Des compressions qui minent l’information régionale
L'opinion de Johanne Fournier
Le Groupe TVA a annoncé une nouvelle vague de compressions : 87 postes abolis à l’échelle du réseau. Pour l’Est-du-Québec, deux des trois cameramans disparaissent de l’équation. C’est une très mauvaise nouvelle pour l’information régionale.
L’opinion de Johanne Fournier
C’est une décision qui peut sembler technique ou de nature interne. Mais, sur le terrain, elle porte un dur coup à la qualité et à la vitalité de l’information régionale. À force d’étirer l’élastique, c’est tout l’écosystème médiatique qui risque de casser !
Dans les salles de rédaction régionales, chaque poste compte. Les équipes fonctionnent déjà au strict minimum, parfois même en dessous de ce qui est humainement possible. Les journalistes doivent couvrir d’immenses territoires, tout en jonglant avec des choix éditoriaux déchirants : quel événement couvrir, quel autre laisser tomber, faute de temps ou de ressources ?
L’abolition des postes de cameramans à TVA Est-du-Québec ajoute une couche de pression supplémentaire : les journalistes devront tourner eux-mêmes leurs images, en plus de leurs tâches habituelles.

C’est donc une multiplication de responsabilités qui influencera la qualité de l’information. On ne peut pas être partout, tout le temps, avec les mêmes standards !
Pendant ce temps, la population s’attend à une information rigoureuse, locale et crédible. Mais, plus le temps manque, plus la qualité en souffre, plus l’espace se creuse.
Le risque de déserts médiatiques
Cette situation alimente une réelle inquiétude. À mesure que les effectifs fondent, que les salles de rédaction se vident, que les points de presse ne trouvent plus preneurs, les déserts médiatiques s’installent.
Moins de journalistes sur le terrain, c’est moins de surveillance des décisions prises par nos élus, moins de couverture d’enjeux locaux, moins de représentation de nos réalités régionales.
C’est aussi plus de place laissée aux fausses nouvelles, un terrain où l’intelligence artificielle joue déjà un rôle inquiétant en permettant la création de faux contenus, trompeurs et non vérifiés, qui se propagent comme des feux de brousse sur les réseaux sociaux.
Industrie sous respirateur artificiel
Dans un contexte plus large, l’industrie médiatique se bat pour sa survie. Les médias électroniques réclament, à juste titre, l’accès aux mêmes appuis financiers que ceux offerts aux journaux par les gouvernements fédéral et provincial. Cette demande est de plus en plus urgente.
Pendant ce temps, de faux médias apparaissent et publient du contenu généré par l’intelligence artificielle, sans journalistes, sans vérification, sans responsabilité et,surtout, sans contraintes déontologiques.

À l’autre bout du spectre, les géants du Web, avec Meta et Google en tête, raflent environ 80 % des revenus publicitaires numériques au Canada. Ils ne produisent aucun contenu journalistique et, pourtant, ils captent les revenus qui permettaient aux médias traditionnels de respirer.
Dans un récent rapport, Statistique Canada révèle que les revenus d’exploitation des journaux canadiens ont chuté de 18 % entre 2022 et 2024, tandis que les revenus publicitaires ont diminué de 26 %. Dans un tel contexte, demander aux médias de faire plus avec moins n’est plus viable : ils sont au bord du gouffre.
L’éléphant dans la pièce
Il existe des limites à ce que les médias peuvent réduire sans mettre en péril leur mission. Il faut reconnaître l’évidence : aucune entreprise ne peut survivre lorsque 80 % de ses revenus potentiels lui échappent au profit d’acteurs étrangers en situation de monopole.
La question n’est plus de savoir si on doit agir. Elle est plutôt : « Combien de temps peut-on encore attendre ? ». Nos gouvernements devront affronter ces multinationales délinquantes et protéger notre écosystème médiatique, qui est essentiel à notre démocratie.

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