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Jusqu’où ira la culture de l’annulation ?

Opinion de Guillaume Sirois
Michel Germain, ici lors de la soirée hommage à Sidney Crosby, en septembre 2019. (Photo courtoisie Océanic-archives)

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » — Voltaire

Par Guillaume Sirois

Notre société semble avoir perdu l’art du compromis et de la nuance. Que ce soit sur le plan politique, où les extrêmes dominent de plus en plus le débat public, dans les enjeux sociaux ou même dans le sport, l’indignation outrancière accompagnée d’un désir d’effacer toute personne ne partageant pas notre point de vue est devenue, malheureusement, la nouvelle norme.

Le tout, dans l’espoir d’imposer une vision aseptisée du monde contemporain.

Le plus récent exemple nous vient de la controverse entourant les propos tenus par Michel Germain, descripteur des matchs de l’Océanic, lors du septième et ultime match de la série demi-finale de la LHJMQ contre les Cataractes de Shawinigan, le 6 mai dernier, au Colisée Financière Sun Life.

Dans un moment d’émotion et d’exaltation, Germain a maladroitement souligné que le parcours des trois joueurs de 20 ans des Cataractes se terminait avec le but victorieux de l’Océanic. L’organisation des Cataractes, outrée, a ni plus ni moins exigé qu’il soit privé de son micro pour cette erreur.

C’est précisément dans ce genre de situation que la nuance et le contexte deviennent essentiels. Michel Germain jouit d’un grand respect au sein de sa communauté pour ses nombreuses implications sociales et sa réputation dans la LHJMQ repose sur un professionnalisme exemplaire acquis au fil de ses 30 années de carrière.

La série en question a été âprement disputée, ponctuée de gestes parfois virils et discutables. Le match s’est conclu, en semaine, en deuxième prolongation sur un but spectaculaire. Un moment chargé d’intensité, capté en direct.

Dans un contexte de préenregistrement, ce commentaire aurait-il été conservé au montage ?
Probablement pas.

Mais cela justifie-t-il que, le lendemain, une organisation réclame son renvoi ? Absolument pas.

Récolter des « j’aime »

Il faut aussi rappeler que les Cataractes savaient que Michel Germain prendrait sa retraite à la fin de la saison. Il lui restait à peine 16 matchs à décrire, Coupe Memorial comprise.

Pourtant, l’organisation a choisi de participer à ce qui est devenu une tradition contemporaine : s’indigner bruyamment et récolter des « j’aime » sur les réseaux sociaux.

Symptomatique de notre époque également : cette controverse a enflammé les passions, au point où Germain a été la cible d’invectives de la part de partisans shawiniganais. Heureusement, des éléments positifs émergent de cet épisode.

Le but marqué par Jacob Mathieu dans le 7e match de la demi-finale contre les Cataractes de Shawinigan à Rimouski. (Océanic / Folio Photo – Iften Redjah)

L’élan d’affection et de soutien des Rimouskois envers son descripteur, preuve que nous sommes encore capables de distinguer une erreur humaine d’un parcours professionnel. Ensuite, la grandeur d’âme de cet homme, qui a su reconnaître sa faute et s’excuser publiquement.

N’est-ce pas là aussi une qualité devenue trop rare de nos jours ?

Enfin, rendons aux Cataractes ce qui leur revient : ils avaient raison d’écrire que « ce genre de propos non professionnels n’a pas sa place dans notre sport ». Il est seulement regrettable qu’ils n’aient pas compris que ce sont leurs propres réactions qui, en l’occurrence, n’avaient pas leur place.

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