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Besoins records à la veille de la Guignolée

Une personne sur cinq vit en situation d’insécurité alimentaire au Québec
La Grande Guignolée se tiendra, ce jeudi 4 décembre, dans les rues de Rimouski. (Photo Le Soir.ca – Olivier Therriault)

L’augmentation du nombre de personnes vivant en situation de pauvreté exerce une pression croissante sur les organismes d’aide alimentaire. À la veille de la Grande Guignolée, les besoins sont particulièrement criants : une personne sur cinq vit en situation d’insécurité alimentaire au Québec.

Au cours de la dernière année, Moisson Rimouski–Neigette a réalisé près de 1 500 dépannages alimentaires et servi plus de 7 000 repas.

« On le constate. Il y a de plus en plus de gens qui s’inscrivent à nos services. On est chanceux à Rimouski. Il y a beaucoup d’organisations qui nous appuient, beaucoup de commerces où on fait de la récupération, donc c’est la solidarité régionale qui permet d’y arriver », indique sa directrice générale, Marie-Ève St-Pierre.

Dans le contexte économique actuel, personne n’est à l’abri d’un mauvais coup du sort.

« J’ai des gens qui travaillent, qui doivent payer le loyer, les factures d’électricité, le transport, les assurances et tout. La seule dépense qu’ils peuvent réduire, c’est malheureusement l’épicerie », relate madame St-Pierre.

Elle note également une présence accrue de personnes seules, d’étudiants et de retraités dans les files d’attente pour obtenir du dépannage alimentaire.

Paniers de Noël

Au Centre d’action bénévole de Rimouski-Neigette, responsable de la distribution des paniers de Noël, la demande explose également, explique son directeur général, Bertrand Milliner.

« L’an dernier, on a aidé 873 familles avec la Grande Guignolée. Cette année, selon les prévisions, on va être autour de 1 000 demandes. »

L’argent redistribué sous forme de paniers de Noël provient de la collecte dans les rues, des dons corporatifs et de la Grande Guignolée. Avec l’augmentation des appels à l’aide, le montant remis à chaque famille risque d’être réduit cette année.

« Ce qui nous fait peur, c’est la quantité que nos gens vont pouvoir acheter, qui va être bien moindre que ce qu’ils auraient pu avoir avant. Au moins il y aura quelque chose sur la table. Ils pourront s’acheter un rôti, des patates, peut-être un petit dessert. Si on peut se dire qu’on a travaillé assez fort pour qu’ils aient un beau Noël, on est contents », soutient monsieur Milliner.

Les Lions en renfort

Au départ, le Club Lions de Rimouski avait pour mission de fournir des lunettes aux personnes qui n’en avaient pas les moyens. Depuis quelques années, cette mission s’est élargie.

Le Club Lions de Rimouski contribue aussi financièrement à la Guignolée et à Moisson Rimouski–Neigette. (Photo courtoisie)

« On a élargi notre façon d’aider. Les gens ont besoin de plus qu’avant. Les lunettes, c’est rendu quasiment secondaire pour plusieurs. Juste à l’école, c’est facile à voir. Il y a des enfants qui n’arrivent pas trop habillés et qui n’ont pas mangé le matin », relate le président, Ghislain Lévesque.

Cette année, les Clubs Lions remettront 40 bons d’achat de 100 $ aux familles dans le besoin, en collaboration avec le Centre d’action bénévole. Ces bons ne peuvent servir à acheter de l’alcool ou du tabac, mais uniquement des denrées alimentaires. Le Club Lions de Rimouski contribue aussi financièrement à la Guignolée et à Moisson Rimouski–Neigette.

Tout au long de l’année, l’organisme reçoit également des demandes d’aide d’urgence.

« On a une mère dont la petite fille a un cancer. On a donné pour l’aider. On a offert un bon d’essence à des gens qui doivent se déplacer pour des soins de santé. C’est régulier », raconte monsieur Lévesque.

Au-delà de l’aide alimentaire

Parfois, les demandes vont au-delà de l’aide alimentaire.

« Une école nous a demandé des dictionnaires. J’ai dit : le ministère n’en fournit pas ? Oui, mais quatre pour 60 élèves ! Alors, on a acheté des dictionnaires. On dirait que le gouvernement n’est plus capable de suffire à la demande. »

Pour sa part, le Club Lions de Saint-Anaclet distribuera cette année environ 25 paniers de denrées non périssables dans la municipalité. 

Coût de la vie : basculer dans la pauvreté

La forte hausse du coût de la vie pousse de plus en plus de familles, de personnes seules et de retraités vers la pauvreté. Depuis cinq ans, le coût du logement a grimpé en flèche, tout comme celui du panier d’épicerie. Durant la même période, les revenus des plus démunis ont continué de diminuer. Les inégalités sociales n’ont jamais été aussi grandes.

« L’État s’est désengagé de la lutte à la pauvreté. Au Québec, par exemple, pendant des années, on n’a pas indexé les prestations d’aide sociale. Nos gouvernements eux-mêmes génèrent de la pauvreté. Et non seulement ça, mais aussi de l’itinérance. Lorsque le premier ministre François Legault affirme que jamais un gouvernement n’a remis autant d’argent dans le portefeuille des Québécois depuis 2018, il a raison. Mais il omet de préciser que ce sont surtout les plus riches qui en bénéficient. »

Le professeur Desgagnés, qui a réalisé de nombreuses études sur les inégalités sociales, estime que les écarts de revenus et les inégalités de richesse n’ont jamais été aussi importants. 

Les salaires ne suivent pas

Selon l’Observatoire québécois des inégalités, depuis la pandémie, le prix du logement a augmenté de 31 % et celui de l’alimentation de 28 %. Ces dépenses représentent plus de la moitié du budget des familles à faible revenu, contre moins du quart pour les plus riches. L’impact de la hausse du coût de la vie est donc disproportionné. Les plus aisés se plaignent le ventre plein, sans voir la misère chez leurs voisins.

« Non seulement on assiste à une augmentation, mais la gravité, c’est-à-dire l’écart entre le revenu disponible des personnes et des familles par rapport au seuil de pauvreté, est de plus en plus grande. J’ai calculé, par exemple, que pour les personnes à l’aide sociale, la prestation est inférieure de 45 % à la Mesure du panier de consommation. En fait, on a un seuil de pauvreté, et le filet social ne permet même pas de l’atteindre » , dénonce Jean-Yves Desgagnés.

Le professeur à la retraite de l’UQAR, Jean-Yves Desgagnés. (Photo courtoisie)

Pendant ce temps, les revenus ont suivi des trajectoires opposées. Entre 2020 et 2024, le revenu des plus pauvres a diminué de 2 %, pour atteindre moins de 30 000 $ en moyenne, tandis que celui des plus riches est passé de 140 000 $ à 212 000 $, une hausse de plus de 50 %. Même après impôt, l’écart entre riches et pauvres n’a jamais été aussi grand. 

Pire en région

En 2023, avec un revenu net par habitant de 33 000 $, le Bas-Saint-Laurent arrive au dernier rang au Québec. Traditionnellement, les gouvernements compensaient ces faibles revenus par l’aide sociale, les allocations familiales ou les prestations de retraite, mais ces transferts ont diminué de 3 % en 2023, ajoutant à la pression qui pèse sur les ménages à faible revenu.

Depuis la pandémie, le prix de l’alimentation a augmenté de 28 %. (Photo courtoisie Moisson Québec)

Près de 15 % de la population régionale vit en situation de pauvreté, soit environ 28 000 personnes, dont de nombreux enfants. 

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