est un flot imposé qui nourrit le peuple et auquel il est presque impossible de s’opposer », explique-t-il.

Désillusions commerciales

L’auteur signale que le Canada, comme d’autres pays, a connu beaucoup de désillusions commerciales par rapport à la Chine.

Autant pour la culture, les barrages hydroélectriques, le transport ferroviaire ou l’aviation, la Chine n’hésite pas à copier les secrets technologiques pour ensuite produire par elle-même. Question d’adaptation et d’efficacité, pourrait-on dire…

Jean-François Lépine prédit qu’il faut surveiller l’arrivée prochaine des voitures chinoises sur nos marchés, notamment les voitures électriques. Elles feront une vive compétition aux autres marques.

Dans une dizaine d’années, le tiers de la population chinoise aura plus de 60 ans.

Selon l’auteur, « les jeunes travailleurs ne seront plus capables de générer les revenus nécessaires pour financer les pensions et les soins de santé de leurs aînés ».

Une condition sociale et économique à surveiller…

« Les angoisses de ma prof de chinois. Où s’en va la Chine ? », par Jean-François Lépine, Libre Expression, 2023, 336 pages.