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Ta langue!

Panorama inédit sur l’état actuel du français au Québec
L’écrivain et poète David Goudreault (Photo courtoisie)

« Ta langue! », le plus récent livre dirigé par l’inépuisable David Goudreault (écrivain, poète, travailleur social), nous offre un panorama inédit sur l’état actuel et l’avenir de notre langue au Québec.

Les livres sur la langue française ne manquent pourtant pas dans nos bibliothèques. « C’est la langue de mon cœur et le cœur de ma vie », comme le chante si bien Michel Rivard…

C’était donc important d’avoir du matériel neuf et original à se mettre sous les yeux. D’autant plus que l’américanisation de notre culture est galopante.

Ainsi, Goudreault a choisi et invité une douzaine de personnalités provenant de domaines très variés pour que chacun rédige un texte qui expliquerait leur point de vue personnel sur la langue.

Et le résultat ne manque pas de fraîcheur ni de surprises.

D’une part, il a réussi à sélectionner quelques gros noms de notre univers culturel : le philosophe Normand Baillargeon, les animateurs Marie-France Bazzo et Stéphane Bureau, la chanteuse acadienne Édith Butler, le chercheur Frédéric Lacroix et le romancier Michel Tremblay.

S‘ajoutent à cette liste d’intervenants une immigrante africaine (Rachida Azdouz), une médecin et poétesse (Mélanie Béliveau), une écrivaine innue (Maya Cousineau Mollen), une journaliste en milieu anglophone (Mélissa François), un enseignant (Jean-François Létourneau) et un distributeur de films (Francis Ouellette).

C’est ce qui fait la richesse de cet ouvrage. On peut y lire un éventail coloré d’approches et de commentaires sur l’état de la langue au Québec.

« Citron de torpinouche »

Francis Ouellette est inquiet. Il compare la situation de la langue à une chaise berçante. «Ça ne va nulle part, pis mozusse, ça grouille pareil».

L’homme de théâtre Michel Tremblay dénonce l’usage excessif de jurons religieux dans notre parlure! Ça mérite d’être entendu, « citron de torpinouche »!

Jean-François Létourneau nous invite à retrouver notre connivence aux langues amérindiennes, comme au temps de la colonie.

Rachida Azdouz parle l’arabe marocain (la darija) comme langue maternelle. Cette langue, dit-elle, la ramène au « nous » et à ses « rituels rassurants » de la vie courante, alors que le français est la langue qui lui permet d’exprimer son « je ». Pour elle, le français évoque à la fois « la culture et l’acculturation, l’émancipation et l’aliénation ». « Transplantée au Québec », elle affirme que le français parlé ici, dans son rapport avec la langue en France, lui fait penser à son dialecte, plus instinctif et moins encadré que l’arabe classique.

Édith Butler raconte avec éloquence et émotion l’histoire de la langue en Acadie.

Normand Baillargeon explique l’importance de bien connaître le sens des mots que l’on utilise, comme «endoctrinement», «savoir», «censure» ou «liberté d’expression».

Mélanie Béliveau, qui n’a jamais voulu quitter sa sensibilité poétique en devenant médecin, nous dit comment les mots peuvent contribuer à la guérison du mal de vivre, plus qu’on pense.

Bref, une lecture rafraîchissante et franchement consistante!

« Ta langue! », dirigé par David Goudreault avec douze collaborations, Le Robert Québec, 2024, 208 pages.

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