Référendum de 1995 : la déclaration de Parizeau a marqué l’histoire
Dossier journalistique spécial proposé par Le Soir.ca (2 de 5) 
                                      Les mots controversés du premier ministre Jacques Parizeau après la défaite référendaire ont cristallisé les tensions de cette soirée du 30 octobre 1995.
Alors que les résultats du référendum confirment la victoire du non par moins de 54 000 voix, le chef du Parti québécois prononce des paroles qui marqueront à jamais l’histoire politique québécoise. Sa déclaration sur « l’argent et les votes ethniques » provoque immédiatement une onde de choc qui divise même le camp souverainiste.
Pour le député péquiste de Matane de cette époque et proche collaborateur de Parizeau, le contexte de cette déclaration est crucial. « Moi qui ai vécu à Montréal pendant 41 ans, je savais que les trois communautés que sont les Juifs, les Italiens et les Grecs avaient monté une stratégie pour faire en sorte que les gens votent non au référendum », explique Matthias Rioux. Selon lui, son chef ciblait spécifiquement ces trois communautés montréalaises qui s’étaient massivement mobilisées contre la souveraineté.
Les résultats dans l’ouest de Montréal, qui affichaient un pourcentage élevé pour le non, contrastaient fortement avec ceux du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, où le oui avait récolté jusqu’à 64 % des voix. Cette disparité géographique et linguistique avait alimenté un sentiment de frustration chez les souverainistes de l’Est-du-Québec, convaincus d’avoir « fait leur pays » dans leur région, comme l’exprime celle qui était députée de Matapédia en 1995, Danielle Doyer.
Soirée référendaire
Madame Doyer se trouvait à Mont-Joli lors de la soirée référendaire. Celle qui avait été nommée par M. Parizeau à titre de déléguée régionale pour le Bas-Saint-Laurent raconte avoir dû calmer des militants en colère.
« Quand monsieur Parizeau a prononcé sa fameuse phrase et qu’on regardait les résultats dans Montréal et dans l’ouest de Montréal, tout comme ceux de Québec où le oui n’avait pas été très fort, on était très déçu. » Elle se souvient néanmoins de la maturité démocratique des Québécois. « Est-ce qu’il y a beaucoup de peuples dans le monde où on fait un référendum démocratique et que, le lendemain matin, il n’y a pas de batailles et de violence ? »

Pour Matthias Rioux, la soirée du 30 octobre 1995 marque le début d’une fracture au sein du mouvement souverainiste. Parizeau annonce son départ immédiat. Lucien Bouchard lui succède. De l’avis du député de l’époque, cette transition précipitée engendre un débat stratégique majeur : faut-il organiser rapidement un « match revanche » ou attendre des conditions plus favorables ?
« Moi, j’étais pour qu’on aille dans un match revanche tout de suite parce qu’un sondage indiquait que 57 % des Québécois voteraient oui dans un référendum rapide », explique l’ancien ministre du Travail, qui appartenait au premier camp. Mais, Bouchard refuse. Monsieur Rioux qualifie cette décision de « bouillie pour les chats » puisque, selon lui, elle a démobilisé les militants qui étaient prêts à retourner au combat.
Hypocrisie monstre d’Ottawa
Pour Matthias Rioux, la défaite était d’autant plus difficile à accepter qu’il est convaincu que le référendum a été « volé ».
Lui et Danielle Doyer dénoncent la marche pour le non qui a eu lieu à Montréal quelques jours avant le jour J, où des Canadiens venus de partout au pays, financés par Ottawa, ont crié leur amour aux Québécois dans ce que monsieur Rioux qualifie d’« hypocrisie monstre ».
Selon lui et madame Doyer, les dépenses dépassaient largement les limites légales.
Trente ans plus tard, le référendum de 1995 demeure gravé dans les mémoires comme un moment pivot où l’histoire du Québec a basculé sur quelques dizaines de milliers de voix.
 
                
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