6 mai : le grand feu ravageait Rimouski
230 immeubles, 2 365 sinistrés, des dommages évalués à 20 M $En ce 6 mai, Rimouski commémore la plus grande tragédie de son histoire. En 1950, un incendie a ravagé le tiers de ses bâtiments, détruit l’usine de la Price Brothers ainsi que les ponts sur la rivière, coupant ainsi la ville de ses axes principaux de communications.
En fin d’après-midi, alors qu’il fait très chaud et que des vents de près de 100 km/h soufflent sur Rimouski, le feu éclate dans l’immense cour à bois de la compagnie Price du côté ouest de la rivière.
La cour à bois devient en moins d’une heure un immense brasier. Le vent soulève des tisons et même des morceaux de madriers en feu qui atterrissent sur les toits de bardeaux des maisons situées du côté est de la rivière.
Rue après rue, le feu progresse inexorablement. Dans l’après-midi du 7 mai, alors que certains édifices fument encore, on constate que l’incendie a rasé 230 immeubles et sérieusement endommagé 19 autres.
Parmi les grands édifices détruits en tout ou en partie notons l’hôpital, le séminaire, le Palais de justice et l’hospice des Sœurs de la Charité.
La ville perd d’un seul coup 383 logements et l’on dénombre 2 365 sinistrés. Les pertes atteignent plus de 20 M$, le cinquième seulement étant couvert par des assurances. L’événement a tellement marqué les Rimouskois qu’on y référait en parlant du « grand feu » ou encore de la « nuit rouge ».
La cause
Le sujet a longtemps été tabou. L’incendie a été causé par une négligence de la Compagnie de Pouvoir du Bas-Saint-Laurent, propriété de Jules-A. Brillant, puissant et richissime homme d’affaires rimouskois.
Malgré des demandes répétées, la Compagnie de Pouvoir omet de remplacer des poteaux pourris dans la cour à bois de la Price Brothers.
Le jour du feu, les poteaux ne résistent pas à la force des vents. Les étincelles provoquées par la rupture des fils électriques enflamment le bois. À l’époque, les compagnies d’assurance veulent poursuivre la Compagnie de Pouvoir pour un montant de 10 M$.
Le premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, fait comprendre aux assureurs que ce serait une grave erreur. Une telle poursuite entrainerait la faillite de la Compagnie de Pouvoir et la perte de plusieurs centaines d’emplois dans une ville déjà très éprouvée.
Les assureurs ont finalement payé les gens assurés, mais dans les faits, les compagnies d’assurance ont fait énormément d’argent.
Le feu de Rimouski et celui de Cabano survenu trois jours plus tard, ont tellement marqué la population de tout le Québec que cela a incité des dizaines de milliers de personnes à s’assurer.
Toute cette affaire, connue seulement de quelques initiés, a été révélée quarante ans plus tard au journaliste Bruno St-Pierre de Radio-Canada Rimouski par le courtier d’assurance Maurice De Champlain.
Pillages
Un autre aspect du feu dont on a peu parlé à l’époque est le pillage des commerces. Il y avait à Rimouski à l’époque un petit détachement de la Police provinciale, ancêtre de la Sûreté du Québec, mais leur immeuble a brûlé dès le début de la conflagration.
Les policiers municipaux pour leur part étaient également pompiers et ils étaient donc très occupés. Pendant la nuit, au plus fort du sinistre, des pillards ont fait main basse sur 36 000 bouteilles de bière dans un entrepôt. De nombreux commerces ont subi le même sort.
Dans son édition du 18 mai, le journal L’Écho du Bas-Saint-Laurent attribue ces actes de pillage à des « étrangers ». Rien n’est moins certain. On déplore aussi beaucoup de vols. Des dizaines de familles se font dérober les biens qu’ils tentent de mettre à l’abri avant que le feu n’atteigne leurs rues.
Quelques bons samaritains qui offraient de transporter avec des camions les meubles de sinistrés pour les mettre en lieu sûr ne sont jamais revenus…
Le pillage n’a cessé qu’avec l’arrivée de l’armée. Un contrôle sévère a été établi. Des militaires armés se tenaient aux principales intersections et on ne pouvait circuler qu’avec une permission expresse.
Gala bénéfice au Forum
La Croix-Rouge est immédiatement venue en aide aux sinistrés tandis qu’un Comité de secours et de reconstruction a rapidement été mis sur pied.
Les dons ont afflué de tout le Canada, des états américains de la Nouvelle-Angleterre et du Royaume-Uni et même du Vatican, le pape ayant versé 10 000 $. Il y a eu des dons en argent, mais aussi des vêtements, des jouets et des outils.
Le 25 mai 1950, un grand gala visant à amasser des fonds pour les sinistrés de Rimouski et de Cabano a eu lieu au Forum de Montréal. Placé sous la présidence d’honneur du maire de Montréal, Camilien Houde, ce gala était organisé par les stations de radio montréalaises CHLP, CKAC, CKVL et CBF Radio-Canada.
Animé par Roger Baulu, le gala mettait en scène plus d’une centaine d’artistes et de musiciens dont Denis Drouin, Marcel Gamache, Jean-Louis Roux, Miville Couture, Jacques Normand, Rolande Desormeaux, Muriel Millard, Denise Pelletier, Jean-Pierre Masson et Michel Noël.
Ce gala a permis d’amasser 6 000 $ pour les sinistrés. Trois jours plus tard, le 28 mai, un match de baseball entre les Canadiens de Montréal et les Maple Leafs de Toronto a été présenté au stade Delorimier de Montréal, toujours au profit des sinistrés de Rimouski et de Cabano.
Pour aider à la reconstruction du Séminaire, les gens de Rimouski ont été invités à récupérer de la brique dans les décombres.
On offrait un cent pour chaque brique complète et débarrassée de son mortier. Des dizaines d’hommes de femmes et d’enfant se sont attelés à la tâche.
On a ainsi récupéré un million de briques ! Grâce à cette initiative, le Séminaire estimait à l’époque avoir économisé 17 000 $ soit l’équivalent de 189 000 $ aujourd’hui.