Opinion > Pourboires : faut-il revoir la règle du jeu?
Opinion

Pourboires : faut-il revoir la règle du jeu?

Opinion de Guillaume Sirois
Un terminal de paiement affiche des options de pourboire dans un restaurant. (Photo : La Presse Canadienne – Ryan Remiorz)

La fameuse loi 72, qui sert à protéger les consommateurs contre les pratiques commerciales abusives et à améliorer la transparence en matière de prix et de crédit, est officiellement active depuis le 7 mai dernier. Celle-ci apporte divers changements à première vue bénéfiques pour les consommateurs, notamment dans l’affichage de plus d’informations dans l’étiquetage des prix en épicerie, dans les contrats de crédits et dans le plafonnement de la responsabilité d’un client en cas de transaction non autorisée par carte de crédit.

Par Guillaume Sirois

Cependant, l’aspect qui a fait couler beaucoup d’encre est celui légiférant sur les pratiques concernant les pourboires.

Pour la partie des pourboires, il faut dorénavant qu’ils soient présentés de manière neutre et surtout, ils doivent être calculés en excluant les taxes.

Une levée de boucliers s’est manifestée d’emblée par une partie du monde de la restauration en mettant en perspective la perte de revenus des serveurs avec cette nouvelle loi, et ce, dans un contexte où une pénurie de main-d’œuvre fait encore rage dans le domaine.

Le Soir a récemment exposé le cas de Noémie, qui mentionne considérer une perte de revenus annuelle de 14 000 $ en raison de cette nouvelle façon de faire. D’entrée de jeu, je mets d’énormes gants blancs : ce n’est pas aux employés à payer pour cette nouvelle règlementation. 

L’histoire des pourboires

Cependant, je ne peux qu’être estomaqué par la réaction de certains restaurateurs qui s’indignent de cette « nouvelle » loi. Je mets des guillemets à nouvelle, car historiquement, les conventions populaires ont été d’offrir un pourboire sur le montant avant les taxes.

Pour diverses raisons, les pourboires suggérés ont augmenté au fil du temps, se sont transformés sur les montants après taxes de manière un peu sournoise sur les terminaux de paiement en plus d’apparaître pour des services étonnants, pour rester polis. Un pourboire pour une bouteille d’eau que j’ai prise moi-même dans le frigo, vraiment ?

Dans un contexte pandémique alors que les restaurants devaient se résoudre à se renouveler dans les commandes pour emporter, c’était une façon de permettre à leur clientèle de témoigner de leur appréciation des membres du personnel, soit.

Mais comme beaucoup de choses s’étant transformées durant la pandémie, le balancier n’est pas revenu quand les masques sont tombés.

Alors je ne peux que trouver ça particulier que des restaurateurs viennent nous dire aujourd’hui « je vais perdre des employés parce que mon industrie a abusé du fait que les clients ne se doutaient pas que ma machine de paiement calculait le pourboire après les taxes ».

Occasion à saisir

Vous comprendrez que je les paraphrase. Évidemment, ce n’est pas un restaurateur particulier qu’il faut blâmer, car d’un point de vue pointu, je peux comprendre le restaurateur près de ses employés qui est frustré de les voir perdre subitement un revenu par cette loi. 

Alors, qu’est-ce que nous faisons pour les employés qui ont effectivement perdu des revenus substantiels du jour au lendemain ? À chaque problème se cache une solution. À l’heure où la très grande majorité des transactions se font par carte, il serait facile de sortir les pourboires reçus par serveur sur un horizon de temps significatif et leur offrir un salaire fixe plutôt que variable.

Une écœurantite aiguë commence aussi à s’installer chez les consommateurs et comme le disait Noémie elle-même, de plus en plus de clients laissent moins de 15 % de pourboire, ce qui a été confirmé par un sondage de la firme Lightspeed réalisé en 2024.

Le monde de la restauration pourrait faire une pierre deux coups en enlevant les pourboires de l’équation : donner une prévisibilité financière à leurs serveurs avec des revenus fixes et éliminer une frustration qui s’accentue chez leurs clients.

De plus en plus de restaurateurs osent tenter l’expérience. Des pays comme le Japon et l’Australie incluent le service dans les prix. Pourquoi pas au Québec ?

Facebook Twitter Reddit