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Souveraineté 2.0

Élan de la jeunesse québécoise
(Photo Ian Barrett— La Presse canadienne)

Fiori et Foglia nous ont quittés à quelques semaines d’intervalles. Des géants souverainistes qui ont marqué des générations. Pendant que la nostalgie du rêve de la souveraineté s’empare de plusieurs et que les hommages fusent de toute part, on observe aussi quelque chose d’inattendu.

L’opinion de Carol-Ann Kack

Pendant que la nostalgie du rêve de la souveraineté s’empare de plusieurs et que les hommages fusent de toute part, on observe aussi quelque chose d’inattendu. La jeunesse québécoise semble prendre un élan souverainiste, mais dans leur cas, ce n’est pas par nostalgie.

Un sondage Léger révélait, en juin dernier, que 48 % des jeunes de 18 à 34 ans sont séduits par l’idée de l’indépendance.

Ce n’est pas rien, l’appui des jeunes à la souveraineté est plus fort que dans toutes les autres tranches d’âges, pour lesquels le OUI varie de 28 à 35 %. C’est une situation qui n’a pas été vécue depuis le référendum de 1995.

Pour celles et ceux qui souhaitent voir le pays exister avant la fin de leur vie, ces chiffres ont de quoi réjouir. Il faut toutefois s’intéresser à ce qui se passe chez les plus jeunes. Les raisons de rêver à la souveraineté chez les jeunes ne sont pas nécessairement les mêmes qui ont pu soulever les passions par le passé.

Les enjeux touchant la protection de la langue et le sentiment de menace à la culture ne prédominent pas chez eux. Pas par refus ou par déni de l’histoire, mais simplement parce que la réalité, les enjeux et les préoccupations ont évolué.

Une constante persiste toutefois. Le désir que le Québec puisse exprimer son identité unique et qu’il soit maitre de ses lois, ses impôts et ses frontières afin d’agir en toute liberté.

Nouveaux artistes indépendantistes 

Je trouve intéressant de regarder ce qui se passe sur la scène culturelle pour comprendre ce qui se passe au niveau du discours souverainiste. Les artistes sont des vecteurs importants de causes ou de luttes sociales.

Justement, certains artistes actuels mettent de l’avant l’identité québécoise et la souveraineté, mais avec de nouveaux angles : Jérôme 50, Émile Bilodeau, et plus récemment, le jeune rappeur Kinji00 et son frère Ib66.

Jérôme 50 aux Grandes Fêtes TELUS. (Photo Le Soir.ca- Jessie-Kim Brisson)

Pendant que Jérôme 50, avec sa chanson bien connue Tokébakicitte, aborde avec humour, quoiqu’un peu cinglant, le racisme qui existe au Québec avec l’usage de cette expression, Émile Bilodeau, sur la même thématique, évoque dans Jeme souviens : « Si un jour ma fille se fait enseigner la Révolution tranquille par une femme voilée […], on va le savoir : le racisme a toujours eu tort. ».

Les deux jeunes rappeurs de Gatineau, Kinjii00 et Ib66, assument, sans aucun malaise, l’usage du franglais pour rapper leur amour du Québec qu’ils souhaitent voir devenir pays.

Ils font même une collaboration avec un artiste anglophone sur une pièce de leur album. Ils disaient récemment en entrevue : « Les artistes qui rappent en anglais représentent la ville, la province et notre culture autant que nous. ».

Est-ce qu’on aurait pu entendre ces propos dans la conjoncture des années 70-80 venant d’un chanteur souverainiste ? Je ne crois pas. Toujours sur le thème de la langue, l’artiste de la Capitale-Nationale Jérôme 50 a récemment publié un dictionnaire qui s’appelle le « Dictionnaire du chilleur ».

L’ouvrage répertorie le langage oral des jeunes Québécois d’aujourd’hui, nourri par les influences de l’anglais, du créole haïtien, de l’arabe et de l’argot français. On pourrait dire que de tout ça est assez « libéral », non ? Sont-ils moins souverainistes parce qu’ils ont une vision interculturelle du Québec ?

Souverainisme à plusieurs visages

Ils osent réinventer notre langue, parler des peuples autochtones, de capitalisme et de racisme. Ils rêvent d’un pays qui n’est pas celui auquel on rêvait il y a 30 ans. Ils ne le rêvent possiblement pas pour les mêmes raisons.

Ils ne sont pas la représentation de l’ensemble du mouvement souverainiste, évidemment, mais ils représentent une partie de la population dont nous aurons besoin lorsqu’il sera le temps de dire OUI. Vous aurez compris que j’en fais partie.

Le souverainisme a plusieurs visages, nous gagnerons à nous parler pour avancer.

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