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Économie

Le robot « Homer » au service de Rabot D. Bois

80 % de ses 400 pièces de bois différentes reçoivent ses bons soins
Homer, le robot sableur de l’entreprise Rabot D. Bois, à Sainte-Luce. (Photo courtoisie Jean-Louis Bordeleau- Le Devoir)

À ce robot de 68 000 $ pièce, on a donné un nom : Homer. En hommage au père de la famille Simpson en raison de « la rondeur » de sa tête et « parce qu’il est cave », dit en plaisantant son propriétaire, Mathieu Jean. Le propriétaire de Rabot D. Bois, à Sainte-Luce, ne savait pas trop quoi faire avec ce nouveau compagnon quand on lui a proposé de l’acheter, il y a deux ans.

Par Jean-Louis Bordeleau, Initiative de journalisme local- Le Devoir

Dans son atelier, comme ailleurs au Québec, les robots ont trouvé une place incontournable à côté des artisans.

Aujourd’hui, il ne pourrait plus s’en passer. Environ 80 % de ses 400 pièces de bois différentes reçoivent les bons soins d’Homer. « Ce qui me tracasse maintenant, c’est de ne pas l’utiliser assez », confie le patron.

À environ 25 $ l’heure pour un robot, contre 65 $ pour un humain, les avantages sont aussi faciles à calculer.

« Il s’occupe des jobs plates. On peut se concentrer sur ce qui est plus intéressant. Les gens qualifiés, on ne peut pas les remplacer. »

Les stagiaires défilaient auparavant à la table de sablage. C’était soit une blessure au tunnel carpien de la main, soit l’ennui qui chassait le dernier venu de la fabrique.

« On veut que nos employés restent, mais dans des jobs de même, 40 heures par semaine à sabler, ça ne restait pas. »

Pause de 10 minutes toutes les six heures

Le geste le plus machinal qui soit est maintenant confié à Homer. Lui ne se blesse jamais. Il doit faire une petite pause de 10 minutes toutes les six heures pour une raison qui demeure inconnue à Mathieu Jean.

Cette petite pause est bien méritée, surtout quand on la compare aux pauses qu’on offrait à ces employés pour éviter la fatigue et le risque de se couper un doigt.

« À l’unité, c’est plus long avec le robot. Mais, à la journée, c’est plus vite », résume-t-il.

Tout ce « high-tech » vient avec sa part de « low-tech ». Le bras d’Homer n’a pas tout en main pour accomplir toutes les tâches qu’on souhaiterait lui faire faire.

Son patron a donc dû « patenter » une sableuse pour les plus gros objets. L’humain dans la place doit aussi s’assurer que tout est en place parce que le bras robotique ne réfléchit pas et, au moindre accroc, il échoue lamentablement et devient parfaitement inutile.

Le propriétaire et directeur général de l’entreprise Rabot D. Bois, Mathieu Jean. (Photo Facebook)

« Ça prend de 1 à 4 heures de programmation [pour un nouveau geste], souligne Mathieu Jean. Mais contre 6 heures pour former un humain ? »

L’arrivée des robots en atelier dénature-t-elle le travail des artisans ? Pas du tout, selon lui.

« Le côté artisanal est quand même là. On est dans le volume, mais on n’est pas dans un volume assez important pour dire qu’on n’est plus artisanal. »

Une flexion pour 6 000 $

Au moins sept de ces petits robots ont été achetés par des PME du Bas-Saint-Laurent au cours des quatre dernières années. Un huitième est déjà en route, selon la directrice d’Innov & Export PME, Caroline Dodier.

« Ça peut aller n’importe où. On n’a pas de créneau particulier. On est en train de promouvoir les robots soudeurs, mais tout est possible. Une journée, il peut faire une tâche et une autre tâche le lendemain. »

Des entreprises plus moyennes que petites les ont aussi adoptés et, encore là, on ne pourrait plus s’en passer.

« Au début, on ne savait pas si on allait l’utiliser. Mais, jusqu’à maintenant, il n’a jamais arrêté de fonctionner », affirme Anthony Poitras, à la tête de Total Fabrication, un gros fabricant de nettoyants du Québec situé à Saint-Alexandre-de-Kamouraska.

Chez lui, le bras s’appelle Roberto. Il pose inlassablement des étiquettes sur les bouteilles de liquides nettoyants. Environ 15 % de la production passe par là.

Roberto, le petit robot de l’entreprise Total Fabrication, en action sous la supervision d’un employé de l’entreprise. (Photo courtoisie Jean-Louis Bordeleau- Le Devoir)

« C’est important pour nous, parce qu’on n’a pas juste de gros lots. On peut rapidement lui demander de faire de plus petites commandes. On peut donc prendre à la fois les petits et les gros contrats. Ça donne beaucoup de flexibilité. Il faut être capable de jongler, et c’est ce qu’on peut faire avec un robot. »

Une personne travaille avec Roberto, d’où le nom de cette technologie de petit robot : les « cobots » pour « robot collaboratif ». L’humain « nourrit le robot », explique Anthony Poitras. Pas besoin de cage pour protéger le bras robotique comme dans les grandes usines, car, en cas de contact, Roberto s’immobilise instantanément.

Bientôt les robots humanoïdes

Ces robots se vendent aujourd’hui à très bas prix. Certains bras automatiques coûtent seulement 6000 dollars américains.

« On est encore à l’âge de pierre », reconnaît Carl Fugère, directeur général du Regroupement des entreprises en automatisation industrielle. « Quand on va voir les robots humanoïdes rentrer dans les usines, avec une intelligence artificielle, là, ça va changer la donne. »

Ce futur n’est peut-être pas si loin. L’entreprise Tesla a présenté cet automne un premier robot du genre, « Optimus », dont la facture oscillerait entre 27 500 et 41 500 $ canadiens.

Carl Fugère doute que ce prix d’appel soit véritable, mais, même si la facture était le double ou le triple, l’achat serait rentable, estime-t-il.

« Ça peut remplacer six employés peut-être. Et ça dure 20 ou 25 ans si c’est bien entretenu. Après 1, 2 ou 3 années, c’est payé. »

Intégrer un robot dans sa petite entreprise demande une vision, ajoute le spécialiste de la question.

« On a toujours fabriqué en fonction des technologies qu’on avait pour les fabriquer. Dès que tu rentres la robotique, tu peux changer la façon de concevoir des produits. Tu les fabriques plus de la même façon. Ça ne change pas juste la cadence. Ça change la façon de fabriquer. »

Le nombre de robots en entreprise a doublé en sept ans dans le monde, selon la Fédération internationale de robotique.

Le Canada figure au 15e rang mondial des pays robotisés, bien que le Québec soit derrière d’autres provinces, comme l’Ontario.

« Oui, il y a une accélération de la robotisation [au Québec], mais on est en retard », conclut Carl Fugère.

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