La 20 déchire le Bas-Saint-Laurent
Le parachèvement fait du surplace
Alors que le sujet déchaîne les passions depuis plusieurs années, voilà que Québec, avec l’adoption de son dernier budget en mars, a mis le projet de parachèvement de l’autoroute 20 entre Notre-Dame-des-Neiges et Le Bic en pause pour cinq ans.
Le plus surprenant, c’est que le gouvernement Legault ne l’a pas retiré du Plan québécois des infrastructures (PQI), mais il ne lui accorde aucun fonds. Le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) évoque la conjoncture économique pour expliquer la mise en veilleuse du projet jusqu’en 2030.

« C’est pour respecter la capacité de payer des contribuables, fait valoir la porte-parole du MTMD, Julie Marcoux. Le ministère a revu ses priorités et a repoussé le projet. Le choix qui a été fait est de plus investir dans les infrastructures existantes. C’est ce qu’on appelle le maintien des actifs. »
Mais, la ministre Geneviève Guilbault continue à dire que le projet est très important. À preuve, la bonification de l’autoroute 20 figure parmi les dix projets majeurs au Québec à faire partie du PQI. « C’est parce que le PQI est fait sur dix ans, explique Mme Marcoux. Pour le premier quinquennat [de 2025 à 2030], il n’y a pas de montant prévu pour poursuivre les activités. Par contre, de 2030 à 2035, le projet est provisionné. C’est parce que c’est un projet important que le ministère l’a laissé au PQI. »
Octroi de trois contrats
Quelques mois avant de placer le projet sur la glace, le ministère avait octroyé trois contrats pour une somme totale de 29,3 M$. Il s’agit du plus gros montant jamais engagé par le gouvernement Legault depuis qu’il a réinscrit le prolongement de l’autoroute 20 au PQI.
Ces contrats se ventilent comme suit : 11,9 M$ pour les plans, les devis et le service d’accompagnement pour la construction du pont de la rivière des Trois-Pistoles ; 10 M$ pour la conception du tronçon routier de 6 km entre Notre-Dame-des-Neiges et Trois-Pistoles ; 7,4 M$ pour la réalisation de l’étude d’impact sur l’environnement et de l’avant-projet qui établira les différents scénarios possibles pour l’axe routier entre Trois-Pistoles et Rimouski.
Jusqu’ici, des honoraires de 850 000 $ ont été déboursés pour permettre aux mandataires de faire le point sur l’avancement du projet avant son retrait au PQI en 2015.
25 victimes : véritable chemin de croix

Une moyenne de 8100 véhicules circule chaque jour sur l’autoroute 20 entre Rimouski et Mont-Joli. L’été, le débit monte à 9580. Entre 2004 et 2022, ce tronçon a été le théâtre de 1203 accidents.
Véritable chemin de croix pour plusieurs conducteurs, ce segment est devenu le tombeau de 25 personnes. Les nombreuses petites croix de chemin qui jonchent la chaussée nous le rappellent inexorablement.
Ce tronçon de l’autoroute 20 a d’ailleurs été désigné parmi les 10 sites les plus dangereux au Québec. Notons qu’il n’existe aucune voie de dépassement sur plus de 20 km entre l’est de Rimouski et Mont-Joli.
Autoroute à quatre voies réclamée
Avec une pétition de plus de 10 000 signataires qu’il a déposée à l’Assemblée nationale, le député de Matane-Matapédia-La Mitis demande depuis longtemps, pour cette portion d’autoroute, un élargissement à quatre voies, séparées par un terre-plein.
Pascal Bérubé déplore que sa demande n’ait pas été retenue par Québec. « On n’a plus d’attente de la CAQ quant à ça. Ce gouvernement a démontré un désintérêt soutenu dans ce dossier-là. Les citoyens de Rimouski interpellent beaucoup la ministre régionale [Maïté Blanchette Vézina], qui semble impassible face à la situation. »
En juillet dernier, une coroner a donné raison à Pascal Bérubé en recommandant d’élargir ce tronçon à quatre voies. L’enquête de la coroner Monique Tremblay faisait suite à un accident survenu le 16 novembre 2023 sur l’autoroute 20 à la hauteur de Saint-Anaclet-de-Lessard et qui a coûté la vie à Arianne Dubé, 28 ans.
Le MTMD ne retient pas la recommandation de la coroner Tremblay. Il préfère proposer une autre solution : l’ajout de voies de dépassement.
Ouverture de Costco
Le député Bérubé estime qu’il est « téméraire, voire irresponsable » que le ministère ne tienne pas compte de la recommandation de la coroner, surtout avec la hausse du nombre de véhicules envisagée lorsque le magasin Costco ouvrira ses portes, le 5 août, à Rimouski.
La 20 : l’autoroute de la discorde
On parle du prolongement de l’autoroute 20 entre Notre-Dame-des-Neiges et Le Bic depuis des lustres. Le projet ne fait pas l’unanimité. Le sujet est polarisant. Il divise les populations concernées. Bref, le projet sème la discorde.

