La fin annoncée des fermes familiales ?
Par Bruno St-Pierre
Le paysage agricole du Bas-Saint-Laurent change à vue d’œil. Les petites fermes laitières d’antan, à taille humaine, cèdent rapidement leur place à des exploitations de plus en plus imposantes. La ferme familiale traditionnelle, pilier de la ruralité québécoise, est en voie d’extinction.
Le constat est brutal : en l’an 2000, on comptait 1050 fermes laitières dans la région. Aujourd’hui, il en reste à peine 505. Une baisse de plus de 50 % en un quart de siècle. Et la tendance ne montre aucun signe de ralentissement.
Pourtant, la production, elle, explose. Les étables grossissent, les troupeaux aussi. La vache moyenne d’aujourd’hui produit deux fois plus de lait qu’il y a 20 ans, grâce aux avancées en génétique et en gestion des troupeaux. Résultat : le Bas-Saint-Laurent a livré 400 millions de litres de lait l’an dernier, l’équivalent de 400 M $ en revenus et de plus de 4 700 emplois directs. Mais derrière cette croissance se cachent des défis de taille.

La question : s’agrandir ou disparaître ? La modernisation des équipements, l’automatisation, les exigences environnementales, le bien-être animal… toutes ces pressions forcent les producteurs à investir massivement. Et qui dit investissements, dit dettes. Beaucoup de dettes. Les fermes du Québec sont aujourd’hui les plus endettées au pays.
« C’est un cercle vicieux, » explique le président du Syndicat des producteurs laitiers du Bas-Saint-Laurent, André St-Pierre. » Plus de vaches, plus de lait, plus de dettes, et il faut encore plus produire pour tenir le coup. «
Une relève qui n’arrive pas
Cette course à la croissance laisse la relève agricole en arrière. » Les fermes sont rendues tellement grosses, c’est pratiquement impossible pour les jeunes de reprendre le flambeau. À moins d’un transfert familial, les coûts sont inabordables », estime Jason Beaupré, jeune producteur à Saint-Valérien
Le prix des terres monte en flèche, tout comme la valeur des bâtiments et des équipements. Résultat : même racheter une ferme désuète devient un exploit. Et pendant ce temps, les producteurs vieillissent. Six sur dix ont aujourd’hui plus de 55 ans. Beaucoup n’ont pas de relève. Épuisés, ils ferment boutique. Une perte à la fois humaine, économique et culturelle. Le modèle de la ferme familiale n’est plus viable, tel quel.