Bandes dessinées éloquentes
Trois oeuvres présentées par notre chroniqueur Mario Bélanger
Grâce à la formule des bandes dessinées, certains auteurs réussissent avec éloquence et générosité à raconter une histoire solide, instructive, en l’illustrant dans des centaines de petites cases.
En voici trois. Elles ne sont pas récentes, mais elles restent toujours captivantes et ne manquent pas de bagout.
Paul à Québec

Cette bande dessinée est devenue un film qui a connu du succès. Mais il faut lire l’album original pour bien savourer en détails l’intelligence et la richesse de ce livre.
On se sent complice de cette petite famille composée de Paul, de Lucie et de leur jeune fille, Rose. S’ajoutent aux personnages au fur et à mesure de l’histoire : les grands-parents, les oncles et les tantes, les cousins et les cousines, les collègues de travail, etc.
Plusieurs thèmes sont abordés : les rencontres de la parenté, l’amitié, les voyages à Québec et à Montréal, les jeux de société, l’achat d’une maison, l’accueil d’un petit chien, les problèmes d’ordinateur, l’autocueillette des petits fruits, l’usage de la marijuana, les plaisirs de la piscine et du barbecue dans une cour arrière, les tiraillements…
Ce sont simplement des scènes de la vie quotidienne que l’auteur raconte, mais on y retrouve un peu beaucoup de nous autres là-dedans, avec de beaux clins d’œil d’humour et d’humanité.
Les dernières pages sont plus tristes : elles évoquent le décès du grand-père. Ça fait aussi partie de la vie.
Paul à Québec, par Michel Rabagliati, La Pastèque, 2009, 192 pages
Louis Riel, l’insurgé

Louis Riel est ce patriote franco-manitobain qui a été à la tête d’une rébellion des Métis de l’Ouest canadien. En 1885, à 41 ans, il a été pendu par les autorités du gouvernement canadien, alors sous la direction de l’anglophone John A. McDonald, premier ministre.
Par des pressions politiques, le procès de Riel a connu des vices de procédure importants et cette cause a contribué gravement aux mésententes entre les anglophones et les francophones.
Une telle histoire, formulée par un anglophone, aurait pu être orientée en faveur de l’autorité politique canadienne-anglaise.
Non. Chester Brown, natif de Montréal, s’est préoccupé de raconter objectivement cette histoire en se basant sur une documentation sérieuse.
Par son éducation et son entregent, Riel avait réussi à solidifier les liens qui existaient entre les Premières Nations et les francophones de l’Ouest. La nation des Métis était d’ailleurs une preuve de cette cohabitation pacifique.
Stimulé par des contribuables anglophones qui souhaitaient s’accaparer davantage des terrains fertiles dans l’Ouest, McDonald n’a pas hésité à utiliser les pires mensonges pour obtenir, littéralement, la tête de Riel. Malgré les protestations venant du Québec, en particulier…
Sous la pression des menaces de l’époque, il est vrai que Riel a connu des problèmes de santé mentale dans les dernières années de sa vie.
Brown nous fait vivre avec émotions le déroulement de cette saga : les forces en présence, les négociations, les escarmouches, l’exil aux États-Unis, le procès.
Pour être le plus fidèle possible aux faits, l’auteur a même ajouté à la fin du livre une vingtaine de pages de notes expliquant des détails bien réels qui n’ont pas pu être ajoutés dans la bande dessinée, afin d’éviter la surcharge dans la narration.
Louis Riel, l’insurgé, par Chester Brown, Casterman, 2004, 280 pages
Comment je ne suis pas devenu moine

L’auteur, Jean-Sébastien Bérubé, est un artiste rimouskois. Lorsqu’il avait 20 ans, au tournant de l’année 2000, il avait une attirance très forte pour la spiritualité bouddhiste.
Il raconte dans ce livre son périple dans les sites mystiques du Népal et du Tibet. Il nous embarque dans ses aventures avec sincérité et un bon sens de l’observation.
En fait, Bouddha n’est pas un dieu, nous apprend-t-il. C’était un prince malheureux qui, il y a plusieurs centaines d’années, était « parti vivre avec les pauvres pour trouver le sens de la souffrance et pouvoir la transcender ». En méditant, il a développé un « chemin qui mène à l’éveil ».
Son approche révolutionnaire, plus philosophique que religieuse, a attiré beaucoup de fidèles à travers les siècles.
Bérubé fait preuve d’un talent certain. Les détails souvent anecdotiques de son récit révèlent beaucoup sur le style de vie de ces populations asiatiques, autant les belles accointances qui surgissent que les travers mesquins de certains individus.
L’auteur expose les déceptions auxquelles son idéal social et spirituel a été confronté. Comme dans toute religion, les bouddhistes ont leurs profiteurs…
Les images témoignent admirablement du voyage initiatique de l’auteur. C’est un peu comme si on faisait l’expédition avec lui, au jour le jour.
Comment je ne suis pas devenu moine, par Jean-Sébastien Bérubé, Éditions Futuropolis, 2017, 240 pages.
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