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Paraloeil : un regard sur l’industrie du coaching

Documentaire « Le plein potentiel »
La réalisatrice du documentaire Le plein potentiel, Annie St-Pierre. (Photo Le Soir.ca – Johanne Fournier)

Pour ouvrir sa saison, Paraloeil cinéma et centre de production de Rimouski a, le mardi 2 septembre, accueilli Annie St-Pierre. La réalisatrice originaire de Rivière-du-Loup est venue présenter son plus récent documentaire intitulé Le plein potentiel. Cette œuvre propose une incursion dans l’univers de la croissance personnelle, véritable reflet de notre époque « métanarcissique ».

Sous un ton plutôt incisif, le documentaire aborde les thèmes de la croissance personnelle et de l’hyperindividualisme de notre société. Sans tomber dans le voyeurisme, Le plein potentiel offre une réflexion philosophique et sociologique sur les maux de notre époque.

Un regard sans jugement

« Je voulais voir, dans le coaching, ce que cette industrie révèle de nous comme société », a expliqué la cinéaste lors d’une causerie qui a suivi la projection de son film et qui était animée par le responsable de la programmation et de la diffusion de Paraloeil, Jean-Philippe Catellier.

Développée avec le directeur de la photographie, Étienne Roussy, sa démarche documentaire mise sur la transparence. « On a été très transparent dans l’approche, souligne Annie St-Pierre. Les gens nous ont accueillis et c’est ce que ça a donné. »

Pour réaliser ce long métrage, la cinéaste a filmé 25 séances de coaching, dont 15 ont été retenues au montage final. Sa rigueur éthique l’a menée à offrir un droit de regard aux participants. « Après chaque tournage, j’ai vérifié auprès de chaque personne coachée s’il y avait des moments qu’elle aimerait garder pour elle. Il n’y en a pas eu. »

Entre réalité et fiction

La réalisatrice assume pleinement sa démarche artistique qui brouille les frontières. « J’aime jouer entre le réel et la fiction. Pour moi, une fiction qui ressemble à du documentaire, c’est super. Puis, un documentaire qui ressemble à de la fiction, c’est tout aussi intéressant. »

Cette stratégie lui permet d’explorer les questions de perception, qui lui apparaissent centrales dans l’univers du coaching.

Hyperindividualisme

Au-delà du coaching lui-même, c’est un certain égocentrisme de notre société qu’Annie St-Pierre interroge. « Ce qui m’intéresse est l’hyperindividualisme que le coaching reflète et à quel point notre cerveau a complètement été conditionné par le néolibéralisme. » Elle met en lumière une « société d’auto-optimisation qui ne s’arrête jamais », où « on veut toujours être meilleur ».

Par ailleurs, la cinéaste identifie un paradoxe contemporain. « Dans une société hyperindividualiste, où tout le monde pense seulement à soi, les gens se demandent qui ils sont. Plus personne ne se regarde. » Or, selon elle, le besoin réel n’est pas la performance promise par l’industrie, mais la validation et le fait « d’être vu ».

Un film qui dérange

Le plein potentiel assume son inconfort. « Je sais que c’est un film qui joue beaucoup sur le malaise, confirme l’artiste. Ce n’est pas une émotion confortable, mais c’est une émotion qui nous force à réfléchir. » Ce processus reflète la philosophie d’Annie St-Pierre, qui privilégie le doute et la curiosité au pamphlet.

Selon elle, la réception du film révèle « beaucoup sur la façon dont on est à l’aise à recevoir la vulnérabilité de l’autre ». Par ailleurs, elle a invité tous les coachs filmés à la première montréalaise et la majorité s’est déplacée.

Le plein potentiel plonge dans l’univers de l’industrie du coaching. (Photo courtoisie)

Annie St-Pierre pointe les dangers de l’industrie. « Ce qui est dangereux, c’est ce qu’on vend et promet, non pas nécessairement ce qu’on fait. » Elle déplore les promesses irréalistes de transformation rapide qui alimentent une responsabilisation excessive des individus.

« De croire que tout est possible crée une responsabilité immense et ça amplifie le nombre de dépressions », estime-t-elle. Elle souligne, au passage, que cette tendance se retrouve même « en allant le plus loin géographiquement, culturellement et linguistiquement de nous, comme le Japon ».

Vers la fiction

Après cinq années consacrées à ce projet documentaire, un laps de temps qu’elle juge « trop long », Annie St-Pierre se tourne désormais vers la fiction. Elle travaille actuellement sur un film avec Florence Longpré et adapte la pièce Manipuler avec soin de Carolanne Foucher, qu’elle décrit comme un « soft » science-fiction. Les deux projets seront produits par Max Films de Montréal.

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