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Lettre ouverte

Pour que l’éducation demeure une priorité

Lettre ouverte de Julie McDermott de Saint-Valérien-de-Rimouski
(Photo Unsplash.com – crédit : Kenny Eliason)

Monsieur le Premier Ministre François Legault, monsieur le Ministre de l’Éducation Bernard Drainville, madame la députée de Rimouski-Neigette, Maïté Blanchette Vézina, je me suis réveillée en ce 24 juin, jour de notre fête nationale, le cœur en deuil.

Lettre ouverte de Julie McDermott de Saint-Valérien-de-Rimouski

Un sentiment d’urgence m’habite, mêlé d’impuissance, d’angoisse et de colère. J’ai le sentiment profond d’avoir été trahie par un gouvernement qui ne répond plus aux besoins fondamentaux de sa population, et surtout de ses enfants.

Ma fille a 11 ans, elle vient de terminer sa 5e année. Après plusieurs années de difficultés scolaires, de crises, d’une motivation en chute libre et d’atteintes à son estime personnelle, elle a récemment reçu un diagnostic de TDAH. Malgré tout, elle fait partie des enfants « chanceux ». Car elle a des parents (et des grands-parents!) présents, mais surtout en mesure de payer, de leur poche, pour des services professionnels en privé. Depuis deux ans, nous avons pu consulter une travailleuse sociale et une psychoéducatrice. Mais même dans le privé, il nous a fallu attendre : les listes d’attente étaient pleines.

Elle a aussi la chance de vivre dans un petit village, de fréquenter une école où l’équipe est stable, bienveillante et dévouée. Les classes y sont plus petites que dans les grands centres. Son enseignante, bien que souvent débordée, trouvait encore le temps de s’en occuper. Une éducatrice spécialisée était aussi très présente pour elle au quotidien. Dans cette école, tout le monde se connaît, tout le monde s’entraide. On y accomplit des miracles avec peu. Nous en sommes très reconnaissants.

Mais pour combien de temps encore?

Car que se passera-t-il si le gouvernement continue de couper dans les services essentiels? Il n’y a plus de marge de manœuvre.

Comment se passera le passage au secondaire, pour ma fille, s’il n’y a plus de ressources pour la soutenir?

(Photo Unsplash.com – crédit : Element5 Digital)

Et surtout : que dire des enfants qui n’ont pas la même « chance » que la mienne?

Je pense à ceux et celles dont les parents n’ont pas les moyens de payer des services privés, faute d’assurances ou de revenus suffisants. Aux enfants dont les parents n’ont pas les ressources scolaires ou personnelles pour les aider à faire leurs devoirs. À celles et ceux qui ne mangent pas à leur faim parce que l’inflation gruge tout, et que les revenus ne suivent pas. Ce sont ces enfants que les décisions récentes du gouvernement risquent d’abandonner. Ce sont eux qui subiront de plein fouet les conséquences d’un désinvestissement aussi massif.

Ces coupures creuseront davantage les inégalités sociales et priveront notre société de talents dont elle aura cruellement besoin dans les années à venir. Car les défis seront immenses : crise climatique, bouleversements économiques, conflits géopolitiques, vieillissement de la population, changements technologiques. Nous aurons besoin de tous nos jeunes, bien éduqués et bien socialisés.

Nous ne pouvons pas les laisser affronter seuls un monde que nous leur léguons, rempli de problèmes que nous n’avons pas su régler. Au minimum, nous leur devons une éducation publique de qualité. C’est la base.

Je suis révoltée. De voir un gouvernement qui prétend faire de l’éducation une priorité, tout en sabrant dans les ressources essentielles. De le voir réduire les impôts des plus riches au détriment du bien commun. De le voir subventionner à coup de millions des entreprises privées pendant que les écoles tombent en ruines. De constater que le ministre de l’Éducation, plutôt que de chercher des solutions, choisit de blâmer les syndicats — ces mêmes syndicats qui représentent les femmes et les hommes qui, chaque jour, font des miracles dans nos écoles, souvent au prix de leur propre santé.

Je suis inquiète. Pour ma fille et pour tous les enfants du Québec.

J’ai peur qu’elle décroche, faute d’encadrement adéquat.

J’ai peur que le personnel dévoué quitte l’école publique, à bout de souffle.

J’ai peur que les parents, comme moi, n’aient plus les moyens d’aider leurs enfants.

J’ai peur que notre société perde peu à peu sa capacité à assurer des services publics de qualité, fondés sur des valeurs de solidarité et de justice sociale si chères aux Québécoises et aux Québécois.

J’ai peur que nos enfants n’aient pas le futur qu’ils méritent.

Je vous écris aujourd’hui parce que je refuse de baisser les bras.

Parce qu’abandonner les enfants, c’est abandonner l’avenir du Québec.

Sincèrement,

Julie McDermott, Saint-Valérien-de-Rimouski.

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