Fatiguée de s’indigner
Lettre ouverte de Caroline Jacques, artisteLire et entendre les nouvelles devient de plus en plus décourageant. J’en viens à me dire que mon gouvernement est corrompu. Le mot peut sembler fort, mais non, lorsque je mon gouvernement fait un usage abusif de fonds publics. Je suis fatiguée de m’indigner.
Lorsque je vois mon gouvernement récompenser ses collègues, ses élus, se voter des augmentations de salaire à qui mieux mieux, même nos gouvernements de proximité se vote des augmentations de salaire, 60 000$ pour une job qui n’implique pas une présence à temps plein.
Faire venir une équipe de hockey à coup de million, jouer à la roulette avec des centaines de millions pour faire venir une compagnie de l’étranger, etc.
Je cesserai là mon énumération, car je grince des dents et je n’ai pas les moyens de me payer une réparation. Non, car je suis une artiste…une artiste travailleuse autonome.
Une de celle qui milite depuis près de 30 ans pour que la loi sur le Statut de l’artiste soit révisée. Je travaille entre 40 et 80 heures par semaine et pourtant je fais moins que le salaire minimum.
Je n’ai aucun filet social, la vie est difficile quand on ne peut pas payer ses taxes, quand on a peur de se faire couper l’électricité, le téléphone.
Je souffre de douleurs chroniques de plus de 10 ans et tous les médecins spécialistes et même l’interniste de ma région ne trouve pas l’origine de ce mal qui me ronge.
Plus ça va, je pense que c’est l’indignation qui me ronge.
Je pleure trop souvent, je souris trop peu devant une bonne nouvelle et je ne me rappelle plus à quand remonte mon dernier fou rire. Je travaille en tant qu’artiste dans le communautaire, avec les enfants dans les écoles.
Je monte des projets que je dépose en octobre et je dois attendre jusqu’à la fin décembre pour savoir si le projet sur lequel j’ai travaillé bénévolement pendant des semaines sera accepté.
Ma première paye arrivera autour de février. Je grince encore des dents…ma mâchoire se serre pendant que j’écris ces lignes.
Je fais LA culture
Bref, je suis comme des milliers d’artistes au Québec, j’œuvre pour LA culture, NOTRE BELLE SI BELLE culture.
JE FAIS LA CULTURE, avec des centaines de collègues « freelances », laissez à eux-mêmes, sans revenus minimums garantis, sans filet social.
Et, je n’en veux pas de salaire, non, car jour après jour, je choisis mon métier. J’œuvre dans le beau, j’œuvre pour le mieux-être et jamais au grand jamais je ne troquerais mon métier pour devenir autre chose.
Mais sacrament ! En tant que société, ne pourrions-nous pas nous offrir collectivement un meilleur équilibre des chances, un meilleur équilibre des revenus ?
Monsieur Legault, je vous ai apprécié comme le bon papa de la société pendant la COVID-19. Il me semblait que le bien être de vos ouailles vous préoccupait, mais quelle déception aujourd’hui de vous voir dilapider notre pécule collectif pour vos « amis ».
L’augmentation de salaire de vos sous ministres, monsieur Legault, c’est plus que ce que je ferai dans toute une année et j’ai trois grands enfants aux études.
Je n’ai même pas assez d’argent pour mettre du gaz dans mon char pour aller les voir à Québec et à Montréal, monsieur Legault.
Sur ce, bonne journée, je vais rouler sur les vapeurs de gaz pour aller donner un atelier d’Art et Santé mentale à Rimouski.
Lettre ouverte de Caroline Jacques, artiste