Le climat bouleverse déjà l’Est-du-Québec
L’UPA et de nombreux scientifiques inquiets de la situation
Dans 25 ans, le climat du Bas-Saint-Laurent sera méconnaissable. La température moyenne annuelle de la région aura encore augmenté de 2,8 degrés Celsius. Fini les longs hivers, les printemps seront hâtifs et pluvieux, les étés chauds et secs, tandis que l’automne arrivera de plus en plus tard.
Le Consortium sur la climatologie et l’adaptation aux changements climatiques, Ouranos, regroupe plus de 450 scientifiques, experts et chercheurs de différentes disciplines. Leurs conclusions sont alarmantes. Les impacts de ces changements sur l’environnement et l’agriculture seront majeurs.
Avec la hausse des températures, en 2050, plus rien ne sera comme avant. Les hivers seront plus courts, plus chauds, avec beaucoup moins de neige et de nombreuses périodes de dégel.
Les modèles prédisent 40 jours de moins par année avec de la neige au sol, ce qui mettra en péril la survie de plantes comme les petits fruits ou les fourrages.
Les chercheurs estiment aussi que les insectes ravageurs résisteront mieux aux hivers, sans compter ceux qui migreront du sud.
Grande part de risques
« Les changements climatiques impliquent certains effets positifs, comme l’allongement de la saison de culture, mais aussi une grande part de risques. Il y aura davantage d’extrêmes : des chaleurs, des
pluies intenses, des redoux. Ces phénomènes vont avoir des effets négatifs », estime la coordonnatrice scientifique pour Ouranos, Anne Blondlot.
Avec les derniers gels autour du 4 mai et les premiers gels de l’automne vers la mi-octobre, la période de culture augmentera de plus d’un mois. Et l’été ? Rien de réjouissant. Une dizaine de jours avec 30 degrés Celsius ou plus, des pluies intenses, des orages et de longues périodes de sécheresse.
« Si les précipitations n’augmentent pas, l’évaporation accentuera le déficit d’eau pour les plantes. Et les pluies intenses risquent de provoquer l’érosion des sols, sans compter la présence accrue d’insectes ravageurs », indique madame Blondlot.
Les agriculteurs ont toujours dû composer avec le climat, dit-elle, « mais c’est sûr qu’avec ce qui s’en vient, et même ce qui est déjà en cours, il va falloir qu’ils travaillent fort. »
Les producteurs devront s’adapter pour survivre
La grande différence aujourd’hui est la vitesse du changement. « C’est très, très rapide. Il faut déjà se mettre en action, changer nos façons de faire, améliorer nos pratiques. C’est déjà commencé », explique la présidente de l’Union des producteurs agricoles (UPA) au Bas-Saint-Laurent, Nathalie Lemieux.
Les agriculteurs de la région cultivent désormais abondamment du maïs et du soya, ce qui aurait été impensable il y a 20 ans.
« Ça va nous avantager pour certaines productions, mais c’est sûr qu’on va avoir plus d’insectes, des canicules, des grosses pluies. Ça va influencer le confort des animaux, les bâtiments, la ventilation, l’abreuvement. »

Les agriculteurs devront modifier leurs méthodes de culture, adopter de nouvelles espèces de fourrages et lutter plus efficacement contre les ravageurs et les maladies. Pour les éleveurs et les producteurs laitiers, la tâche s’annonce encore plus compliquée. Avec davantage de journées très chaudes en été, les animaux subiront un stress thermique important. La productivité diminuera et la mortalité augmentera. Déjà, plusieurs manquent d’eau en été.
Le changement a un coût
Cultiver des plantes de couverture pour protéger les terres, assurer des réserves d’eau en cas de
canicule, ventiler les bâtiments, irriguer les champs tout cela coûte cher. Madame Lemieux réclame que le gouvernement retourne aux agriculteurs la taxe carbone, prélevée depuis 10 ans sur les produits pétroliers, et qui devait justement financer l’adaptation aux changements climatiques. L’UPA estime cette somme à 480 M$.
« Cela nous permettrait d’être plus compétitifs, de travailler à nos priorités d’adaptation pour faire face aux changements. Les entreprises agricoles ne peuvent pas laisser ça aller. Elles sont déjà en action, et elles devront l’être encore pour les 10, 15, 20 prochaines années », explique-t-elle.
Le défi est d’autant plus grand pour les petits producteurs, qui peinent déjà à survivre. Le plus inquiétant reste à venir après 2050.
« Si on fait les mauvais choix, si les émissions de GES demeurent fortes, la situation deviendra beaucoup plus catastrophique. Si on ne fait pas d’efforts, plus rien n’est certain », soutient Anne Blondlot.