Rimouski : une image fragilisée ?
Scandales et faillites chez Novarium, la SOPER et la Chambre de commerce et de l'industrie Rimouski-Neigette
Les récentes faillites de la Société de promotion économique de Rimouski (SOPER) et de Novarium, combinées à la fraude dont aurait été victime la Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette (CCIRN) qui la laisse avec des coffres à vide, mettent-elles à mal la réputation de Rimouski ? Les avis sont partagés.
« C’est clair que les faillites n’ont pas aidé [la réputation de Rimouski] et l’histoire de la Chambre de commerce, même si ça n’a pas de lien avec la Ville, est quelque chose qui s’est ajouté, reconnaît le maire de Rimouski, Guy Caron. Les raisons ont largement été expliquées au public. Mais, de quelle manière a-t-on réagi ? On a utilisé toutes les ressources qu’on avait pour redémarrer un service d’accompagnement pour les entrepreneurs de Rimouski en l’espace de quatre à cinq mois. On ne s’est pas morfondu sur ce qui s’est passé. »
Le coprésident de la Chambre de commerce admet que la Ville a limité les dégâts en créant un service de développement économique et touristique. Si l’image de la Ville s’en trouve quand même ternie, les banqueroutes de la SOPER et de Novarium, tout autant que la guigne qui s’est acharnée sur son organisme, n’ont pas fait mal à l’économie de Rimouski, estime Simon St-Pierre.
Mauvaise gestion
« La faillite de la SOPER est due à une mauvaise gestion. Le capital de risque était très élevé dans le coût de Novarium. S’il n’y avait pas eu Novarium, la SOPER n’aurait pas été en faillite. C’est Novarium qui a détruit la SOPER. »
Guy Caron corrobore. « Les faillites de la SOPER et de Novarium n’ont rien à voir avec le côté économique. Ça a beaucoup à voir avec un problème de trésorerie et de liquidité qui a été créé par de trop grands engagements en vue d’obtenir la zone d’innovation. »
Le maire Caron avoue tout de même qu’il se serait bien passé de cette crise « pour que l’image de Rimouski soit sauvée ». L’important, selon lui, était de « réagir de manière productive à une situation malheureuse du passé ». Pour lui, il devenait impératif de poursuivre la mission de la SOPER, voire de la rendre meilleure.

De son côté, la conseillère stratégique à la direction générale de la Ville ne croit pas que la réputation de Rimouski s’en trouve entachée.
« Il n’y a pas de partenaires gouvernementaux qui disent ne pas vouloir travailler avec Rimouski, se défend Marina Soubirou, qui a pour mandat de superviser le nouveau service de développement économique et touristique. La Ville de Rimouski a déposé des projets de financement auprès de différents ministères et plusieurs ont été acceptés depuis le début de l’année. »
Situation déplaisante
Aussi, aucun partenaire à l’étranger n’a mis Rimouski sur le banc de touche, selon celle qui a été la dernière présidente-directrice générale de la SOPER. « Ce sont des enjeux qui sont malheureux. Mais, ça ne change pas la qualité des joueurs à Rimouski. »
Si elle ne va pas jusqu’à dire que la situation est gênante, elle admet tout de même qu’elle n’est pas plaisante. « Ça a utilisé les énergies de beaucoup de monde. Quand on pense à la faillite de Novarium et de ses créanciers, ce n’est pas amusant ! Mais, tout le monde a poussé dans le même sens pour soutenir le développement de notre territoire. »

« On peut pleurer sur le passé ou on peut tenter de prendre l’expérience qu’on a vécue, même si elle était malheureuse, pour la transformer en solution pour faire face aux défis du futur, soutient le maire. C’est ce qu’on a fait en examinant ce qui se faisait de mieux dans les meilleures villes. On est arrivé à un modèle hybride avec la MRC [de Rimouski-Neigette] et la Ville. »
À son avis, la faillite de la SOPER a permis à son administration municipale de transformer une crise en opportunités.
« Ce n’est pas le Klondike! »
Comment se porte l’économie de Rimouski? « Ce n’est pas le Klondike, répond le coprésident de la Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette (CCIRN), Simon St-Pierre. Mais, ce n’est pas si pire que ça. » La Ville de Rimouski a cependant une lecture différente.
Selon celui qui est également entrepreneur, l’économie de Rimouski est dans une période transitoire. « Ça ne va pas mal, mais ça ne va pas bien non plus. L’achalandage a énormément diminué, que ce soit dans la restauration ou le commerce au détail. Il faut donc s’adapter, embaucher moins de personnes et couper des heures. Ça devient un cercle vicieux! »

