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Autoroute 20 : pour vivre, pas seulement pour rouler

Opinion de Robin Lebel
Une affiche exprimant son soutien à une route 132 améliorée et non au prolongement de l’autoroute 20 entre Rimouski et Notre-Dame-des-Neiges. (Photo courtoisie Le pont de la 20, ça ne tient pas debout)

Il y a des gens d’ici qui s’opposent farouchement au prolongement de l’autoroute 20. C’est leur droit. On les a vus récemment dans un reportage de TVA : une dame y déclarait que c’était « pour la nature, pour la vie ». Une autre, sous la pluie, marchait en poussant un nourrisson dans une poussette. Touchant, certes.

Opinion de Robel Lebel

Mais ce n’est pas fini. Une troisième manifestante a lancé, avec une désinvolture étonnante.

« J’habite le long de la 132 et moi, ça ne me dérange pas. » Tant mieux pour elle. Mais doit-on vraiment prendre une opinion personnelle comme justification pour ignorer les besoins d’une région entière?

Parce que pendant qu’on manifeste au nom de la nature ou d’un confort personnel, il y a aussi des réalités humaines bien concrètes qui passent sous le radar. Parlons de celles et ceux pour qui la 132 est bien plus qu’un décor de carte postale.

Je m’adresse à la dame pro-nature : savez-vous que l’achalandage monstre sur la 132 provoque des accidents, parfois mortels? Des gens y ont perdu la vie. Eux aussi auraient aimé pouvoir défendre leur droit de vivre.

Et à la jeune mère sous la pluie : j’ai moi aussi roulé sur la 132 avec un enfant. Mais dans mon cas, il était dans une ambulance. On ne savait même pas si on pourrait passer à cause d’une tempête.

C’était la seule voie vers Québec. Ma fille, elle aussi, aurait aimé un jour affirmer qu’elle était pro-vie. On n’a pas tous la chance de manifester dans une poussette. Certains luttent pour traverser.

Et ce commentaire, celui qui m’a allumé comme une allumette dans un baril de poudre. « Moi, ça ne me dérange pas. »

Eh bien, nous sommes des milliers pour qui ça dérange. Des centaines de milliers, de Trois-Pistoles à la Gaspésie, qui se sentent cloisonnés, otages de l’hiver, dépendants d’une seule route. Ceux qui prient pour que la 132 reste praticable quand un proche les attend de l’autre côté du fleuve.

Ceux qui patientent des heures dans un restaurant ou un motel, faute d’alternative, pendant qu’on attend la réouverture.

Déjà hâte aux vacances

Et que dire de l’été? Quand le flot touristique bloque la circulation et transforme Trois-Pistoles en bouchon roulant.

Quand les voitures, à l’arrêt ou au ralenti, crachent leur pollution dans l’indifférence générale. Trente minutes pour traverser un comté. Et ce sera quoi, le 5 août, quand le Costco ouvrira ses portes à Rimouski? Un stationnement à ciel ouvert?

Une circulation lourde sur la route 132 dans le secteur de Trois-Pistoles (Photo courtoisie)

Où sont les environnementalistes, ici? Pas pour défendre une forêt lointaine, mais pour dénoncer la pollution générée par la congestion? Il semblerait qu’il n’y ait que certaines causes « acceptables » pour s’indigner.

Oui, il y aura toujours une poignée de gens pour qui leur confort immédiat passe avant tout. Des petits Trump en version locale, convaincus d’avoir raison parce qu’ils ne sont pas dérangés.

Mais ici, on n’a pas besoin d’un symbole. On a besoin d’une autoroute. D’une voie sûre, rapide, accessible. Pas pour rouler plus vite. Pour vivre mieux.

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