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La réforme tant attendue…

Opinion de Carol-Ann Kack
Maïté Blanchette Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts, lors du Rendez-vous des communautés forestières organisé par Alliance Forêt Boréale. (Photo Karine BOIVIN FORCIER)

Le 23 avril, Maïté Blanchette-Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts, présentait le projet de loi 97 sur l’aménagement durable du territoire forestier. 

Quelques semaines après son dépôt, les groupes concernés par les différents usages de la forêt dénoncent non seulement les reculs importants présents dans le projet de loi de 168 articles, mais aussi un processus de consultation dans lequel ils n’ont pas été écoutés.

Le projet de loi répartirait la forêt selon trois zones. Alors que le zonage de préservation vise la protection de l’environnement, le zonage prioritaire mettra de l’avant les activités d’aménagement (il s’agit de 30 % du territoire qui sera aux mains des industries), et, finalement, le zonage multiusage permettra la cohabitation de différentes utilisations.

Cela semble un compromis intéressant. Malheureusement, beaucoup plus d’inquiétudes que d’avancées sont soulevées par cette proposition.

Front commun surprenant

Les utilisateurs de la forêt n’ont pas tous les mêmes intérêts. Ce qui est surprenant, c’est l’avis partagé par les différents groupes sur le projet de loi présenté. Pourvoiries, zecs, fédérations de chasseurs et de pêcheurs, syndicats des forestiers, groupes environnementaux ainsi que l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador le dénoncent tous. Malgré leurs intérêts distincts, il y a des consensus importants sur les reculs constatés et les inquiétudes quant à l’avenir.

(Photo courtoisie ZEC-BSL)

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le modèle actuel d’aménagement de la forêt a vu le jour selon une vision écosystémique mis de l’avant par la recherche. Ça aura pris plusieurs décennies pour adopter ce modèle qui amenait des progrès notables ; c’est-à-dire, réduire les écarts entre les forêts naturelles et les forêts dans lesquelles on effectue des coupes, dans le but de préserver la biodiversité et de maintenir la résilience des milieux.

Des voix défendent le projet

Le 18 mai dernier, le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), le Conseil du patronat du Québec (CPQ), la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et les Manufacturiers & Exportateurs du Québec lançaient une lettre ouverte pour se porter à la défense du projet de loi.

Ils y soulignaient entre autres l’aspect de la préservation de la forêt qui est mis de l’avant pour 30 % du territoire Québécois. Ils ne semblent pas entendre que ce qui dérange, c’est le manque de vision à long terme et l’absence d’harmonisation dans les utilisations de la forêt.

L’industrie forestière a actuellement des problèmes de rentabilité et souhaite plus de prévisibilité, c’est comprenable. Le milieu syndical forestier souligne toutefois que l’approvisionnement actuellement recherché pour les usines sera mis à risque par la vision du gouvernement. L’utilisation intensive à court terme des ressources menacera l’équilibre pour la suite des choses. On dirait que l’on revient à l’ère des coupes à blanc.

Notre réputation entachée ?

Selon plusieurs, le projet de loi attiserait aussi les tensions entre plusieurs partenaires forestiers. Effectivement, la loi fera disparaître les Tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire (TLGIRT), lieu de rassemblement de tous les utilisateurs de la forêt. Ce modèle de concertation a fait ses preuves et a permis des avancées importantes, notamment au Bas-St-Laurent.

Depuis plusieurs semaines, voire des mois, des représentants des Premières Nations dénoncent le processus opaque de Québec ainsi que l’absence de leur voix au chapitre. C’est actuellement la grogne au sein de plusieurs groupes autochtones, qui auraient souhaité être considérés et respectés.

Ces nouveaux paramètres d’aménagement et l’absence de respect des droits de communautés locales pourraient avoir des conséquences sur l’industrie. Cela risque effectivement de limiter l’accès à la certification FSC, une certification internationale qui est nécessaire pour l’accès aux marchés européens.

Alors que nous devons sécuriser de nouveaux marchés dans le contexte de la guerre tarifaire, il semble bien mal avisé de baisser nos standards si l’enjeu premier du gouvernement est économique.

Cette réforme tant attendue porte des objectifs bien louables, mais malheureusement, le manque de concertation du milieu et de vision à long terme nous porte à croire qu’elle ratera sa cible.

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