Photo de la fillette retrouvée : un peu de dignité, s.v.p.
Opinion de Johanne Fournier
Tout le monde a encore frais en mémoire le cas de cette enfant de 3 ans abandonnée seule dans un fossé de l’autoroute en Ontario. Nous avons tous poussé un soupir de soulagement de savoir qu’elle avait miraculeusement survécu après trois jours. Une fois toute cette effusion d’amour que nous lui avons exprimée, n’a-t-elle pas droit, maintenant, à sa dignité ?
Pendant qu’elle était activement recherchée, il était utile de partager sa photo ad nauseam. Mais maintenant, est-il nécessaire de publier les photos qui illustrent le moment où elle a été retrouvée par les policiers ?
Avec son pantalon souillé d’urine, la saleté de ses vêtements et ses lèvres gercées par la déshydratation, a-t-on besoin de cette photo pour prouver que la fillette a souffert ? Pensez-y une minute. S’il s’agissait de votre enfant ou de votre petite-fille, seriez-vous fier de voir cette photo partout ?
Demande de retrait des photos
La Sûreté du Québec (SQ) a demandé d’arrêter de partager les photos de la petite Montréalaise. Maintenant qu’elle est hors de danger, le corps policier a retiré toute trace de l’enfant sur toutes ses plateformes, question de lui redonner son anonymat.
Une fois qu’elle a été retrouvée, la SQ considère qu’il n’y a plus de raison de publier de photos d’elle, ni de mentionner son nom, ni de partager des renseignements qui pourraient l’identifier. D’ailleurs, une ordonnance sur l’identité des enfants prévaut dans tous les dossiers impliquant la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).
Devant les accusations auxquelles devra faire face sa mère, il est fort probable que la DPJ interviendra auprès de l’enfant. Il est facile de s’imaginer que la maman ne puisse retrouver la garde de sa fille après avoir été accusée d’abandon illégal d’enfant.
Beaucoup de photos de l’enfant sur les réseaux sociaux
La majorité des médias ont retiré sa photo, du moins en ce qui concerne les publications en ligne. Mais, sur les réseaux sociaux, les photos de la gamine sont encore là à profusion. J’ai mal pour l’enfant qui, lorsqu’elle sera plus vieille, verra ces photos qui lui feront revivre ce cauchemar.
Cette fois où elle a attendu sa maman qui n’arrivait pas. Cette fois où, pendant trois jours et trois nuits, elle a eu très peur, souffert de la faim et de la soif, avec aucun adulte pour lui offrir la sécurité. Pire encore, ces photos pourraient être utilisées par des gens malintentionnés.
Les épreuves ne sont malheureusement pas terminées pour cette petite qui a été abandonnée. Les prochains mois seront difficiles à affronter tant pour elle que pour sa famille.
Cette enfant ne raisonne pas comme un adulte. Lorsqu’elle a dit aux policiers que sa maman lui avait demandé de l’attendre, c’est ce qu’elle a fait.
Selon l’entrevue qu’a accordée au RDI la psychiatre de l’Hôpital de Montréal pour enfants, Cécile Rousseau, ces premières paroles témoignent de l’attachement de la petite pour sa maman. Or, malgré toute la haine que l’on peut lire sur les réseaux sociaux envers sa mère, la fillette pleure sûrement son absence. Elle ne peut comprendre.
Dans son esprit, il est fort probable qu’elle ne doit éprouver aucun ressentiment pour ce que sa maman lui a fait subir. Même si elle n’en est pas tout à fait conscience, tout ce que cette enfant risque de souhaiter, c’est que l’on puisse soigner sa maman du mal invisible qui l’afflige. Je n’excuse absolument pas le geste de cette femme.
Mais, je vois trop de jugements gratuits et de haine sur les réseaux sociaux envers cette femme, sans connaître son histoire. En contribuant à redonner la tranquillité à laquelle la petite a droit, nous contribuerons peut-être à la guérison de son traumatisme.
