Le visage des coupes en éducation
Témoignage d'une mère et d'un fils impactés par les coupes
À l’école Paul-Hubert de Rimouski, une annonce présentée l’avant-dernière journée de classe comme une « restructuration » cache des compressions budgétaires qui bouleversent la vie de Jeffrey-Lou St-Hilaire et de sa mère, Marie-Josée Aubin. Les coupes budgétaires au Centre de services scolaire des Phares brisent l’équilibre fragile de cet élève autiste.
Jeffrey-Lou St-Hilaire a pleuré une bonne partie de la journée. Sa mère comprend pourquoi. Depuis deux ans, son fils évoluait dans un environnement parfaitement adapté à ses besoins: une classe silencieuse, aux lumières tamisées, avec des techniciens en éducation spécialisée formés spécifiquement pour intervenir auprès d’élèves présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA).
« On n’entendait pas un son dans cette classe, décrit Marie-Josée Aubin, la voix empreinte de nostalgie. C’était vraiment un espace fait pour eux. »
Un programme qui fonctionnait
Le programme Accès FTP (Formation préparatoire au marché du travail), dans lequel le jeune homme de 18 ans était inscrit, dépassait les simples apprentissages scolaires.
Ces jeunes adultes autistes démontaient des ordinateurs, fabriquaient du bois d’allumage à partir de palettes, confectionnaient des sacs de compost avec de vieux journaux. Ils visitaient aussi le Manoir Les Générations, où ils servaient les collations aux résidents et lavaient la vaisselle. Jeffrey-Lou appréciait particulièrement ce contact avec les personnes âgées, à qui il servait la collation.
Cette diversité d’activités permettait à chaque élève de découvrir ses forces et ses intérêts, de l’avis de Mme Aubin. Jeffrey-Lou s’est même porté volontaire pour la Coupe Memorial, une expérience qui l’a marqué profondément.
« Quand il s’est offert comme bénévole pour la Coupe Memorial, je ne le savais même pas, confie sa mère avec fierté. C’était un fichu de beau travail! Tout le monde le connaissait. Il a des photos avec tous les joueurs de l’Océanic. Il s’est senti utile. »
Le prix des compressions
Les 5,6 M$ que doit économiser le Centre de services scolaire des Phares ont un visage humain. À la rentrée, le jeune homme du Bic se retrouvera dans un groupe de 16 élèves au lieu de 9, sans ses professeurs et ses techniciens en éducation spécialisée (TES) habituels, dans un nouveau local. Il se retrouvera à Polyflore, qui est centrée sur l’horticulture.

« Au lieu d’avoir un TES pour neuf, il va y avoir un TES pour deux classes », se désole Marie-JoséeAubin.
Jeffrey-Lou aime plus ou moins les plantes. Pour lui, ce changement représente bien plus qu’un simple ajustement pédagogique. C’est la rupture d’une stabilité qui était importante pour lui.
« Je ne me sens pas très bien avec cette décision », confie-t-il dans de simples mots qui portent néanmoins le poids de l’angoisse qui l’habitera jusqu’à la rentrée.
Une anxiété qui s’ajoute
L’anxiété de Jeffrey-Lou s’est intensifiée, d’autant plus qu’il devra aussi faire face à une nouvelle règle: plus de cellulaire à l’école. Pour celui qui œuvre à la radio étudiante et qui trouve refuge dans la musique québécoise, cette restriction représente une épreuve supplémentaire.
« Durant les pauses et le dîner, j’avais toujours mon téléphone pour écouter de la musique », explique-t-il. La musique et le sport sont ses ancrages, ses façons de gérer son stress et son anxiété.
Sa mère observe d’ailleurs les efforts de son fils pour s’adapter: « Je vois qu’il essaie de trouver des trucs pour diminuer son anxiété. »
Un parcours brisé
Ce qui chagrine le plus Mme Aubin, c’est de voir s’effriter des services qui étaient si bénéfiques. « Je trouve ça déplorable, d’autant plus qu’on a mené ces batailles-là il y a 15 ans! C’est comme si on avait fait tout ce travail-là pour rien. »
Consciente des contraintes budgétaires imposées par Québec, elle ne blâme pas le Centre de services scolaire. Elle déplore plutôt une réalité récurrente: « C’est tout le temps les élèves à besoins particuliers qui écopent! »
Un appel à la réflexion
Derrière les chiffres et les pourcentages des compressions budgétaires se cachent des histoires comme celle de Jeffrey-Lou. Des jeunes qui, malgré leurs différences, aspirent à contribuer à leur communauté, à se sentir utiles et reconnus.
Jeffrey-Lou a l’ambition de continuer ses études jusqu’à 21 ans, de continuer à diffuser de la musique à la radio étudiante et à jouer au hockey-boule. Malgré les changements, il garde ses rêves intacts: devenir technicien dans les arts de la scène.