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Laïcité : un show de boucane

L'opinion de Carol-Ann Kack
Les prières de rue sont déjà légalement interdites au Québec. (Photo iStockphoto)

Le gouvernement Legault a bien prévu le coup. Alors que sa cote de popularité est au plus bas, il profite du dévoilement du rapport Pelchat-Rousseau sur la laïcité au Québec afin de changer le mal de place et propose un projet de loi sur un enjeu controversé.

Pendant que le Québec vit un déficit historique, que ses infrastructures publiques sont en ruines, que le réseau collégial subit des compressions historiques et que l’opposition au nouveau régime forestier se poursuit, la Coalition avenir Québec (CAQ) annonce qu’elle lancera un projet de loi afin d’interdire… les prières de rue.

Quand notre bilan est peu reluisant, quoi de mieux que de faire un drame avec une situation anecdotique qui sème la division et la controverse ? Dans les coulisses politiques, c’est ce qu’on appelle faire du « wedge politics » ou, en français, la stratégie de la division.

Le premier ministre François Legault. (Photo courtoisie Émile Nadeau)

Les gouvernements ne se privent malheureusement pas de sortir un épouvantail du genre quand ça ne va pas bien.

Interdire ce qui est déjà interdit ?

Pour le coup, la CAQ frappe fort. J’oserais ajouter qu’elle gaspille notre temps, notre énergie et notre argent.

Alors que les prières de rue sont déjà légalement interdites au Québec par le Code de la sécurité routière (à moins de demander un permis), au fédéral par le Code criminel (qui élargit même cette question aux espaces publics) et que certaines réglementations municipales l’encadrent, je m’explique difficilement ce que le gouvernement souhaite contrôler de plus.Vous avez bien compris : c’est déjà régi par plusieurs lois.

Au sujet de la nécessité d’interdire les prières de rue, Christiane Pelchat, l’une des deux autrices du rapport sur la laïcité, explique qu’il n’y a pas d’enjeu à ce sujet. Venant d’une défenderesse du renforcement de la laïcité, cette intervention vient confirmer qu’on parle d’un problème qui n’en est pas un.

Histoire montée en épingle

Mais alors, quel est le problème qui nécessitait un tel projet de loi ? Ce n’est pas très compliqué. Il y a actuellement des manifestations fréquentes en soutien à la Palestine qui ont lieu à Montréal, tous les dimanches depuis deux ans. Évidemment, une diaspora importante de personnes arabo-musulmanes qui vivent dans la métropole prend part à ces manifestations.

Ce sont des prières qui ont lieu lors de ces rassemblements dont il est ici essentiellement question. Alors que la CAQ dit que la réalité des prières de rue prend de l’ampleur et que c’est pourquoi on doit s’y attaquer, le Parti québécois (PQ) va plus loin en affirmant que ces prières sont des gestes de provocation.

Soyons honnêtes ; il y a un contexte. Ce ne sont pas des démonstrations religieuses « anticatholiques », ce sont des moments de prières dans un contexte de rassemblement pour la paix en Palestine.

S’il y a des enjeux de sécurité qui doivent être adressés dans les manifestations, intervenons. Nous avons les moyens de le faire. Mais, chercher une cible pour faire peur à la population du Québec et nous faire croire que nous devons régler une urgence qui n’en est pas une, c’est bien bas.

Le PQ et la surenchère

Je ne peux pas m’empêcher de déplorer le choix du PQ de renchérir en proposant un référendum sur la question auprès de ses membres. Après avoir dit qu’il n’était pas tenu de respecter les résultats d’un tel exercice, Paul St-Pierre-Plamondon explique qu’il trouve important d’avoir des méthodes de consultation démocratiques avec la base militante.

Paul St-Pierre Plamondon (Photo Wikipédia)

Je suis loin d’être contre l’idée, mais c’est difficile de croire qu’il est nécessaire, pour le PQ, de procéder à cet exercice, alors que son discours sur la question semble bien clair.

Plusieurs de ses élus l’ont d’ailleurs exprimé dans les médias : ils aideront la CAQ à aller de l’avant et ils auraient souhaité que le gouvernement intervienne plus tôt sur cette question. Que reste-t-il à décider ?

Pour construire une réelle majorité indépendantiste, nous devrons vivre ensemble, reconnaître notre métissage et choisir la solidarité. Nous devrons nous ancrer dans les luttes sociales qui touchent la population québécoise. Se rabattre sur des boucs émissaires pour susciter la haine et la crainte ne nous aidera en rien. Peut-on élever le débat, s.v.p. ?

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