Quand la mort frappe à notre porte
L'opinion de Robin Lebel
Vous savez quoi ? L’aide médicale à mourir vient de faire son entrée dans ma vie.
L’opinion de Robin Lebel
Récemment, mon frère m’a texté pour m’annoncer que notre cousin, Robert Duchesne, avait demandé l’aide médicale à mourir. Robert Duchesne est bien connu à Saint-Narcisse-de-Rimouski où il a été conseiller municipal de 1991 à 1999 et de 2009 à 2013, avant d’accéder à la mairie de 2013 à 2022. Je l’ai croisé à quelques reprises.

Un homme brillant, mais aussi introverti. Il me faisait penser à une vieille blague lancée par Pierre Bouchard à propos de son coéquipier Henri Richard, l’ancien capitaine du Canadien et frère du célèbre Maurice Richard. Comme le racontait Bouchard, Henri s’était un jour levé dans le vestiaire et avait lancé : « OK les gars, faut gagner ce soir. » Et les joueurs du Canadien de se dire : « Eh bien, Henri a été bien volubile ce soir-là ! » Robert me rappelait un peu ça.
C’était un autodidacte assez exceptionnel. Chaque fois que j’allais chez mon oncle, j’entendais l’un de ses frères dire : « Robert est sur un projet. »
Une fois, c’était une éolienne, rien de moins, pour produire assez d’électricité pour alimenter sa maison. Une autre fois, il avait décidé de se construire un garage. Un garage de 100 par 200 pieds. Chaque fois que je retournais voir mon oncle, le projet avait bel et bien vu le jour. Une belle famille tissée serrée, comme les agriculteurs de mon enfance. Et voilà que c’est ce même homme, que j’ai pourtant peu connu, qui nous arrive avec ça : l’aide médicale à mourir.
Quoi penser de ça ?
Je ne m’étais jamais posé la question. En plus, on nous a prévenus de sa démarche avant que tout ne soit fait. Robert est décédé quelques jours plus tard, comme convenu. Et pourtant, j’écris cette chronique en sachant qu’il est encore vivant à ce moment précis. C’est un drôle de sentiment, contradictoire. D’un côté, on espère qu’il trouvera enfin la paix, après une longue maladie. De l’autre, on se demande comment on en vient à prendre une telle décision.
Personnellement, ce genre de moment ravive en moi le souvenir d’amis ou de membres de ma famille qui sont partis, jeunes ou moins jeunes. Ça me rappelle que le temps n’est, au fond, qu’un emprunt. Mais où place-t-on une telle démarche dans notre vie ?
Quand on entend parler de l’aide médicale à mourir à la télé ou à la radio, ça semble toujours loin de nous. Et puis, un jour, cette loi, ce droit, débarque dans notre propre cour. Dans notre propre vie.
Avoir le droit de mourir. De choisir le jour et l’heure. C’est un poids, une réflexion que chacun porte à sa façon. On a tous nos croyances. Même être non-croyant est une forme de croyance. Alors, je me demande, à quoi croit-on, quelques minutes avant le grand départ ?
Pour mon cousin, il ne doit pas avoir beaucoup de regrets. Il a eu une vie bien remplie.
Comment vais-je me sentir ?
Moi, j’ai toujours eu ce réflexe de m’accuser quand un être cher meurt. Le moindre mot de travers, un banal manque d’attention, ou simplement avoir élevé le ton… c’était suffisant pour que la vie me traverse le cœur comme un poignard.
Alors comment vais-je me sentir si, un jour, je dois moi-même faire ce choix ? Que Dieu m’épargne ce moment.
Si j’avais le choix, je préférerais marcher clopin-clopant dans la rue et être atteint par une roue de secours qui se serait détachée de l’arrière d’une roulotte. Une roue qui n’aurait blessé personne d’autre. Mourir comme une crêpe. Rien vu, rien su. Parti.
Oui, même si je suis croyant, l’approche de la mort me fait peur. Ouvrir la porte de sa propre fin… comment Robert a-t-il fait ?