Sans surprise, deux groupes s’affrontent et ne partagent pas la même vision concernant le fameux tronçon inachevé. Il y a des citoyens favorables, qui sont principalement des résidents de Saint-Fabien, du Bic et de Saint-Simon-de-Rimouski.
De l’autre côté, il y a des gens qui s’y opposent. Ceux-ci vivent surtout à Trois-Pistoles et sont soutenus par certaines organisations et des individus de l’extérieur de la région. Le maire de Trois-Pistoles, Philippe Guilbert, est le seul membre de la Table régionale des élus municipaux du Bas-Saint-Laurent (TREMBSL) à s’inscrire en faux dans ce projet souhaité par l’ensemble de ses homologues.
Pour
Un premier groupe revendique le parachèvement de l’autoroute. Des affiches de différents formats, sur lesquelles il est écrit « On veut l’autoroute 20 », ont poussé un peu partout.
« Si on est pour, c’est d’abord pour la sécurité des usagers et des résidents qui habitent sur le bord de la 132, explique l’un des porte-parole du Comité de citoyens en faveur du prolongement de l’autoroute 20 entre Notre-Dame-des-Neiges et Rimouski, Raynald Lavoie. C’est rendu intenable ! »
Le résident du Bic appréhende l’ouverture du magasin-entrepôt Costco de Rimouski, prévue le 5 août. « Le transport lourd et les matières dangereuses transitent tous par la 132, observe-t-il. En période estivale, c’est infernal ! Puis, comme les Québécois n’iront pas aux États-Unis cet été, il va y avoir beaucoup de monde sur la route. Elle est rendue extrêmement dangereuse à cause des poids lourds et des excès de vitesse provoqués par les gens qui s’impatientent. »
Contre
Les opposants ne demandent qu’une chose : une route 132 améliorée grâce à l’installation de haies brise-vent, de bandes rugueuses, d’une meilleure signalisation, de poteaux réfléchissants.
« Il faut que ça bouge sur la route 132 parce que, sinon, il va continuer à y avoir des morts et on va continuer à mettre ça sur le dos de la route, alors que la cause est, en grande partie, comportementale, avance le porte-parole du groupe “Le pont de la 20, ça tient pas debout” et de la coalition “Non à la 20”, Sébastien Rioux. Ça a été démontré que la route est rarement un problème. »

Le Pistolois estime qu’il faut repenser nos modes de transport, tant de personnes que de marchandises, en utilisant davantage les transports maritime, ferroviaire et en commun. De l’avis de M. Rioux, il n’a pas été prouvé que l’autoroute 20 est plus sécuritaire. « On va juste déplacer les accidents d’un endroit à l’autre et, comme on va permettre aux gens d’aller plus rapidement, ils vont être plus mortels », croit-il.
Les membres de ces groupes sont aussi contre la construction d’un pont au-dessus de la rivière des Trois-Pistoles, principalement pour des considérations écologiques. Ce pont deviendrait le plus haut du Québec.
« Il y a un type de plante qui existe à deux endroits au Québec et l’un d’eux est le bord de la rivière des Trois-Pistoles, précise M. Rioux. C’est hyper important qu’elle soit protégée parce qu’elle est extrêmement rare. Aussi, dépendamment des tracés, c’est entre 15 et 20 érablières qui n’existeront plus si la 20 passe. » Toujours selon lui, la construction du tronçon pourrait également nuire à certaines productions agricoles et contaminer l’eau.
Actes de vandalisme
L’an dernier, des actes de vandalisme avaient été commis sur le chantier du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) à Notre-Dame-des-Neiges, en marge de travaux préparatoires à la construction du pont. Un camion du ministère, utilisé pour des opérations de forage, avait aussi subi l’assaut de vandales, qui avaient aussi dispersé du matériel dans la forêt avoisinante. Les actions n’avaient pas été revendiquées par les groupes d’opposants.