Audrey-Ann Bélanger veut tenir tête au système
« Laissez-nous tranquilles et coupez plus haut »
Audrey-Ann Bélanger, une jeune femme de Rimouski atteinte de l’ataxie de Friedreich, une maladie neurodégénérative, a un message clair aux gestionnaires du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent pour ceux qui coupent dans les soins de première ligne : « Laissez-nous tranquilles et coupez plus haut. »
C’est d’ailleurs ce qu’exprime sa lettre ouverte publiée dans nos pages, la semaine dernière, adressée à de nombreux destinataires tels que le ministre de la Santé, Christian Dubé et la ministre responsable des Aînés et ministre déléguée à la Santé, Sonia Bélanger.
Dans sa lettre, Audrey-Ann mentionne que pour le renouvellement de son plan de service, prévu le mois prochain, son état de santé devra être réévalué lors de l’évaluation de maintien à domicile.
« Ils voient alors si ton état a changé : s’il s’est amélioré ou s’il a empiré. De mon côté, ma santé se dégrade et je demande seulement à conserver mon nombre d’heures. Je ne veux pas en gagner, mais je ne veux surtout pas en perdre. »
Qui prend la décision finale de diminuer ou non ses heures?
« Des gestionnaires, des directeurs, l’administration. Ces gens n’ont aucune idée de la réalité des personnes handicapées en perte d’autonomie. Ils ne savent même pas ce que les mots ataxie de Friedreich signifient », déplore Audrey-Ann.
Le directeur général de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec (COPHAN), Paul Lupien, abonde dans le même sens.
« Pour les soins à domicile, vous avez, par exemple, l’ergothérapeute ou la travailleuse sociale qui va faire l’évaluation de la personne et qui va ensuite cocher le nombre d’heures auxquelles la personne a droit. Admettons qu’elle dit : la personne a droit à 40 h. Cela passe ensuite par le comité du CLSC, qui, lui, va dire non. On lui en accorde seulement 20. C’est donc ce comité, qui décide – sans même avoir vu la personne – combien d’heures elle pourra avoir. »
Monsieur Lupin est, lui aussi, tout aussi indigné de ce qui se trame.
« En ce moment, avec les coupures, ils révisent les dossiers de tout le monde. Même s’il y a des personnes qui voient leur état se dégrader et qui auraient besoin de plus d’heures, on leur réduit à la place. C’est complètement ridicule. »
« Chacun pour soi »
Étant donné la façon dont fonctionne le système, Audrey-Ann souhaite garder sous silence le nombre d’heures auxquelles elle a droit chaque semaine, notamment pour ne pas créer de précédent.
« Je ne voudrais pas qu’une personne qui se trouve dans une situation semblable à la mienne se base là-dessus. Quand on parle d’heures de services, c’est un peu chacun pour soi. »

Depuis la parution de sa lettre, le CISSS du Bas-Saint-Laurent a annoncé l’abolition de 142 postes « principalement » administratifs.
Comme il a été rapporté que ces postes étaient pour la plupart vacants, Audrey-Ann se demande s’il ne s’agit pas plutôt d’un faux-semblant de solution.
Tranquillité
Elle réitère sa suggestion de couper en haut et non dans les services de première ligne, ce qui permettrait un peu de tranquillité aux personnes qui sont dans sa situation.
« Les salaires d’en haut et le nombre de gestionnaires : coupez là-dedans, mais laissez-nous tranquilles. On a assez de nous-même à nous occuper et ce n’est déjà pas évident, alors laissez-nous tranquilles et couper plutôt en haut. »