Poésie et images sur des trésors mitissiens
Quatre artistes bas-laurentiens signent Regards obliques
Un projet artistique, Regards obliques, unit quatre créateurs autour de certains trésors architecturaux de La Mitis pour un dialogue inédit entre patrimoine, poésie et image.
Lancé le 10 août à la librairie L’Alphabet de Rimouski, le livre de 120 pages réunit les plumes d’Annie Landreville de Rimouski, de Marie-Hélène Voyer du Bic et d’Anick Arsenault de Saint-Ulric, accompagnées de l’objectif photographique de Steve Leroux de Rimouski.
L’aventure débute en 2023 dans les locaux du Carrefour de la littérature, des arts et de la culture (CLAC) de Mont-Joli. La directrice générale, Julie Boivin, lance un défi artistique, celui de rendre hommage aux lieux patrimoniaux de La Mitis.
« Au départ, c’était le Château Landry, une demeure bourgeoise francophone, la Villa Estevan, une demeure bourgeoise anglophone et le Vieux Presbytère de Sainte-Flavie pour le clergé », explique Annie Landreville. Mais, c’est finalement une modeste maison d’habitant en bordure de la route 132 qui captivera l’imagination principale du quatuor et qui ornera la couverture de l’ouvrage.
Création sans ego
Ce qui frappe dans cette démarche est son caractère résolument collectif. Loin des rivalités, les trois poètes ont choisi d’anonymiser leurs textes, créant une voix commune qui transcende l’individualité.
« On a décidé de laisser notre ego de côté et de travailler seulement avec notre orgueil pour faire de beaux textes », confie Annie Landreville, autrice de cinq recueils et lauréate du prix Jovette-Bernier en 2019 et du prix Geneviève-Amyot en 2020. Son dernier livre Les couteaux dans ma gorge ne sont pas des fruits de mer a été finaliste aux prix littéraires du Gouverneur général 2024 dans la catégorie Poésie.
Cette approche collaborative s’est révélée naturelle. « Ça a été tellement facile d’unir nos trois voix en constatant qu’on parlait un peu des mêmes thèmes », continue Anick Arsenault, qui a remporté le prix Jean Lafrenière-Zénob au Festival international de poésie de Trois-Rivières de 2023. Autrice de six recueils, celui intitulé Habitantes a été finaliste au Prix des libraires — poésie de 2022. Elle est également technicienne en documentation au Cégep de Matane.
Pour Marie-Hélène Voyer, couronnée artiste de l’année 2023 aux prix du Conseil des arts et des lettres du Québec du Bas-Saint-Laurent, l’aspect humain prime : « Une grande amitié est née au fur et à mesure du processus », souligne l’autrice de deux recueils de poésie et de deux essais. Son recueil Mouron des champs et son essai L’habitude des ruines ont remporté plusieurs prix et honneurs, dont un doublé aux Prix des libraires en 2023. De plus, elle enseigne au Cégep de Rimouski et collabore à la revue Liberté.
De la résidence au livre
Le projet trouve ses racines dans deux résidences de création menées en janvier et mars 2024. Les artistes ont investi quatre lieux emblématiques, transformant ces espaces chargés d’histoire en terreau créatif. Le corpus initial, particulièrement généreux selon Anick Arsenault, a d’abord été condensé pour une exposition, puis transformé pour la scène avant de se retrouver dans un recueil.

Photographe établi à Rimouski depuis plus de 20 ans, Steve Leroux apporte sa vision poétique à l’ensemble. « Dans ma pratique photographique, j’espère toujours que la poésie sorte par l’image », explique-t-il. Cette symbiose entre mots et images révèle ainsi les silences, les résonances et les fantômes des lieux habités par l’histoire.
L’universalité au cœur du local
Contrairement aux préjugés voulant que la poésie soit parfois hermétique, le recueil Regards obliques, publié par les éditions Poètes de brousse, se veut plutôt accessible. « Le sujet touche plein de gens, estime le photographe. On n’a pas besoin d’être un initié. » Cette universalité puise dans l’expérience commune des lieux et de la mémoire avec lesquels tout le monde a une expérience intime, de l’avis de Marie-Hélène Voyer.
L’aventure ne s’arrête pas au Bas-Saint-Laurent. Un lancement montréalais est prévu le 26 septembre, suivi d’un spectacle à Québec le lendemain. L’exposition y est d’ailleurs présentée jusqu’au 28 septembre.