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Quand l’orgueil redéfinit le contrat électoral

L'opinion de Johanne Fournier
La députée de Rimouski, Maïté Blanchette Vézina. (Photo Le Soir.ca – Annie Levasseur)

Il y a quelque chose de profondément troublant dans la décision de Maïté Blanchette Vézina de claquer la porte de la Coalition Avenir Québec (CAQ) pour siéger comme députée indépendante.

L’opinion de Johanne Fournier

Non pas dans le geste lui-même, puisqu’après tout, la liberté de conscience demeure un pilier de notre démocratie, mais plutôt dans les motivations qui l’animent et les conséquences que son choix engendre sur les électeurs de Rimouski.

Posons-nous la question qui tue : si madame Blanchette Vézina s’était présentée comme candidate indépendante en octobre 2022, aurait-elle remporté son siège ? La réponse, aussi brutale que nécessaire, semble évidente à quiconque comprend les rouages de notre système électoral. Dans Rimouski comme ailleurs au Québec, on vote d’abord pour un parti, ensuite pour une personne. L’étiquette de la CAQ, portée par la popularité de François Legault de l’époque, constituait son véritable sésame vers l’Assemblée nationale. 

Pirouette politique

Cette transformation subite d’une députée caquiste en élue indépendante pourrait-elle parfaitement illustrer un mal qui ronge notre démocratie, soit l’appropriation du vote citoyen par des élus qui redéfinissent leur mandat selon leurs humeurs personnelles ? Les électeurs de Rimouski ont voté pour un programme, une vision politique, une équipe gouvernementale. Ils n’ont pas élu une députée indépendante. Cette pirouette politique peut-elle apparaître comme une forme de détournement démocratique ?

Maïté Blanchette Vézina place ses concitoyens devant un fait accompli. Elle prive sa circonscription de la représentation gouvernementale qu’elle avait choisie. Les raisons relèvent-elles davantage de l’orgueil blessé que de l’intérêt public ? La réponse vous appartient.

Questions fondamentales

Ne nous y détrompons pas : cette sortie fracassante fait suite à son exclusion du conseil des ministres. Voilà le nœud du problème. L’évincement n’a manifestement pas été accepté avec sérénité. L’amertume transperce le vernis protocolaire. Ses électeurs en feront-ils les frais ? La prochaine année nous le dira.

Cette déviation soulève des questions fondamentales sur la nature de notre démocratie représentative. Que vaut un contrat électoral si l’élu peut le modifier à sa guise ? Comment respecter la volonté populaire quand celle-ci est subordonnée aux états d’âme de nos représentants ? Ces interrogations dépassent largement le cas Blanchette Vézina pour toucher à l’essence même de notre système politique.

Désillusion annoncée 

N’y a-t-il pas quelque chose de pathétique dans cette chronique d’une désillusion annoncée ? Une semaine après avoir déclaré qu’elle « avait encore foi en la CAQ », voilà que madame Blanchette Vézina rompt tous ses liens avec le parti qui l’a portée au pouvoir. Ce changement de cap révèlerait-il une conception pour le moins particulière de l’engagement politique ? 

Une vérité est pourtant élémentaire : le mandat des élus ne leur appartient pas. Il appartient aux citoyens qui le leur ont confié, avec toutes les responsabilités que cela sous-entend. Accepter cette réalité, c’est aussi accepter que la politique exige, dans une démocratie, une certaine abnégation face au verdict populaire et aux aléas du pouvoir. 

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