De l’avis de Simon St-Pierre, les causes sont multiples.
« On ne voit pas tout de suite les augmentations du coût de la vie, comme l’essence ou la bouffe. Mais, après six mois ou un an, c’est dur. Comme on a beaucoup de choses à payer, on coupe dans les sorties, dans l’achat de vêtements et dans beaucoup d’autres choses. Les plateformes d’achat en ligne ont aussi beaucoup fait mal à plusieurs commerces. On a aussi eu un gros hiver. Donc, les gens ont moins bougé. »
Le maire de Rimouski n’a pas la même vision. Pour Guy Caron, l’économie de sa ville se porte bien, même s’il est conscient qu’il y a beaucoup de travail à faire pour que la situation demeure.
« Je peux mesurer l’économie de Rimouski par son attractivité, son faible taux d’inoccupation et par l’intérêt que les gens ont à venir demeurer à Rimouski et à y travailler, énumère-t-il. Donc, les opportunités sont là. Le développement va bien. Mais, il reste des éléments sur lesquels on doit travailler dans les prochaines années avec le service de développement économique et touristique à travers différentes initiatives. En gros, la situation est enviable par rapport à l’ensemble du Québec. »
La conseillère stratégique à la direction générale de la Ville de Rimouski pense la même chose.
Démographie particulière
« On a une économie qui se porte bien et qui est l’image de notre territoire, qui a une démographie particulière pour notre région, dans le sens où la population est croissante et vieillissante, analyse Marina Soubirou. Mais, la population est fortement active à Rimouski. »
De plus, Rimouski a des fleurons importants et de grosses PME, que ce soit dans l’aciérie ou dans le domaine du recyclage, souligne-t-elle.
« Rimouski est une ville qui devient une ville. On a une culture urbaine qui se développe. Les offres recherchées par ses habitants ne sont plus les mêmes qu’il y a 10 ou 20 ans. Il se crée aussi de jeunes pousses dans les technologies reliées à l’environnement, que ce soit dans le secteur maritime ou du génie-conseil. Ce n’est pas étonnant, surtout qu’on a des installations de recherche. »
Selon Mme Soubirou, il ne faut pas non plus oublier que Rimouski est traditionnellement axée sur les services. L’experte observe également une économie qui est de plus en plus capable de s’approvisionner par elle-même. À ce chapitre, elle souligne les développements en agriculture, dans une optique de souveraineté alimentaire.
« Je pense à la Laiterie des Coteaux et à des fermes qui développent des paniers de légumes tout au long de l’année », fournit-elle comme exemples.
« La régression des deux parties du centre-ville fait peur »
La revitalisation du centre-ville fait partie de la planification de développement de la Ville de Rimouski. Pourtant, rien ne bouge, déplore la Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette.
« La régression des deux parties du centre-ville fait peur, va jusqu’à dire le coprésident de l’organisme, Simon St-Pierre. Le développement du centre-ville recule constamment. J’ai entendu dire que des locaux commerciaux vont être transformés en logements parce qu’on n’est pas capable de les louer. Il n’y a pas l’ombre d’un nouveau commerce qui ouvre. C’est troublant pour Rimouski! »
Selon M. St-Pierre, le centre-ville de Rimouski n’est vraiment pas chic.

L’ancien centre commercial démoli, dont une entrée donne sur la rue St-Germain, a toujours son enseigne de La Grande Place. Les visiteurs s’imaginent donc entrer dans un bâtiment qui regorge de commerces. À l’intérieur, ils ne voient, outre la pharmacie Brunet, que des locaux vacants, dont certains font office d’entrepôt.
Zone de guerre
« Si on se stationne derrière, ça a l’air d’une zone de guerre », continue le porte-parole de la Chambre, qui est propriétaire d’un commerce au centre-ville, faisant ainsi référence au trou béant laissé par la démolition de La Grande Place. Des voitures sont stationnées çà et là à travers des talus de terre et de détritus.
Costco : entre l’angoisse et l’opportunisme
L’ouverture prochaine du magasin-entrepôt Costco sera-t-elle bénéfique pour l’économie de Rimouski ou, à l’inverse, le géant américain du commerce de détail écrasera-t-il des commerces locaux ?
L’arrivée de ce nouveau joueur inquiète autant qu’elle fait rêver.

« Ça va faire mal à quelques commerces au début », appréhende le coprésident de la Chambre de commerce et de l’industrie Rimouski-Neigette, qui a créé un comité Costco. « On a un super beau bord de mer, un beau centre-ville, souligne Simon St-Pierre. Le comité a donné des directives à la Ville de Rimouski pour faire descendre les gens dans le centre-ville, pour qu’ils viennent profiter de la vie urbaine de Rimouski. Sinon, le centre-ville va mourir ! »
Quoi qu’il en soit, le propriétaire d’un restaurant au centre-ville ne se met pas la tête dans le sable. « Quelques commerces vont perdre des ventes. Les grosses épiceries et le Walmart vont être touchés. »
Le maire de Rimouski est tout aussi réaliste. « Ça pourrait être un choc pour l’économie parce que c’est un gros joueur qui arrive, corrobore Guy Caron. Il va y avoir des impacts et une adaptation à faire. Ce sera une bonne et une mauvaise chose, tout dépendant à qui on parle et sous quel angle on le voit. »
Fuites commerciales
Selon M. Caron, plusieurs Rimouskois, Bas-Laurentiens et résidents de l’Est-du-Québec magasinaient déjà chez Costco à Lévis ou à Québec. « Ce sont des fuites commerciales importantes qui représentent 300 M$ par année. Donc, ces gens n’auront plus besoin d’aller à Lévis ou à Québec. »
L’élu reconnaît que l’arrivée du Costco sur son territoire représente un défi tant pour la Ville, pour son service de développement économique et touristique que pour les marchands. « Il va falloir que cette clientèle de l’extérieur voit autre chose que le Costco à Rimouski, qu’elle puisse profiter de l’ensemble de l’offre commerciale. »
Simon St-Pierre est du même avis. « Il faut qu’ils profitent du centre-ville, qu’ils voient nos commerces locaux. Il faut trouver une façon de promouvoir le centre-ville. La Chambre de commerce est prête.»