Deux immigrantes racontent leur jeunesse
Les oeuvres de Caroline Dawson et Mariana Mazza analysées par Mario Bélanger
Beaucoup de jeunes enfants sont arrivés au Québec à la suite d’une décision de leurs parents immigrants de poursuivre leur vie ici. Pour des enfants, le choc de la transplantation peut être assez étourdissant aux points de vue culturel, linguistique, scolaire et même climatique.
Au moins deux auteures, Caroline Dawson et Mariana Mazza, ont pris le temps de nous raconter comment leur adaptation à notre société s’est déroulée.
De tels témoignages aident à mieux nous comprendre.
« Là où je me terre »
Dans ce livre, Caroline Dawson raconte son expérience de vie comme immigrante à Montréal, à partir de 1986.
En compagnie de sa famille, menacée par la dictature de Pinochet, elle avait été brusquement déracinée de son Chili natal, à l’âge de sept ans.
Transplantée au Québec, la famille a mené une vie qui n’avait rien d’un paradis. Le père et la mère de l’auteure avaient de bonnes positions sociales au Chili, mais comme beaucoup de nouveaux arrivants, ils ont dû repartir à zéro : apprendre la langue, affronter l’hiver, se loger, trouver de l’emploi, s’adapter à l’école… Survivre!
Caroline Dawson raconte avec beaucoup clairvoyance et sans ménagement le cheminement de sa famille dans notre labyrinthe social et culturel.
Le mépris que sa mère a vécu comme femme de ménage chez des familles riches est assez révoltant. Tout comme l’absence d’attention d’une enseignante devant un poème que l’enfant lui aurait soumis pour évaluation.
Voilà un bon livre pour mieux comprendre les difficultés et les frictions auxquelles des immigrants peuvent être confrontés en arrivant chez nous. En plus, le style ne manque pas de qualités littéraires.
Caroline Dawson était professeure de sociologie au Cégep Édouard-Montpetit, à Longueuil. Elle est décédée d’un cancer l’an dernier.
Son livre a reçu de nombreux hommages, dont le Prix littéraire des collégiens et le Prix de l’Association internationale des Études québécoises.

Là où je me terre, par Caroline Dawson, Les Éditions du remue-ménage, 2021, 208 pages.
« Montréal-Nord »
Je n’aime pas vraiment Mariana Mazza… Elle a une grande gueule parfois vulgaire, mais sa franchise détonne.
C’est une boule d’énergie et d’émotions qui a tendance à déborder sur le terrain des autres. Et la télévision raffole de ces personnalités ricaneuses, fonceuses, extravagantes.
Son livre raconte son enfance dans Montréal-Nord. Elle a grandi dans un quartier de classe moyenne, dans un environnement assez multiculturel et bruyant.
Son livre représente une lecture qui semble assez banale.
On apprend que, encore toute jeune, elle n’aimait pas porter une robe rose. Qu’elle a déjà poussé un chariot dans une étagère remplie de pots à l’épicerie.
Qu’elle avait des manies de pleurer facilement ou de se ronger les ongles. Qu’elle détestait ses poils sur les jambes ou ses envies régulières de faire pipi. Bref, plusieurs anecdotes anodines de sa jeunesse.
Elle nous parle des gens qui l’ont entourée, principalement en milieu scolaire. On en apprend un peu sur son père, très absent et porté sur la boisson. Sur son grand frère, qu’elle apprécie.
Et elle garde le plus émouvant pour sa mère, sévère, mais énergique, généreuse, indispensable. Une travailleuse infatigable, toujours accueillante pour le voisinage. Mariana livre un bel hommage à sa mère.
Mariana a vécu son enfance dans un va-et-vient d’immigrants qui ont à se promener jusqu’au Liban et au Venezuela pour voir la famille, dans des contextes qui ne sont pas toujours agréables.
Elle a réussi à s’adapter à la société québécoise, à ses contraintes économiques, à la langue française, aux émissions de télévision.
Le livre donne une idée de la vie d’une petite famille ordinaire qui apprend à se débrouiller avec peu de moyens dans l’environnement urbain montréalais.

« Montréal-Nord », par Mariana Mazza, Québec-Amérique, 2022, 208 pages.
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