L’immigration transforme les écoles de Rimouski
Près de 440 élèves venus d’ailleurs intégrés au CSS des Phares
Le nombre de jeunes issus de l’immigration explose dans les écoles du Centre de services scolaires des Phares. Cet automne, près de 440 élèves, provenant principalement du continent africain, fréquentent les établissements primaires et secondaires de Rimouski.
La cloche vient de sonner. Des dizaines d’élèves se précipitent dans les corridors de l’école Élizabeth-Turgeon pour la récréation. La diversité saute aux yeux.
Dans certaines classes, près de la moitié des élèves sont de jeunes immigrants. L’intégration de ces jeunes, dont le niveau de français varie énormément, pose plusieurs défis.
Si certains ont une connaissance suffisante du français pour intégrer les classes régulières, la majorité passe d’abord par une classe d’accueil et de francisation.

« Le fait de voyager à travers ces enfants-là, d’apprendre plein de choses sur eux, leurs cultures, leurs parcours, c’est tellement intéressant », explique Michelle St-Pierre, première enseignante au Centre de services scolaires des Phares à avoir été affectée, il y a neuf ans, à une classe pour jeunes immigrants.
Sans nier les difficultés liées au racisme, elle souligne que les jeunes Québécois sont généralement très accueillants envers ces élèves venus d’ailleurs.
« Vraiment, ça donne une autre couleur à notre école. Leur culture, leur façon d’apprendre, c’est vraiment intéressant et enrichissant aussi pour les autres enfants. »
Des défis quotidiens
Enseigner dans une classe d’accueil est complexe. Les enfants viennent de pays différents et n’ont pas le même niveau d’apprentissage.
« Il y a des moments où je me dis : ouf, c’est intense! J’ai des élèves qui ne parlent pas français, d’autres proches de l’intégration, d’autres encore analphabètes. C’est vraiment de tout. Donc, il faut vraiment aimer ça », lance-t-elle dans un grand éclat de rire.
Les élèves entrent et quittent la classe à tout moment de l’année. Ils sont accompagnés à leur rythme dans l’apprentissage du français, avec pour objectif de rejoindre le programme régulier. Il faut parfois jusqu’à deux ans, notamment pour les jeunes réfugiés ayant vécu de lourds traumatismes.
« C’est beaucoup de temps et d’investissement, mais en même temps, voir ces enfants-là progresser, c’est tellement beau. Ils sont travaillants, résilients, ils veulent réussir. C’est une chance, pour ces élèves, de juste de pouvoir fréquenter l’école », confie-t-elle, la voix nouée d’émotion.
En plus d’apprendre à parler, lire et écrire en français, elle doit les initier à la culture québécoise. Amener quinze jeunes immigrants patiner, faire du ski de fond ou goûter à la tire d’érable demande, on s’en doute, beaucoup de courage.
La langue représente souvent un obstacle avec des élèves issus de l’immigration, dont les niveaux de français peuvent être difficiles, malgré leur passage dans des classes d’accueil et de francisation.

Michelle St-Pierre doit parfois faire appel à des interprètes ou à d’autres jeunes de même nationalité déjà intégrés. L’enseignante a développé divers outils, comme des pictogrammes. Elle n’hésite pas à mimer pour se faire comprendre.
« Je parle tellement avec mes mains maintenant », dit-elle en riant. Parfois, les ponts sont longs à établir. Un jeune arrivé récemment dans sa classe parlait le kinyabwisha, dialecte d’une petite région du nord du Congo que même Google ne parvient pas à traduire.
« Ce n’était pas évident. Ils arrivent, ils vivent un choc culturel, un choc de tout et, en plus, on ne se comprend pas. C’est difficile pour eux et pour nous. Il faut être patient et très conciliant », indique madame St-Pierre.
Sa plus grande récompense reste la réussite de ces jeunes. Un adolescent africain passé par sa classe, à l’âge de 12 ans, sans aucune connaissance du français, vient d’être admis au Cégep de La Pocatière.
Il lui a demandé de signer son album de finissant en signe de gratitude pour son rôle dans son intégration et son parcours.
Renforcir l’accueil des nouveaux arrivants
Le Centre de services scolaires (CSS) des Phares a mis en place, cet automne, un guichet d’accueil pour mieux répondre à l’affluence de nouveaux immigrants.
Chaque jeune est désormais évalué à son arrivée afin d’être orienté vers les services appropriés selon ses besoins.

Il y a quelques années à peine, on pouvait compter les jeunes immigrants des écoles de Rimouski sur les doigts d’une main.
Aujourd’hui, leur nombre ne cesse d’augmenter. Ils sont 436 cet automne comparativement à 373, l’an dernier et à moins de 300 il y a deux ans. Leurs pays d’origine sont le plus souvent le Cameroun, suivi de la Tunisie, du Maroc et d’Haïti.
Le premier défi pour les écoles est de planifier les services. De nombreuses familles immigrantes arrivant en été, l’organisation scolaire à la rentrée s’en trouve compliquée.
Porte d’entrée des familles
La conseillère pédagogique en francisation au CSS des Phares, Myrianne Cardin-Houde, souligne que le guichet d’accueil est très utile.
« On fait l’inscription avec la famille, puis on évalue tous les besoins en transport scolaire, en service de garde, en classe d’accueil. Et aussi, on explique tout ça. Parce que ça fait beaucoup d’information d’un seul coup pour ces gens-là, de la gestion de la boîte à lunch et l’adaptation au climat québécois. Le guichet sert de première porte d’entrée pour donner toute cette information aux familles », indique-t-elle.

Si certains jeunes ayant une bonne connaissance du français intègrent des classes régulières, d’autres sont dirigés vers une classe d’accueil. Elles sont désormais regroupées à l’école Élizabeth-Turgeon pour le primaire, où il y en a trois cet automne.
Deux autres sont offertes au Paul-Hubert pour le secondaire, en plus de deux classes au Centre de formation des adultes. Les enfants d’âge préscolaire sont intégrés directement en maternelle.
Équipe volante
Le CSS des Phares a aussi mis sur pied une équipe « volante » d’une dizaine d’enseignants. Les élèves ont également accès à diverses ressources, comme des dictionnaires de traduction, ou encore à des mesures d’adaptation, notamment plus de temps pour les examens.
« Ils vont se déplacer dans plusieurs écoles et offrir du soutien linguistique individuel aux jeunes intégrés dans les classes régulières. On ne les met pas directement au régulier en leur disant qu’ils doivent réussir comme un élève qui a grandi ici toute sa vie. On leur donne une période pour s’adapter », explique madame Cardin-Houde.

Chaque situation est particulière. Il faut tenir compte du parcours de la famille, de son statut d’immigrant et des écoles fréquentées auparavant. L’intégration des plus vieux, parfois âgés de 16 ou 17 ans, dans des classes du secondaire présente également de nombreux défis.
« Selon les âges, on n’enseigne pas les mêmes matières au même moment ni de la même façon. Pour eux, c’est un immense défi d’adaptation », estime Myrianne Cardin-Houde.
En français après un an
Malgré tous les efforts, certains jeunes éprouvent de grandes difficultés à obtenir leur diplôme de cinquième secondaire et doivent se tourner vers l’éducation des adultes. Toutefois, dans la majorité des cas, les jeunes immigrants réussissent relativement bien, et certains parlent couramment français après seulement un an.

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