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« La langue anglaise n’existe pas »

Le français a généreusement contribué à son prestige
Le linguiste français Bernard Cerquiglini (Photo courtoisie)

« La langue anglaise n’existe pas », quel petit ouvrage génialement impertinent! 

Alors que la langue anglaise fait pénétrer ses mots et ses tournures dans tous les pores de notre vie sociale et culturelle, l’auteur se lance ici dans une solide démonstration pour dire que si la langue anglaise est si riche en vocabulaire et en popularité, c’est que, jadis, la langue française a généreusement contribué à son évolution et à son prestige. 

Plus de 30% des mots dans un dictionnaire anglais ont été directement empruntés au français. Respect, s’il vous plaît!

Un peu d’histoire pour comprendre… Il y a très longtemps, en 1066, Guillaume, qui était duc de Normandie, a levé une armée pour conquérir l’Angleterre.

Ce « Guillaume le Conquérant » est devenu roi d’Angleterre. C’est ainsi que pendant les deux siècles suivants, l’Angleterre a été colonisée par une aristocratie qui fonctionnait en français, dans les domaines comme le gouvernement, l’administration fiscale, la justice, le commerce, etc.

Le peuple continuait de vivre en anglais, mais le français était la langue officielle pour les décisions importantes.

C’est donc tout un vocabulaire français (dans le dialecte franco-normand) qui est alors devenu couramment utilisé par la population anglaise. 

On peut compter des centaines de mots comme : majesty, monarchy, parliament, people (peuple), treaty, budget, defence, colonel, cathedral, paradise, arrest, advocate, justice, magistrate, fashion (façon de s’habiller)…

Outil de culture, de travail et de développement

Après la période « coloniale » de la conquête normande, de 1260 jusqu’en 1400, le français a continué en Angleterre d’accompagner la langue anglaise comme outil de culture, de travail et de développement. C’était une langue de prestige qu’il était utile de maîtriser si on voulait grimper dans l’échelle sociale.

De nombreux mots qui finissent en «-tion», parmi les centaines qui existent en français, ont tracé leur route dans la langue anglaise : consideration, estimation, information, participation, etc. 

Cerquiglini affirme que de grands auteurs anglais d’autrefois, comme Chaucer et Shakespeare, ont utilisé abondamment ce vocabulaire français dans leurs écrits.

Les verbes «to seach», «to remember» et «to discover» proviennent respectivement de chercher, remémorer et découvrir.

Les noms «stuff», «scallop», «cherry» ou ««forest» sont basés sur étoffe, escalope, cerise et forêt.

Les adjectifs «honest», «strange» et «calm» ont été enfantés par les mots honnête, étrange et calme.

Par la suite, au Moyen Âge, les relations entre la France et l’Angleterre ont été plus tendues et belliqueuses, mais les mots d’origine française sont restés bien vivants dans le vocabulaire britannique.

Au fil des siècles, la prononciation, la graphie et la signification de certains mots peuvent avoir changé par rapport au français, mais l’origine est bien française, avec une contribution appréciable du latin, langue mère.

Qui aurait pensé que «nurse» vient de nourrice, que «rave» vient de rêver, que «scout» vient de écouter ou que «management» est un dérivé du verbe ménager ?

Selon l’auteur, si l’anglais est une langue tellement riche et moderne de nos jours, c’est en grande partie grâce au français! Le français est profondément inscrit dans la génétique de la langue anglaise! Ça fait un petit velours juste d’y penser…

« La langue anglaise n’existe pas », C’est du français mal prononcé, par Bernard Cerquiglini, Folio Essais, 2024, 196 pages.

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